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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

McWILLIAM Neil : Rêves de bonheur. L’art social et la gauche française, 1830-1850 (2007)
Dijon, Les Presses du réel, 2007, 496 p.
Article mis en ligne le 15 décembre 2007
dernière modification le 7 avril 2008

par Ucciani, Louis

Les Cahiers avaient signalé lors de sa publication américaine l’intérêt de ce livre [1]. La traduction française combinée aux travaux en cours sur la question nous conduisent à revenir sur cet ouvrage. En effet, Mc William qui occupe la chaire Walter H. Annenberg d’art et d’histoire de l’art à l’université de Duke (États-Unis), au terme d’un énorme travail de documentation et de synthèse, nous permet d’envisager des champs de compréhension pour au moins trois types de questions. Celles qui ont trait aux relations entre l’art et la politique ; celles qui envisagent la question de l’origine des avant-gardes ; celles qui interrogent le rapport des artistes à Fourier.

C’est à Condorcet que l’on doit la désignation « art social » : « Dans l’encart annonçant son Journal de la Société de 1789, publié au cours de l’été 1790, le philosophe Condorcet appelle de ses vœux à l’élaboration d’un art social » (p. 5). Cette notion devait compléter un édifice conceptuel contenant une science sociale et des mathématiques sociales ; en même temps l’édifice envisageait une concrétisation qui devait fonder un autre rapport au monde. Un siècle plus tard, en novembre 1891, « l’expression est devenue le titre d’un nouveau mensuel publié sous l’égide du Club de l’art social, une organisation de tendance anarchiste qui a pour but de forger une alliance culturelle en vue de provoquer un changement révolutionnaire » (p. 5). L’ouvrage interroge le parcours de cette notion d’art - comment « le concept relativement abstrait inventé par la science politique à la fin du siècle des Lumières est devenu une véritable ambition culturelle » (p. 5). S’attachant plus particulièrement à la période 1830-1850, le débat qui voit se préciser l’art social s’écrit dans un environnement de remises en question des institutions, dans un « vide laissé par ce que l’on considère alors comme la mort du catholicisme » (p. 15), et repose sur une tentative de repenser radicalement les rapports humains et donc la société. Dans ce cadre général, un tournant se prend dans le champ particulier de l’esthétique. Si ce que l’on peut nommer l’esthétique philosophique issue de Kant « s’attache à exalter l’art en tant que pierre angulaire des valeurs de l’humanisme libéral, il existe cependant une autre généalogie - où les théories radicales de l’art social jouent un rôle majeur - qui remonte à la naissance de l’esthétique au XVIIIe siècle » (p. 23). Cette « autre » esthétique qui conserve une bonne part des fondements de l’esthétique dominante, n’en constitue cependant pas moins un « courant parallèle » qui insiste sur « la capacité de l’art à servir des buts politiques en faisant appel au sentiment collectif » (p. 23). Parcourant le saint-simonisme, le cercle de Philippe Buchez, Pierre Leroux, l’esthétique républicaine et celle des fouriéristes, l’auteur retrouve les points d’accroche où la politique a eu besoin de l’art, où l’art s’est inscrit dans des visées politiques, où en quelque sorte la théorie et l’image ont fait route commune. En ce qui concerne le fouriérisme, il opère une recherche minutieuse qui permet de repérer les fondements de ce qui demeure une exception : Fourier est le seul parmi les philosophes qui a déclenché depuis sa mort une production esthétique.

