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Izalguier (d’) ou Isalguier (d’), (Marie Dominique) Eugène
Article mis en ligne le 23 août 2024
dernière modification le 5 septembre 2024

par Desmars, Bernard

Né le 12 avril 1814 à Lavaur (Tarn), décédé le 28 avril 1889 à Nice (Alpes-Maritimes). Publiciste, professeur et journaliste. Auteur d’un texte sur la conception fouriériste de l’art, publié en 1836 ; collaborateur de La Phalange en 1836 et 1837.

Eugène d’Izalguier [1] est le fils d’un propriétaire de Lavaur (Tarn) nommé maire de Mouzens sous la monarchie de Juillet [2]. Au milieu des années 1830, il vit à Paris et rejoint l’École sociétaire. En novembre-décembre 1835, un congrès historique européen est organisé par l’Institut historique à l’Hôtel de Ville de Paris ; trois fouriéristes doivent y intervenir : Charles Dain, Victor Considerant et Eugène d’Izalguier. Si les deux premiers prennent effectivement la parole lors du congrès, le troisième ne peut s’exprimer, par manque de temps [3]. Mais son texte, ainsi que ceux de ses deux condisciples sont rassemblés dans une brochure publiée en 1836 [4] ; il concerne l’art et est intitulé, « Loi de la corrélation de la forme sociale et de la forme esthétique » [5]. Pour l’historien Neil McWilliam, d’Izalguier joue « un rôle essentiel […] dans l’élaboration d’une théorie fouriériste de l’art » [6] ; il est « le premier théoricien esthétique du mouvement », associant « la perfection de la forme au développement et au déploiement sans entraves de toutes les facultés, autrement dit à l’accomplissement de la ‘’destinée’’ dans le bonheur » [7]. Pour d’Izalguier,

partout, dans la création, le beau est la formule, la manifestation du bon ou du vrai ; le laid, la formule, la manifestation du mauvais ou du faux. Partout, coexistence, accord harmonique du mode mathématique ou rationnel et du mode formulateur ou esthétique [8].

Collaborateur de La Phalange

Eugène d’Izalguier est aussi l’auteur en 1836 et 1837 dans La Phalange de plusieurs articles [9] sur l’art et la littérature [10], de recensions d’ouvrages [11], de quelques chroniques théâtrales et musicales [12] et de deux textes concernant la propagande sociétaire [13].

La publication de La Phalange, dont le premier numéro paraît le 1er juillet 1836, suscite en effet certaines réactions défavorables, dont celle de Flora Tristan, qui, dans une lettre [14], reproche à l’organe phalanstérien de se limiter à la critique sociale et de ne pas proposer de direction nette pour opérer la transformation de la société. C’est donc Eugène d’Izalguier qui répond à ces détracteurs, et en particulier à Flora Tristan ; il justifie la direction prise par La Phalange, en affirmant que sa rédaction a longuement réfléchi à son orientation et que l’École possède bien un plan : faire connaître au plus grand nombre la science sociale élaborée par Fourier, afin de « convier au bonheur le monde qui souffre » [15].

Après avoir joué un grand rôle au sein du mouvement fouriériste au cours de l’année 1836 et au début de 1837, Eugène d’Izalguier s’éloigne de l’École sociétaire : on ne le voit plus collaborer aux organes phalanstériens après février 1837 ; son nom n’est pas mentionné dans les comptes rendus des banquets du 7 avril célébrant la naissance de Fourier à partir de 1838, ni parmi les actionnaires des sociétés fouriéristes créées en 1840 et 1843.

Il figure sur la liste des « membres fondateurs » de la colonie agricole et pénitentiaire de Mettray (Indre-et-Loire), un établissement philanthropique ouvert en 1839 pour rééduquer des enfants délinquants ou difficiles [16] ; il y séjourne en 1841 – la fonction qu’il y occupe est inconnue – quand François Cantagrel visite les lieux :

J’ai vu là d’Izalguier qui m’a reçu assez froidement et d’un air gêné. Il ne lit jamais la Phalange, bien qu’on la reçoive à Mettray. Il semble être tout à fait étranger à l’idée sociétaire, et quand on lui donne des nouvelles de ses progrès, il semble revenir de l’autre monde. Evidemment, ce jeune homme n’a pas compté sur la puissance de la découverte, et maintenant […] il paraît être hostile aux idées qu’il a soutenues autrefois. Cependant, il ne les renie pas ; je l’ai mis au pied du mur à cet égard ; il s’est retranché dans l’impossibilité du succès d’un essai ; il pense, dit-il, qu’il fallait se borner à faire un journal, et pousser tous les chefs des industries à faire des applications de détail, telle a été, ajoute-t-il, la cause de sa rupture avec la Phalange [17]

Mariages

En 1841, il se marie avec Marie Louise Françoise Adèle Régis. Il est alors qualifié de rentier. Un fils, Anselme, naît en 1843. On ignore ce qu’Eugène d’Izalguier fait dans les années suivantes. En 1860, son épouse, alors domiciliée à Béziers, décède à l’hospice de Montpellier, sans que l’on sache où demeure alors son mari.

