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106-107
TOSEL André : Démocratie et libéralismes (1995)

Paris, Kimé, 1995, 288 p.

Article mis en ligne le décembre 1995
dernière modification le 4 avril 2007

par Ucciani, Louis

Ce livre, qui reprend des textes publiés par l’auteur entre 1981 et 1995, dessine une réflexion actuelle sur le monde actuel. Il dégage les conditions de possibilité de la pensée du politique autour des deux moments historiques que sont d’une part la fin du communisme et de l’autre l’affirmation de la démocratie libérale comme forme politique parfaite de la modernité. L’ouvrage s’ouvre sur une réflexion autour de la prétendue révolution démocratique qui aurait mis fin au régime communiste, or, note l’auteur, “un simple regard sur les évolutions de l’Est et de l’Ouest montre que cette révolution s’est vite transformée en une tentative de démantèlement de l’État social de droit qui avait été auparavant opposé au soviétisme, en une restauration des rapports capitalistes de production à un niveau planétaire.” Le XXIe siècle s’ouvre sous le signe du libérisme, dont “rien n’assure qu’il ne soit réellement ami de la démocratie qu’il vient de réduire à sa merci.” Autrement dit, après avoir aidé à la chute de l’État soviétique, “le libérisme s’est avancé à visage découvert et a attaqué de front son ennemi juré, l’État social de droit qui est encore de trop pour les mécanismes de la dérégulation assurant l’enrichissement incessant des plus riches et l’appauvrissement plus massif des plus pauvres.”

André Tosel dessine “ l’histoire Sainte du libér(al)isme ”, qui “est celle de l’avènement difficile du couple inégal unissant l’élément mâle du Marché et l’élément femelle de l’État de droit, considéré comme la vérité en soi et pour soi de l’histoire humaine.” Elle a ses théoriciens de “Tocqueville jusqu’à Hayek, en passant par R. Aron ou F. Furet.” Et elle institue comme “le seul homme véritable et le citoyen réellement actif (...) le propriétaire de capitaux et de moyens de production qui est en même temps un blanc et un nordiste.” Écrire cette histoire requiert une méthode et surtout des distinguos, afin que l’historiographie libérale ne prenne pas tout simplement, dans une même imposture la place de l’historiographie stalinienne. D’autre part, poursuit l’auteur, de même “qu’il faut distinguer entre libéralisme éthico-politique et libérisme économiste, il faudra distinguer sous la dictature idéologique du stalinisme les autres possibles communistes qui ont été éliminés, rechercher les invariants qui lient philosophiquement Marx, Kautsky, Lénine, Staline, Trotzky et Gramsci, par exemple, et les différences, voire les différends qui les opposent.” Nous pourrions quant à nous surenchérir et mettre au programme les autres “oubliés” que sont par exemple, Fourier, Proudhon, Owen ou encore Enfantin... Subsiste que le problème du politique est ici posé, et qu’André Tosel ouvre en philosophe analyste de son temps quelques pistes de réflexion à relayer. Notamment autour de l’État : si, note-t-il, “la critique marxienne de l’État garde son importance négative”, il ne faut bien sûr pas oublier la révision de Gramsci et bien repérer le danger. “Reprendre aujourd’hui sans précaution le mot d’ordre de fin de l’État, c’est en fait risquer de demeurer subalterne au libertarisme libéral dont on a mesuré la nocivité sociale et politique.”