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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Mongellas (ou Mongelas), (Marie Laurent) Hippolyte
Article mis en ligne le 18 décembre 2022

par Desmars, Bernard

Né le 1er juillet 1815 à Paris (Seine), décédé le 29 mars 1884 à Alger (Algérie). Magistrat aux Antilles, dans les Côtes-du-Nord (auj. Côtes-d’Armor), puis en Algérie, révoqué en 1852 ; avocat sous le Second Empire. Conseiller municipal, puis maire d’Alger. Membre de plusieurs associations. Actionnaire de l’Union agricole d’Afrique ; présent lors du banquet phalanstérien du 7 avril 1848 à Alger ; correspondant de l’École sociétaire au début des années 1850.

Hippolyte Mongellas est le fils d’un caissier ; il est aussi le frère de François Eugène Mongellas, officier d’artillerie et également disciple de Fourier. Il commence sa carrière de magistrat en 1838 avec un poste de juge auditeur à Fort-de-France (Martinique) ; en raison d’un problème de santé, il obtient un congé de convalescence en septembre 1839. Il se marie en novembre suivant avec Marie Alexandrine Clémence Saint-Macary, fille de rentiers. Une fille naît à Paris, en octobre 1840. Il est nommé substitut du procureur du roi près le tribunal correctionnel de Dinan (Côtes-du-Nord). Un fils naît dans cette localité en 1841. Hippolyte Mongellas est nommé conseiller auditeur en 1843 à Basse-Terre (Guadeloupe).

En Algérie

Il est affecté en 1845 au tribunal de première instance de Blida (Algérie). Il est muté deux ans plus tard à Alger où il prend un poste de juge de paix. Un troisième enfant y naît en juin 1848.

En 1845-1846, des fouriéristes lyonnais fondent une société, l’Union agricole d’Afrique, qui obtient la concession d’un domaine agricole à Saint-Denis-du-Sig ; il s’agit, non d’établir un phalanstère, mais d’appliquer quelques principes sociétaires. Après son frère François Eugène, qui apparaît sur une liste d’actionnaire dès 1847, Hippolyte Mongellas souscrit des actions pour la valeur de 1 000 francs [1]. Comme d’autres fouriéristes, il envoie des plantes et des graines à l’Union du Sig [2].

Le 7 avril 1848, il est l’un des convives qui participent au banquet organisé sous la présidence de Jules Duval pour célébrer l’anniversaire de Fourier. Il y porte un toast « à l’enfance », dans lequel il oppose les vices de l’éducation en Civilisation à la situation de l’enfance au phalanstère. Il termine par :

Faisons des vœux pour que des phalanstères s’établissent bientôt, afin que l’enfance y reçoive l’éducation telle que Fourrier [sic] l’a conçue, et, en attendant, agissons de tous nos moyens, de toutes nos forces pour la généralisation en France et, en Algérie, des crèches, des salles d’asile et des écoles professionnelles [3].

Les fouriéristes d’Alger envisagent alors la création d’un Cercle phalanstérien « pour donner à l’Idée, en Algérie, toute sa force d’expansion » et pour « centraliser l’action des disciples de Fourier disséminés en grand nombre sur la surface du pays » ; ils fondent une commission préparatoire pour élaborer des statuts ; Mongellas en est le trésorier [4], tandis que Juillet Saint-Lager en est le président, Hardy le vice-président et Alliez le secrétaire . Ce projet ne semble pas avoir été concrétisé.

Aller au Texas ?

Après le 2 décembre 1851, Hippolyte Mongellas est révoqué de la magistrature [5], parce que, selon certaines sources, il a refusé « de concourir à l’exécution du plébiscite » organisé les 20-21 décembre par Louis-Napoléon Bonaparte afin de faire approuver le coup d’État par le peuple français [6], ou, selon d’autres sources, parce qu’il refuse de prêter serment au chef d’État [7]. Sous le Second Empire, il exerce la profession d’avocat.

Il reste en relation avec ses condisciples parisiens dans la première moitié des années 1850. Il apparaît comme le correspondant local de l’École sociétaire. Il collecte l’argent que versent les disciples pour la cause et plus précisément pour la survie de la librairie sociétaire, ainsi que les sommes correspondant à des achats de livres par ses condisciples ou lui-même, déposés à la librairie tenue par les frères Alexis et Jean-Bernard Dubos [8]. En 1854, après la parution de la brochure Au Texas, dans laquelle Victor Considerant propose la création d’un « champ d’essai » aux États-Unis, il souligne les réactions plutôt favorables de ses amis.