Le chapitre 7, intitulé « La beauté du bonheur : art social et critique fouriériste » (p. 239-335) possède à lui seul la qualité d’un ouvrage. C’est avec la publication du Phalanstère à partir de 1832 que commence le fouriérisme (« La publication du Phalanstère marque la véritable naissance du fouriérisme », p. 239). Et d’emblée, alors que Considerant « qui cherche à attirer un plus large public, dilue sensiblement les idées de Fourier » (p. 243), les critiques d’art qui officient dans la publication fouriériste « conservent une étonnante fidélité aux questions doctrinales que le programme politique du groupe a de plus en plus tendance à délaisser pendant les années 1840 » (p. 243). Si Fourier « préfère souligner l’attrait sensuel plutôt qu’intellectuel de l’art » (p. 240) et s’il promet gloire et fortune aux artistes, il est vrai qu’il « ne semble guère s’être véritablement penché sur la place de l’artiste dans son univers sociétaire » (p. 243). Partant de cette prémonition de Fourier qui dès la Théorie des Quatre Mouvements (p. 79-80), considère que « ses idées entraînent des conséquences importantes pour la culture » (p. 243), les critiques fouriéristes dégagent les fondements d’une esthétique, dont la mission sera de soutenir, voire d’anticiper le programme strictement politique. C’est ainsi par exemple que « d’Izalguier et Laverdant considèrent manifestement que l’élaboration d’une science critique ancrée dans la philosophie fouriériste est une priorité » (p. 303). D’Izalguier (« Le premier théoricien esthétique du mouvement », p. 246), dans un texte intitulé Loi de la corrélation de la forme sociale et de la forme esthétique publié en 1836, propose les bases de ce qui deviendra l’esthétique fouriériste. Elle tient autour de deux axes : 1) « D’Izalguier associe [...] la perfection de la forme au développement et au déploiement sans entraves de toutes les facultés, autrement dit, à l’accomplissement de la ‘destinée’ dans le bonheur » (p. 246). On reconnaît ici le principe fouriériste du libre développement conduisant à une harmonie et 2) « Les mécanismes répressifs mis en place par la société contemporaine (que Fourier appelle dédaigneusement « civilisation ») troublent l’harmonie formelle et fonctionnelle inhérente à la nature, produisant la laideur dans le domaine esthétique et la discorde dans la société » (id.). Ce jeu entre le beau et le laid, s’il fait résonance avec les conceptions classiques issues du platonisme, n’en ouvre pas moins sur autre chose. Désiré Laverdant (« principal théoricien du groupe », p. 244), dans le n° 2 de La Démocratie pacifique du 2 août 1843 produit un texte, « L’art et sa mission », dans lequel il énonce que « le but de l’art est de nous faire concevoir et aimer la destinée vraie et de nous éloigner des vies fausses et désordonnées » (p. 244). Autour de ce but l’art opère à la fois comme « expression idéelle de l’harmonie » (p. 245) et comme « impulsion vers sa réalisation » (id.). Cela trace l’ordre de mission de l’artiste en dégageant les conditions de sens de son action : « le sentiment d’harmonie transmis à l’individu par le biais de l’expérience esthétique provoque l’interrogation sur le caractère discordant des relations sociales dans la société et suscite l’aspiration au changement » (id.). Sans doute inspirés par les physiologistes fouriéristes tels Baudet-Dulary et Théophile Thoré qui envisagent l’harmonie du corps humain autour du couple forme/fonction et qui énoncent par exemple que « les individus, par rapport à l’humanité, sont des notes de valeurs diverses, qui concourent toutes au grand concert de la vie » [Thoré, Dictionnaire de phrénologie et de physiognomie, Paris, 1836, p. 199, cité p. 247), « les critiques fouriéristes vont même jusqu’à étendre ce concept de l’idéal au-delà de la beauté » (p. 247). C’est ainsi qu’à la suite d’Izalguier qui en 1836 a mis en relation forme et fonction en « affirmant que la laideur est l’antithèse morale de la beauté » (p. 248), Laverdant développe le concept de laideur idéale. Outre qu’on peut y voir une parade contre les critiques que l’art fouriériste peut susciter, on y lit surtout une ouverture du champ de l’art et un moment dans la critique que l’art