Une quinzaine de pages seulement de cet important ouvrage (pp. 136-153), suivies d’une minutieuse bibliographie, sont consacrées aux disciples russes de Charles Fourier, issus du cercle de Petrachevski, fondé en 1844 et dispersé par la répression en 1849 (123 inculpations et 21 condamnations à mort, dont celle de Dostoïevski). Après avoir évoqué (p. 148) l’utopie amoureuse de Bielinski (“Il n’y aura plus de maris et de femmes, mais des amants et des amantes.”), les auteurs s’attachent à analyser la pensée de Tchernichevski (Que faire ?, 1863), puis celle de ses adversaires Dostoïevski et Saltikov-Chtchédrine, qui reprochent à l’utopie de Tchernichevski son caractère coercitif. Mais ce dernier peut-il être considéré comme un véritable disciple de Fourier ? Pour Benoît Malon (cité par les auteurs), “son socialisme est un communisme fédératif et libertaire (?), un composé de l’athéisme critique du XVIIIe siècle, de l’humanisme de Feuerbach, du communisme associationiste d’Owen et de l’harmonie sériaire de Fourier.” Quant à Dostoïevski, les auteurs se gardent d’affirmer que par exemple dans son “Rêve d’un homme ridicule”, il a tourné le dos à son fouriérisme initial. Il semble plutôt l’avoir “ sublimé ” dans un mysticisme christique, qui n’est sans doute pas plus infidèle à Fourier que l’athéisme professé par nombre de ses disciples, et que lui-même condamnait.