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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Alhaiza, (Jean-) Adolphe
Article mis en ligne le 28 juin 2007
dernière modification le 18 octobre 2013

par Desmars, Bernard

Né à Tarbes, le 22 mai 1839 ; mort à Montreuil-sous-Bois le 2 juillet 1922. Voyageur de commerce. Marié. Principal dirigeant de l’Ecole sociétaire et directeur de La Rénovation de 1894 à 1922.

Fils de Paul Alhaiza, tapissier et Thérèse Chambon, Jean-Adolphe Alhaiza vient très jeune à Paris pour travailler. Ce n’est que vers 1890 - il est alors voyageur de commerce - que cet autodidacte rencontre les idées phalanstériennes. Très intéressé par les sciences occultes et les théories cosmogoniques, il publie en 1889, sous le pseudonyme de Jean Chambon, Catéchisme naturaliste. Essai de synthèse physique, vitale et religieuse (réédité en 1892 dans une version largement modifiée sous le titre de Catéchisme dualiste), puis en 1891 Cybèle, voyage extraordinaire dans l’avenir, deux ouvrages qui suscitent l’intérêt du directeur de la revue fouriériste La Rénovation, Hippolyte Destrem ; celui-ci, qui tente de reconstituer une Ecole sociétaire en recrutant des éléments plus jeunes que les anciens disciples de Fourier, contacte Alhaiza et l’introduit au sein du groupe fouriériste au cours des années 1892 et 1893. Il lui fait rédiger en particulier un Historique de l’École sociétaire fondée par Charles Fourier, suivi d’un résumé de la doctrine fouriériste et du sommaire du Garantisme élucidé par Hippolyte DESTREM qui paraît en 1894. Malgré cela, et bien que Destrem le présente comme « notre nouveau condisciple » en le couvrant d’éloges, Alhaiza ne semble guère avoir participé aux manifestations fouriéristes, ni publié d’articles dans La Rénovation avant la mort de Destrem, survenue en juin 1894.

A partir de cette date, et parce qu’il hérite de La Rénovation, il devient le chef de l’Ecole sociétaire, malgré les contestations de ceux qui ont adhéré depuis plus longtemps aux idées fouriéristes, et les départs de ceux qui veulent réaliser une colonie agricole ou une « expérimentation sociétaire ». Comme Destrem, Alhaiza prétend en effet privilégier la propagande, ce qui, en réalité, se limite à peu près à la parution mensuelle de La Rénovation, ainsi qu’à la célébration tous les 7 avril de l’anniversaire de la naissance de Fourier. Principal orateur lors de cette cérémonie, et rédacteur de la plus grande partie de la revue, il propose une lecture du fouriérisme qui se veut « réaliste », en critiquant les « rêveries » et les « bizarreries » de Fourier, et en s’appuyant sur le mouvement associatif, mutualiste et coopératif (dont l’Ecole sociétaire affirme la paternité fouriériste), tandis que les projets phalanstériens plus ambitieux sont renvoyés à plus tard. Cette stratégie, développée surtout entre 1895 et 1900, conduit Alhaiza à nouer des liens avec les organismes coopératifs (en particulier les dirigeants de la Chambre consultative des associations ouvrières de production), ainsi qu’avec le Musée social. C’est d’ailleurs en grande partie grâce au mouvement coopératif (à la fois pour le financement et la réalisation de l’ouvrage) qu’Alhaiza parvient à faire ériger une statue de Fourier, à Paris, en juin 1899.

Jusqu’alors, des liens ont été à peu près maintenus avec les partisans de « l’essai agricole », réunis au sein de l’Union phalanstérienne et de l’Ecole Sociétaire Expérimentale, et représentés lors de l’inauguration de la statue. Mais à partir de ce moment, le fossé se creuse entre les deux courants, non seulement en raison de leurs désaccords sur la voie à suivre (le garantisme ou l’expérimentation), mais aussi à cause des positions antidreyfusardes, nationalistes et antisémites qu’Alhaiza exprime avec virulence dans La Rénovation et dans des brochures (par exemple Juifs et francs-maçons, 1903). Quand Zola publie Travail (1901) roman avec une nette empreinte fouriériste, et œuvre saluée par des membres de l’Union phalanstérienne, Alhaiza s’emporte contre celui qu’il avait déjà qualifié de « nauséeux auteur de tant de cochonneries littéraires et autres, digne Messie du racolage dreyfusard et cosmopolite » [1].

Alhaiza dénonce violemment les socialistes, surtout Jaurès, sa sévérité étant moins grande à l’égard de Jules Guesde (on observe même la présence de plusieurs guesdistes aux anniversaires du 7 avril dans les premières années du XXe siècle) ; récusant toute filiation ou toute similitude entre les socialistes des années 1900 et la théorie fouriériste, il renomme celle-ci sociétarisme et se rapproche des rédacteurs de la Libre Parole ainsi que, à partir de 1904, du syndicalisme « jaune » de Pierre Biétry. Cette orientation provoque la rupture avec le monde coopératif. Elle accroît l’isolement de l’Ecole sociétaire, dont les rangs s’éclaircissent régulièrement. Dans les années qui précèdent la Première Guerre mondiale, « l’Ecole sociétaire » se réduit à quelques unités seulement et n’existe plus guère qu’à travers La Rénovation, celle-ci ne devant sa survie qu’à une rente fondée par une phalanstérienne, Virginie Griess-Traut. La valeur de cette rente, qui a considérablement décru après la guerre, ne permet plus d’assurer une périodicité régulière pour une revue qui n’a plus guère de lecteurs et dont l’existence est également menacée par l’âge et la santé déclinante d’Alhaiza, toujours principal rédacteur. Celui-ci, qui persiste jusqu’à la fin dans ses imprécations antisémites et xénophobes, assiste à la disparition de La Rénovation. Le dernier numéro du journal paraît en mai 1922, après qu’a été annoncée en janvier le retrait d’Alhaiza, avec son portrait (voir ci-dessous).

Portrait d’Aldolphe Alhaiza
Source : La Rénovation, janvier 1922

Alhaiza s’éteint le 2 juillet suivant (quelques jours seulement après le décès de son épouse Marguerite, le 29 juin) à Montreuil-sous-Bois où il s’était installé à la fin des années 1890.