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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Achard, Félix
Article mis en ligne le 2 juin 2023

par Desmars, Bernard

Né le 18 octobre 1810 à Saconex, près de Genève (alors dans le département français du Léman, aujourd’hui en Suisse), mort le 5 septembre 1879 à Saint-Marcellin (Isère). Médecin à Saint-Marcellin et auteur de travaux sur la sériciculture. Fouriériste dès le début des années 1830.

Félix Achard est le fils d’un propriétaire [1]. Après l’obtention de ses deux baccalauréats (de lettres dans l’académie de Grenoble, puis de sciences dans l’académie de Montpellier), il suit des études de médecine d’abord à Montpellier, puis à la faculté de Paris [2] ; il est classé quatrième en 1831 au concours de l’externat des hôpitaux de Paris [3]. La même année, il adhère à l’Association de la Seine, établie « pour assurer l’indépendance du pays et l’expulsion perpétuelle de la branche aînée des Bourbons » [4].

Fouriérisme et médecine

Toujours en 1831, il rencontre Fourier [5]. Dans sa thèse, soutenu en 1836, il souligne la dimension sociale du choléra et emploie le vocabulaire de de la théorie sociétaire : la misère, écrit-il, est la vraie responsable des dommages provoqués par l’épidémie ; il appelle à la constitution de statistiques médicales ; « un travail qui constaterait le nombre et les espèces des maladies qui ont leur origine ou leur développement dans cette plaie des sociétés modernes, serait, certainement, la satire la plus sanglante de cette civilisation à laquelle on a prodigué tant d’éloges » [6].

Extrait d’un écrit d’Achard
Félix Achard, Coup d’oeil rétrospectif (...), 1835.

En 1837, il promet à Victor Considerant 60 francs pour le « projet de réalisation » et « la grande œuvre que vous poursuivez avec tant de persévérance », tout en regrettant de ne pouvoir faire plus [7].

Alors que ses succès académiques, et en particulier son classement à l’externat, lui auraient permis, selon un de ses confrères, de « réaliser sur un vaste théâtre les espérances que justifiait ce brillant début [...] il préféra se consacrer [...] au soulagement de misères auxquelles plus que personne il savait pouvoir appliquer le remède physique et moral » [8].
Il s’installe à Saint-Marcellin (Isère) et y exerce sa profession de médecin. En 1846, il se marie avec Laure Pauline Francillon, dont le père exerce au sein du tribunal de commerce de Romans. Il a deux enfants, qui naissent en 1849 et 1851.

Engagement républicain

Au printemps 1848, après l’établissement de la Deuxième République, il est le vice-président du Cercle des travailleurs de Saint-Marcellin [9]. En juin 1849, alors que les relations se tendent entre le pouvoir exécutif et la gauche qui conteste la politique romaine du président Louis-Napoléon Bonaparte, il écrit à Victor Considerant :

Il est probable qu’il y aura un soulèvement général, si par hasard Paris et Lyon ont le dessous. On parle déjà de faire sonner le tocsin dans les communes et de former des détachemens [sic] pour marcher sur Lyon au secours de nos frères [...]. Lors même que vous aurez le dessous à Paris, la victoire de MM. Changarnier et Bonaparte ne serait pas de longue durée ; comptez sur nous. Si vous êtes vainqueurs, que votre premier décret soit pour la Banque d’Etat et les agences [10]

.
On ignore si la découverte de cette lettre lui a suscité des ennuis de la part des autorités. Il est nommé au sein du Conseil d’hygiène publique et de salubrité de l’arrondissement de Saint-Marcellin [11]. Il ne semble pas faire l’objet de poursuites après le coup d’Etat du 2 décembre 1851. [12]
Dans les années suivantes, il est en relation avec la Société de Beauregard constituée par le fouriériste Henri Couturier à Vienne, et regroupant des coopératives de production et de consommation [13]. En 1868, l’organe fouriériste La Science sociale accueille un débat entre ceux qui veulent passer à la réalisation phalanstérienne et ceux qui considèrent que ces essais sont voués à l’échec et qu’il vaut mieux suivre la voie garantiste, c’est-à-dire constituer des coopératives et des mutuelles pour accéder, certes plus lentement, mais plus sûrement à l’Association intégrale ; Achard se déclare alors partisan des seconds. [14]