peut exercer : « si la beauté idéale montre la nature dans son état d’harmonie et de bonheur originels, son antithèse dévoile pareillement la corruption de la nature dans un régime social qui a conduit à la discorde et l’insatisfaction » (p. 249). La mission proposée à l’artiste sera donc soit prophétique soit dénonciatrice. C’est ainsi par exemple que le critique Delrieu propose dans Le Phalanstère (septembre 1836), l’article « Du désordre dans la peinture » où, s’adressant aux artistes, il esquisse la voie critique : « Rendez-moi l’amour tel que notre civilisation épuisée nous le dispose, l’amour souffreteux, mélancolique, manquant d’art, de bien-être, d’indépendance et de force physique ; rendez-moi la corruption qui s’exerce dans nos mœurs politiques... » (cité p. 249). Quant à Laverdant, rendant compte du Salon de 1842 dans Le Phalanstère du 10 avril 1842, c’est dans un sens proche qu’il énonce : « Nous avons besoin de prendre parti contre le mal - l’artiste devra donc le représenter dans les conditions où il se produit, afin que notre âme irritée mette plus de soin à le combattre et, par une réaction vive, s’attache à réaliser le bien. » (p. 250) C’est donc vers un réalisme s’opposant à tout pittoresque que se développe la première esthétique fouriériste, sous la direction principalement d’Izalguier et de Laverdant. Si Delrieu les suit, d’autres critiques fouriéristes comme Eugène Pelletan, Charles Brunier ou Louis Ménard, dans des articles parus à la même époque dans La Démocratie pacifique, ne s’engagent pas totalement dans cette voie (p. 250-251). On voit par exemple Pelletan et Brunier défendre un peintre comme Adolphe Leleux que par ailleurs Laverdant « accuse de malhonnêteté morale » (p. 250). L’opposition Ménard-Laverdant engage le statut et la fonction de l’art pour toute analyse sociale et politique du monde selon le prisme de Fourier : « Ménard nie implicitement la possibilité pour l’art d’être un facteur de changement en adoptant un positionnement critique qui favorise l’inertie et même la délectation devant le spectacle du désordre qui règne dans le monde. Laverdant suggère quant à lui un geste plus énergique, et demande à l’artiste, au lieu de cultiver ‘la poésie du laid’, de ‘corriger la nature’ et de dévoiler l’harmonie disparue’ » (p. 251). Dans Le Phalanstère du 29 mai 1842, à propos du Salon de 1842, s’adressant aux jeunes artistes, il énonce son credo esthétique : « Allez donc ! Renversez la hideuse cabane du paysan, desséchez les mares, effacez le désordre de mes campagnes ; donnez de divins modèles de distribution harmonique, afin que soient bientôt réalisés les Jardins Enchantés » (p. 251). À côté donc de l’artiste dénonciateur de la laideur du monde advenu, il y a l’artiste prophète par qui peuvent passer les images anticipatrices du monde à venir (« l’artiste prophète, qui dévoile les enchantements d’une société harmonieuse, vient prêter main-forte à l’artiste-critique, chargé de disséquer les maux de la civilisation » (p. 252). Un autre critique fouriériste dans Le Phalanstère du 14 novembre 1841, promeut l’artiste au rang « d’homme d’élite ». Sur cette base de nombreuses propositions artistiques sont intégrées comme référence, mais celle qui semble en être le modèle demeure la toile fresque de Papety Un rêve de bonheur. Dans un article du Phalanstère du 2 octobre 1842, Laverdant trace sous le titre « École des beaux-arts. Envois de Rome. M. Papety » les lignes de force de ce que doit être un tableau fouriériste : « l’homme, dans la satisfaction mesurée de tous ses désirs, dans l’harmonie parfaite de sa félicité terrestre, concevra le vrai Dieu, entreverra les célestes demeures, et s’élèvera par son aspiration vers ces mondes bienheureux qu’il doit habiter à son tour » (p. 253). Au centre du tableau il y aura « le sentiment religieux [...] aux accords des harpies saintes ». Au pied de l’autel la science, et l’étude, un peu plus bas la maternité, l’amitié et l’amour et « enfin viendraient les travaux productifs » et « vers les deux extrémités, dans la demi-teinte favorable et pudique, de riantes sensualités » [id.]