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L’éducation de la basse enfance

Dans le troisième des quatre chapitres de la notice 5 consacrée à « L’éducation de la basse enfance », Charles Fourier attire notre attention sur la place à donner en période d’Harmonie aux enfants à l’âge auquel ils commencent à marcher. Dès le début de ce chapitre de plus de neuf pages fourmillant de détails concrets, le goût naturel des lutins et des lutines pour la production passionnée justifie un décor bien différent de celui de nos écoles maternelles actuelles. Il s’agit de fournir au petit enfant les moyens d’éclosion de ses goûts spontanés dominants, gage de l’épanouissement sensoriel, présenté comme cause plutôt que comme effet du « luxe » dans lequel baigne le phalanstère.

Alain Cassiot

Article mis en ligne le 4 janvier 2007
dernière modification le 26 avril 2007

par Cassiot, Alain

Chapitre XIX

Éducation des lutins par les bonnins et bonnines

Nous passons à la période d’initiative en industrie et en Attraction industrielle, sans laquelle tout est faux en éducation ; car le premier des trois buts de l’homme étant la richesse ou le luxe, on peut dire que son éducation est faussée et qu’il se dirige à contresens, si dès les premiers pas, dès l’âge d’environ deux ans, il ne s’adonne pas spontanément au travail productif, source de la richesse ; et s’il se livre, comme l’enfant civilisé, à ne faire que le mal, souiller, briser, commettre des dégâts que de sots parents trouvent charmants.

Cette duplicité d’action dans le bas âge, cet instinct, de si bonne heure en divergence avec l’attraction, serait la honte du Créateur, s’il n’avait pas inventé un autre mécanisme propre à faire concerter les passions et l’attraction à tout âge. Examinons ce mécanisme sur le premier âge susceptible d’industrie.

Dès que l’enfant peut marcher et agir, il passe de la classe des poupons et pouponnes à celle des lutins et lutines. S’il a été élevé dès sa naissance dans les séristères d’une phalange, il sera dès l’âge de vingt et un mois assez fort pour passer aux lutins. Parmi ces enfants on ne distingue point les deux sexes ; il importe de les confondre à cette époque pour faciliter l’éclosion des vocations et l’amalgame des sexes à un même travail. On ne commence à distinguer les sexes que dans la tribu des bambins.

J’ai dit que la nature donne à chaque enfant un grand nombre d’instincts en industrie, environ une trentaine, dont quelques-uns sont primaires ou dirigeants et doivent acheminer aux secondaires.

Il s’agit de découvrir d’abord les instincts primaires : l’enfant mordra à cet hameçon dès qu’on le lui présentera ; aussi dès qu’il peut marcher, quitter le séristère des poupons, les bonnins et bonnines à qui il est remis s’empressent-ils de le conduire dans tous les ateliers et toutes les réunions industrielles peu éloignées ; et comme il trouve partout de petits outils, une industrie en miniature, exercée déjà par les lutins de deux et demi à trois ans, avec qui il veut s’entremettre, fureter, manier, on peut discerner, au bout d’une quinzaine, quels sont les ateliers qui le séduisent, quels sont ses instincts en industrie.

La phalange ayant des travaux excessivement variés (voyez chap. XV et XVI), il est impossible que l’enfant qui les parcourt n’y trouve pas l’occasion de satisfaire plusieurs de ses instincts dominants ; ils éclateront à l’aspect des petits outils maniés par d’autres enfants plus âgés que lui de quelques mois.

Au dire des pères et instituteurs civilisés, les enfants sont de petits paresseux : rien n’est plus faux ; les enfants dès l’âge de deux à trois ans sont très industrieux, mais il faut connaître les ressorts que la nature veut mettre en oeuvre pour les entraîner à l’industrie dans les Séries passionnées, et non pas en civilisation.

Charles Fourier, Le Nouveau Monde Industriel et Sociétaire, 1829 (Paris, Flammarion, 1973, p. 227-228)