Innovations médicales

Il se livre aussi à des recherches scientifiques et crée « un nouveau mode de pansement des plaies » [15]. Il invente « la résino-thérapie chirurgicale » qui, affirme-t-il, guérit les « maladies gangréneuses » et les « plaies affectées d’infection purulente » ; il présente sa « découverte » dans des mémoires envoyés à la Société de chirurgie de Paris et à la Société impériale de médecine de Lyon, dans une brochure de vulgarisation [16] ainsi que lors d’une conférence à Lyon en juin 1870. Il prévoit aussi de former des élèves et d’initier « par un enseignement rapide (8 à 10 jours) les chirurgiens qui voudront installer, comme nous, un enseignement libre, théorique et pratique de la résino-thérapie chirurgicale dans des grandes villes » ; il envisage aussi de créer à Lyon un dispensaire où « nous traiterons avec une égale sollicitude les blessés pauvres et les blessés riches, ainsi que nous l’avons fait pendant toute notre carrière de médecin » [17]. Sans doute le déclenchement de la guerre contre la Prusse, quelques semaines plus tard, a-t-il empêché cette création.
Il publie au milieu des années 1860 une étude sur un système de « ventilation renversée », qui permettrait de mieux aérer les salles des hôpitaux, en particulier militaires, et ainsi d’y améliorer l’hygiène [18].
Il propose ce nouveau système de ventilation dans la presse et devant les sociétés savantes [19] - il est lui-même membre correspondant de la Société impériale de médecine de Lyon [20]. Lors du congrès médical de Lyon,en septembre 1872, il plaide

avec sa chaleur ordinaire la double cause de la ventilation renversée et de la résino-thérapie, promettant à ses auditeurs que ce dernier moyen, appliqué sur une grande échelle par des hommes osant porter la hache de la réformation dans les vieux hôpitaux d’autrefois, amènerait bientôt le jour où l’on verrait, chose étrange, des hôpitaux où il n’y aura pas de pus [21].

Protéger l’industrie séricicole

Félix Achard s’intéresse aussi à l’agriculture. Il est membre de la Société d’agriculture de l’arrondissement de Saint-Marcellin, à laquelle il fournit en 1858 un rapport sur le sorgho [22]. Surtout, il consacre beaucoup de temps à la sériciculture, activité très développée en Isère, et aux maladies qui menacent le vers à soie ; il publie une brochure sur la muscardine sous la monarchie de Juillet [23] ; sous le Second Empire et la Troisième République, c’est la pébrine, qui affecte le vers à soie et qui mobilise son attention. Il collabore au Journal d’agriculture de l’agriculture dirigé par Jean-Augustin Barral, auquel il fournit entre 1866 et 1871 une série d’articles sur « La réforme séricicole », une « Chronique séricicole » ainsi que divers autres textes sur la culture du vers à soie. Il adresse aussi des rapports sur la même question à des sociétés savantes [24], aux parlementaires des départements séricicoles [25] et publie plusieurs ouvrages.
Pour lutter contre la maladie du vers à soie et les dangers qu’elle fait courir à l’activité séricicole, il préconise la formation d’une association réunissant les éleveurs, les scientifiques ainsi que des industriels du textile, et se mettant en contact avec des producteurs japonais afin d’importer en France de nouvelles graines, puis de les distribuer ; après plusieurs mois d’efforts, il réussit à constituer la Société coopérative séricicole française dont il est le directeur [26]. « Voilà une excellente application des idées de coopération », estime Barral [27].

Dans les années 1870, Félix Achard semble s’être éloigné du mouvement fouriériste sur le déclin ; il ne participe pas aux souscriptions lancées par la Librairie des sciences sociales. Cependant, il adresse à Jean-Baptiste André Godin, le fondateur du Familistère de Guise, une lettre dans laquelle il rappelle son adhésion au fouriérisme. Il indique aussi être l’auteur de manuscrits dont l’un est intitulé : « Union de la science et de la religion pour le salut de la République », son but étant « de faire une république chrétienne, c’est-à-dire selon l’esprit de l’Evangile, et une Eglise républicaine, c’est-à-dire anti-monarchique ». Il finit par lui « exprimer [ses] sympathies et [son] admiration » [28].
Après sa mort, le périodique Lyon médical rend hommage à ce « vulgarisateur d’élite », à ce « novateur » voulant « réformer, et la thérapeutique des grands accidents septiques, et l’hygiène des hôpitaux » ; il insiste sur la capacité d’Achard à emporter la conviction de ses auditeurs :

Tel était l’ascendant de cette éloquence native que, quel que fût l’idéal des perspectives qu’il déroulait, sous nos yeux, on ne pouvait, tant qu’on était sous la domination de sa parole, se refuser à croire que là fût la vérité, le salut, l’avenir.

Lors du banquet annuel commémorant la naissance de Fourier, le 7 avril 1881, Félix Achaard figure sur la liste dressée par Pellarin des condisciples morts récemment [29].