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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Juillet-Saint-Lager, Théodore Eugène Armand
Article mis en ligne le 18 décembre 2022

par Desmars, Bernard

Né le 12 novembre à Sainte-Anne (Guadeloupe), décédé le 15 janvier 1878 à Saint-Eugène (aujourd’hui Bologhine, Algérie). Polytechnicien, officier d’artillerie ; puis banquier, imprimeur-libraire à Alger ; rentier à Saint-Eugène. Disciple de Fourier à partir du début des années 1830, membre du groupe phalanstérien d’Alger en 1848

Théodore Eugène Armand est le fils d’un négociant de la Guadeloupe. La famille revient ensuite en métropole ; elle est installée à Tulle quand Théodore Eugène Armand entre à l’École polytechnique, en 1829. Il en sort en 1831 et rejoint l’École d’artillerie à Metz. C’est pendant ces années de formation qu’il adhère à la doctrine phalanstérienne [1].

Phalanstérien en Algérie

D’abord sous-lieutenant, il devient lieutenant en 1833. Il se marie en 1839 à Tulle avec Marie Aglaé Deléval, la fille du receveur général du département de la Corrèze. Une fille, Berthe Adélaïde, naît en décembre 1842 à Tulle. Promu capitaine en 1840, il est muté quelques années après à Alger où il dirige une compagnie d’armuriers [2]. Un garçon, Paul, y naît en mai 1845.

En 1845-1846, l’Union agricole d’Afrique, une société créée par des fouriéristes lyonnais, obtient la concession d’un terrain à Saint-Denis-du-Sig, près d’Oran, afin d’y mettre en pratique quelques principes sociétaires. Juillet Saint-Lager figure dès 1847 sur la liste des actionnaires, ainsi que sa femme et leur fille Berthe Adélaïde ; il est aussi l’un « des correspondants et délégués auxquels on pourra s’adresser pour les souscriptions d’action, versements de fonds, demandes de renseignement » [3].

Le 7 avril 1848, il participe au banquet phalanstérien qui réunit des fouriéristes à Alger pour célébrer l’anniversaire de la naissance de Fourier. Il y déclame une poésie de Lachambeaudie. Deux jours plus tard, les fouriéristes se réunissent pour former une commission devant préparer les statuts d’un cercle phalanstérien ; Juillet-Saint-Lager est nommé président de cette commission, dont Auguste Hardy est le vice-président, Hippolyte Mongellas le trésorier et Augustin François Eustache Alliez le secrétaire. Le projet de cercle ne semble pas avoir été concrétisé. Le même 9 avril, les fouriéristes désignent leurs candidats pour les élections à l’assemblée constituante ; Juillet fait partie des personnes sollicitées, mais il refuse la proposition.

Un troisième enfant naît en décembre 1848, prénommé Marcel ; mais Paul, âgé de moins de 4 ans, décède en mars 1849. Cette année-là ou l’année suivante, Théodore Eugène Armand Juillet Saint-Lager passe à la direction de l’artillerie, toujours à Alger. Il continue à s’intéresser à l’Union agricole d’Afrique de Saint-Denis-du-Sig ; il se rend sur place au cours de l’année 1850. Sensible aux critiques qui visent la gestion de la société, il semble avoir contribué à l’éviction de Jules Duval de son poste de sous-directeur [4].

Au lendemain du 2 décembre 1851, un plébiscite est organisé, demandant aux électeurs d’approuver ou non la situation créée par le coup d’État. Les militaires y participent ; mais à Alger, Juillet Saint-Lager « provoqua dans son régiment une agitation tendant à déterminer un grand nombre de ses frères d’armes à voter contre le coup d’État. Brisé pour ce fait, il rentra dans la vie civile » [5].

De la banque à la librairie, en passant par le Chili et Suez

Il reste à Alger, où naît en août 1853 une fille prénommée Marie Julie Paule. Avec un associé nommé Robert, il fonde une banque en 1852 ou 1853, la Caisse de commerce algérien, qui veut lutter « contre les énormités usuraires des petits prêteurs » [6]. En avril 1856, il est encore banquier quand il dépose avec un nommé Théophile Foucault une demande de brevet pour « [l’]application des procédés d’extraction des acides gras solides, de l’huile de ricin, dans le but de les utiliser à la fabrication des chandelles, des bougies et à tous autres besoins industriels, sous la dénomination de suif végétal » [7]. Mais en 1857 ou 1858, Juillet Saint-Lager quitte cet établissement qui reste aux mains du seul Robert [8].

Il prend des parts dans la Société de colonisation européo-américaine au Texas, fondée pour tenter une expérimentation sociétaire aux Etats-Unis ; le 3 septembre 1856, il préside l’assemblée générale des actionnaires à Paris ; il assiste également à celle du 17 août 1857 [9].

Il part ensuite au Chili afin d’aider à la réorganisation de l’armée ; il occupe les fonctions de directeur adjoint de l’École militaire du Chili [10]. Puis, il est mis en relation avec Ferdinand de Lesseps, qui le nomme caissier de la Compagnie du canal de Suez ; mais il refuse de valider des comptes irréguliers et des pratiques de corruption, et démissionne de son emploi [11].

Il s’installe à nouveau à Alger où il succède aux frères Alexis et Jean Bernard Dubos, rue Bab Azoun ; il devient ainsi imprimeur, libraire et éditeur ; les premiers ouvrages qui sortent de son imprimerie datent de 1869, d’après le catalogue de la Bibliothèque nationale de France. Quand les Prussiens et leurs alliés envahissent le territoire français, il rejoint Paris et s’engage dans la garde nationale avec le grade de lieutenant-colonel [12]. Il démissionne de cette fonction après l’armistice. Il se présente dans la Corrèze lors des élections à l’Assemblée nationale, en février 1871 [13] ; il n’est pas élu et retourne Alger où il reprend son travail d’imprimeur-libraire-éditeur.

Colonisation de l’Algérie

Il est aussi l’auteur d’un ouvrage sur l’avenir de l’Algérie [14]. Il se prononce pour une plus grande autonomie de la colonie par rapport à la métropole – l’envoi de députés au parlement français étant remplacé par la création d’une assemblée coloniale en Algérie [15] – ainsi que pour une acculturation des indigènes dont il pense qu’ils devraient peu à peu adopter le mode de vie européen et la nationalité française, ce processus devant être facilité par une importante immigration ; « noyer la population indigène dans une population européenne plus dense et plus compacte : voilà notre objectif » ; en effet « les nouveaux venus, trouvant la place occupée dans les terres suburbaines pousseraient plus avant dans les grandes vallées, pénétreraient les populations indigènes, les diviseraient et opéreraient sans secousse la fusion que nous voulons atteindre » [16], les indigènes obtenant le même statut et les mêmes droits que les Européens. Il souhaite le développement et l’autonomie du niveau communal, dont il souligne ce qu’il doit à l’école phalanstérienne : « sa formule [de l’école phalanstérienne] était peut-être une utopie ; mais l’honneur d’avoir proposé l’organisation de la commune lui appartient tout entier » [17].

Il est nommé consul pour le Chili en 1872 [18]. Quand se développent les projets de restauration de la monarchie, il signe un texte en faveur de la République [19].

Il semble cesser son activité d’éditeur et d’imprimeur en 1876, année où sont publiés les derniers documents imprimés dans son entreprise. Il s’installe alors dans la banlieue d’Alger, à Saint-Eugène (aujourd’hui Bologhine), où il décède. Libre penseur, il est enterré civilement, conformément à sa demande [20].