Eugène d’Izalguier collabore sous le Second Empire à plusieurs organes de presse. Il publie dans la Revue de Paris un article sur la Russie et le catholicisme [18], puis dans le Courrier du dimanche deux textes intitulés « De la situation littéraire », dans lesquels il déplore la médiocrité de la littérature contemporaine, et plus généralement de « l’art [qui] n’est plus que l’expression d’un scepticisme sans esprit, d’un matérialisme sans délicatesse » [19]. Il publie plusieurs articles dans la Revue fantaisiste, dirigée par Catulle Mendès, et dont Charles Baudelaire et Théodore de Banville sont des rédacteurs réguliers. Il y est notamment l’auteur de textes sur l’art et en particulier sur la musique [20].

Il se remarie en 1865 avec Marie Anne Zélie Théolie Faullain de Banville, veuve de l’avocat Alphonse Block de Freiberg et sœur de l’écrivain Théodore de Banville. Le mariage a lieu à Grave (Pays-Bas). D’Izalguier, « après des tentatives malheureuses d’exploitation agricole » [21], se serait alors installé dans la Nièvre, où la famille de sa femme possède des propriétés. Son épouse décède en avril 1867 à Lucenay-les-Aix (Nièvre). Mais peut-être ne réside-t-il plus alors avec elle [22]. Cinq mois plus tard – en septembre 1867 – il est domicilié à Nice quand il se remarie à l’âge de 53 ans avec Rosemonde Eulalie Frédérique Élise de Fragstein-Niemsdorff, née 30 ans plus tôt à Munster, fille d’un colonel d’artillerie domicilié à Coblence [23].

Enseignant et journaliste à Nice

D’après l’acte de mariage, il est alors professeur et homme de lettres. Dans les années suivantes, il donne des cours particuliers aux enfants du pasteur Léon Vilatte. Près de cinquante plus tard, l’un des élèves se souvient :

Notre instruction fut alors confiée à M. Izalguier qui demeurait au 3e étage du 48 rue de France. Il enseignait avec une égale aisance et une égale clarté le latin, le grec, la philosophie, les mathématiques, les littératures française et étrangères, les langues vivantes... que sais-je encore ? Il affirmait qu’il ne connaissait pas le chinois, mais je crois que c’était par excès de modestie. C’était un aimable vieillard, avec une barbe blanche et un fez vermillon, qui donnait ses leçons en fumant sa pipe et en se promenant de long en large. C’était, de plus, un farouche républicain, auprès duquel mon père nous paraissait modéré [24].

En avril 1871, Eugène d’Izalguier fonde et dirige un journal, L’Ordre social, « de tendance radicale voire socialiste » ; il y « professe les maximes les plus avancées » selon le préfet des Alpes-Maritimes [25] ; mais il quitte la rédaction en décembre de la même année ; d’après Édouard Vilatte, « il mangea […] ses économies » dans cette entreprise [26]. Il rejoint ensuite Le Phare du littoral, d’orientation gambettiste, dont la rédaction est d’un esprit « très avancé », selon le commissaire spécial de Nice, d’un républicanisme « plus radical que modéré » selon le préfet ; il est directeur et rédacteur en chef de ce journal qu’il quitte en 1877 [27]. Cette même année, il est admis au sein de la Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes, qui, dans la liste de ses membres, le présente comme un « professeur libre et [un] publiciste » [28]. Le seul travail qu’on lui connaisse, dans le cadre de cette association, est une analyse de « l’ouvrage du célèbre naturaliste de Montpellier, Charles Martins, sur l’origine paléontologique des arbres, arbustes et arbrisseaux du midi de la France, où perce l’idée transformiste » [29]. Surtout, il propose à la société savante la formation d’une commission chargée de réfléchir à la création de cours publics ; son initiative aboutit à la formation d’un Athénée qui propose trois fois par semaine des enseignements divers, de niveau supérieur ; lui-même prévoit en 1877 d’y exposer « la théorie de l’homme » [30] ; il assure ensuite un cours d’économie politique [31]. Peu après, il est décoré des palmes académiques. En 1882, il est aussi professeur de mathématiques à l’École nationale d’arts décoratifs ; il enseigne encore la même discipline quand, en 1887, quand il est nommé membre correspondant du Comité des Sociétés des Beaux-Arts [32].

En 1882, sa troisième épouse décède, à l’âge de 47 ans. D’après Édouard Pilatte, il est ensuite hébergé à la villa Torre di Cimella par une certaine « Mme Evans, qui l’[a] recueilli pour prendre de lui des leçons de philosophie » ; d’après la même source, on peut observer dans les années 1920 « sa statue en marbre de Carrare dans le jardin de la villa » [33].

D’après son acte de décès – qui indique qu’il est veuf d’Adèle Régis et de Élise de Fragstein-Niemsdorff, mais oublie encore Zélie Faullain de Banville – il est docteur en médecine et docteur en philosophie, sans qu’on sache quand et où il a obtenu ses diplômes.