Le Texas a généralement plu et offert une perspective attrayante à tous nos Algériens. Malheureusement, nous sommes tous pauvres et nous ne pouvons que former des désirs ou des projets pour un avenir un peu éloigné [9].

Hippolyte Mongellas indique ensuite que « parmi les nôtres, deux honnêtes ouvriers, animés par la foi et d’une réputation et surtout d’une conduite irréprochables » pourraient partir au Texas et participer au « premier essaim », l’un étant « un bon menuisier, un peu entendu aux travaux de la campagne », l’autre étant « plus cultivateur qu’ouvrier ».

Lui-même n’exclut pas de partir pour le Texas :

si d’ici à 2 ou 3 ans on peut recevoir et utiliser au Texas les gens de cabinet en les mettant [illisible] manuel trop au-dessus de leurs forces et si à cette époque j’ai pu assurer la somme suffisante pour payer mon voyage et celui de ma famille, alors je partirai bien heureux de quitter le sol africain auquel j’étais si attaché il y a 2 ou 3 ans, parce qu’on y respirait un air de liberté et d’indépendance qu’on aurait vainement cherché en France.

Mais combien tout cela a changé. Nous vivons dans une ville où il n’y a plus que des fonctionnaires, et quelle corruption, quelle bassesse dans ce monde-là, c’est à soulever le cœur. Et de liberté, plus la moindre. C’est aujourd’hui à Alger comme en France. Aussi je soupire après le moment où je pourrai fouler le sol du nouveau monde, si toutefois ce bonheur m’est réservé.

Cependant, ni Hippolyte Mongellas, ni ses amis algérois ne partent au Texas.

En 1855, L’Ami des sciences, un périodique de vulgarisation scientifique dirigé par le fouriériste Victor Meunier met en valeur les activités d’un pêcheur vosgien, Joseph Rémy, qui, malgré son ignorance et sa pauvreté, a fait faire à la pisciculture d’importants progrès. Après la mort de ce pêcheur « des suites d’une longue maladie contractée au service de la science et de l’humanité », L’Ami des sciences lance une souscription au profit de la famille du défunt. Mongellas s’efforce de recueillir auprès de ses amis algérois leur contribution financière qu’il adresse à l’hebdomadaire [10]. En 1857 encore, à Alger, un nommé Pauchon signale aux dirigeants parisiens de l’École sociétaire qu’il est « en relation avec plusieurs phalanstériens, entre autres messieurs Mongellas et Dubos » [11].

Un notable algérois

Vers la fin des années 1850, Hippolyte Mongellas semble s’éloigner du mouvement fouriériste – alors peu actif – et se retirer de la vie publique. Mais à la fin des années 1860 et dans les années 1870, il prend des responsabilités dans la vie associative et politique locale. Il fait partie – avec Jean Griess-Traut d’une commission fondée par des colons afin de rédiger un mémoire sur l’avenir de la colonie, adressé au printemps 1870 aux députés du Corps législatif [12]. Il participe à une souscription lancée au début de l’année pour lancer un périodique, Le Démocrate de l’Algérie  ; seul semble être paru le prospectus [13].

Il est administrateur de la caisse d’épargne d’Alger à partir de 1868. Il siège au conseil municipal d’octobre 1870 à novembre 1871, puis à partir de 1874. Il est nommé maire en octobre 1876 – il occupe déjà la fonction de fait depuis plusieurs mois – et reste à ce poste jusqu’à sa démission en janvier 1878 [14]. Cette même année, il entre dans le conseil d’administration du bureau de bienfaisance européen et dans celui du bureau de bienfaisance musulman. Il est aussi membre du conseil départemental de l’instruction publique (à partir de novembre 1878) et de la commission d’examen des ouvrages intéressant l’Algérie (à partir de 1879). En 1880, il préside la commission de l’inventaire des richesses artistiques pour le département d’Alger, ainsi que la Société des beaux-arts, des sciences et des lettres d’Alger, dont il a été un des fondateurs, et dans laquelle il a précédemment occupé les fonctions de trésorier et de secrétaire général [15]. Ces différentes responsabilités lui valent d’être fait chevalier de la Légion d’honneur en 1880.

Un article paru dans La Tafna après sa mort souligne son engagement républicain ; son décès constitue « une perte irréparable pour la démocratie algérienne » [16]. Sa veuve décède un an plus tard.