. C’est en quelque sorte - comme le souligne Mc William - une paraphrase du tableau de Papety qui s’écrit ici. Laverdant fait par deux fois référence à ce tableau, en 1842 donc, et en 1843 après sa présentation au salon de la même année (« Salon de 1843 », Le Phalanstère du 14 mai 1843), il y « souligne que l’œuvre est en parfait accord avec l’idéal fouriériste » (p. 256). C’est sans problème qu’il « range donc clairement le tableau de Papety dans la catégorie de la peinture prophétique » (p. 257). Cette intégration du tableau de Papety comme référence fouriériste se fait contre l’air du temps : « Accueilli par les quolibets en 1843, et vu d’un mauvais œil par l’Académie, Un rêve de bonheur établit la réputation de Papety en tant que propagandiste de l’École sociétaire et, en 1847, un éditorialiste [anonyme] déclare : « chaque tableau de M. Papety est une page de La Démocratie pacifique en couleur. » (p. 257) Être référence n’empêche pas d’être critiqué et autant Laverdant que Brunier n’hésitent pas à montrer leurs réticences quand ils en ont, notamment pour ce qui est montré au Salon de 1846 [note 38, p. 257] ; être référence n’empêche pas d’être comparé ; ainsi d’autres peintres sont associés au mouvement. C’est le cas de Gleyre qui, au Salon de 1843, présente Le Soir sous les commentaires « enthousiastes » de Laverdant (p. 259). De même Léopold Robert est particulièrement remarqué en 1845 par le même Laverdant pour avoir « montré des scènes frappantes de travail attrayant » (p. 259). Cantagrel intègre dans son commentaire du salon de 1841 (14 mai 1841, Le Phalanstère) Winterthaler, Roqueplan et Maréchal dans le corpus des peintres fouriéristes. Dans cette quête de peintres susceptibles d’évoquer le fouriérisme, Laverdant ouvre une troisième catégorie, après le prophétique et le critique, celle du « peintre du luxe ». Elle lui permet d’insister sur une des particularités du fouriérisme, et d’étendre le champ des candidats. C’est ainsi que Gros, Dedreux, Robert, Ingres, Géricault, Delaroche et Vernet sont intégrables au corpus (p. 262). Un autre versant fouriériste, celui qui insiste sur l’importance de la nature permet d’intégrer des peintres paysagers comme Corot, Huet, François, Dupré, Aligny et Marilhat (id.). On le voit, dans cette quête par assimilation des artistes, c’est en fait le critique qui est le principal acteur. C’est lui qui dessine la conception fouriériste de l’art à partir de ce qu’il voit, plus qu’à partir de ce qu’avait pu dire et écrire Fourier. Et c’est finalement le niveau d’engagement du critique dans le mouvement qui fait la « valeur » du jugement. Tous, précise Mc Wiliam, « ne sont pas membres du mouvement et parmi ceux-là, les positions varient considérablement » (p. 305). On verra par exemple Lemarant, Ménard et Cantagrel privilégier une approche subjective de l’art au détriment de l’analyse formelle ; seul parmi ces trois critiques Cantagrel est théoricien du fouriérisme, tandis que Laverdant et plus tard Sabatier « s’efforcent d’adapter les conventions langagières afin de développer une approche critique radicalement différente » (p. 305). Ce n’est alors pas le moindre des intérêts de l’ouvrage que de dégager une généalogie de la critique fouriériste : « c’est probablement à la suite de la sécession de d’Izalguier que le groupe fait appel à Lemarant et à Schoelcher » (p. 305). Or « à l’instar de Lemarant, auquel il a succédé, Schoelcher ne semble adhérer aux idéaux fouriéristes qu’en raison d’un engagement de principe en faveur de l’utilitarisme esthétique, position qu’Eugène d’Izalguier avait déjà repérée en 1836 » (p. 305). Leur succèdent Eugène Pelletan et Louis Ménard (« les documents semblent indiquer que les deux hommes n’avaient pas que des contacts superficiels avec le groupe, mais on ne peut déterminer avec certitude s’ils adhéraient pleinement aux idéaux fouriéristes » (p. 305). Les ambiguïtés politiques ne font que refléter celles qui auraient trait à une conception esthétique unifiée : « François Cantagrel qui écrit dans le sillage de d’Izalguier, dont il connaît les principes, ne propose aucun véritable système esthétique. Il en va de même pour Charles Brunier, le successeur de Laverdant ; ni l’un ni l’autre ne font preuve de la détermination de leurs prédécesseurs ou de leur héritier en méthodologie, François Sabatier » (p. 307). L’axe d’Izalguier-Laverdant, où théorie politique fouriériste et esthétique fouriériste tentent de se structurer dans un ensemble cohérent, trouve son relais avec Sabatier. D’Izalguier arrête toute collaboration avec les fouriéristes en 1837 (p. 314) ; Laverdant « de plus en plus attiré par le catholicisme, finit par se convertir en 1848, et c’est cela qui, entre-temps, a précipité le départ du critique » (p. 309) ; finalement donc, « ce n’est qu’en 1850, avec l’arrivée de François Sabatier sur le devant de la scène, que les théories fouriéristes sont reprises afin de tenter d’élaborer une esthétique cohérente » (p. 315). Sa carrière de critique est cependant courte, elle se ramène au compte rendu du Salon de 1850-51, dans La Démocratie pacifique : « Tout en reprenant un certain nombre de réflexions menées par Laverdant et d’Izalguier, Sabatier évite soigneusement d’évoquer les aspects plus abstraits de la pensée de Fourier, contrairement à Laverdant, qui s’était sans doute ainsi attiré la défaveur de ses collègues » (p. 316). Critique peu prolixe, Sabatier est à considérer comme un ami des arts et des artistes, qu’il met en contact avec un idéal politique. C’est ce qui lui fait reconnaître l’importance de Courbet avec qui, selon lui, « le peuple entré dans la politique, veut aussi entrer dans l’art » (p. 316), et devenir mécène de notamment deux artistes fouriéristes, Papety et Ottin. C’est lors de sa visite à Rome en 1838 que Sabatier les rencontre. À Papety il commande plusieurs allégories fouriéristes dont Le Passé, le présent et l’avenir qui est présentée au salon de 1847, Le dernier soir de l’esclavage et Un Rêve de Bonheur. C’est cette collaboration qui fait de Papety le principal peintre fouriériste de l’époque. On retiendra ce jugement général sur l’œuvre : « Papety semble avoir des difficultés à transcrire l’allégorie politique dans un langage visuel contemporain et s’en tient pour l’essentiel au lexique engrangé au cours de sa formation académique » (p. 320). Ce qui fait de lui un peintre mineur qui a néanmoins le mérite de personnifier un art fouriériste, dont il est l’animateur premier et principal en compagnie d’Ottin. Si ce dernier a moins l’occasion de figurer le fouriérisme, il demeure un militant qui en 1864 publie un manuel de sculpture dans lequel on retrouve les axes esthétiques dégagés par d’Izalguier et Laverdant (p. 332). Il est emprisonné en juin 1848 ; sous la Commune on le nomme avec son fils Léon « à la tête de la fédération des artistes » (p. 331). Il propose la création d’une école de dessin « sous la forme de coopérative de travailleurs-propriétaires » (id.), aide Malon dans sa fuite en Suisse, « participe aux côtés de Chabert à la fondation de l’Union syndicale ouvrière » (p. 331) et participe en 1874 à l’exposition des Artistes indépendants « sans doute parce qu’il veut s’associer à une initiative mutualiste, et non par affinité esthétique avec les autres participants » (p. 331). Ce parcours militant accompagne une œuvre assez foisonnante souvent inscrite dans la commande publique. Ce n’est finalement que grâce à Sabatier qu’il peut donner libre cours artistique à son fouriérisme. Il s’agit du programme de décoration de l’hôtel Rinoi de Florence. On remarque dans cette construction trois niveaux. Tout d’abord le buste, réalisé d’après le portrait de Gigoux de 1836 et le masque mortuaire. Il est refusé en 1847 au Salon, et « dévoilé lors d’un banquet d’ouvriers phalanstériens en avril 1847, une copie fut par la suite placée sur la tombe de Fourier au cimetière de Montmartre, tandis que des répliques en plâtre étaient vendues à la librairie phalanstérienne » (p. 324). Sur la roche une devise latine : « Vos omnes fratis estis » (« Vous êtes tous frères ») « flanquée de deux figures allégoriques de la Justice et de la Vérité représentées par un éphèbe et une jeune adolescente » (id.). Enfin le corps de la cheminée représente des moments fouriéristes en bas relief (on voit dans le livre une photographie des petites hordes et une autre de l’éclosion des vacations, p. 325-26). Manque un candélabre à trente-deux branches qui devait symboliser une série mesurée ; il n’est jamais réalisé.