Né le 12 décembre 1818 à Versailles (alors en Seine-et-Oise, aujourd’hui dans les Yvelines), décédé le 14 avril 1882 à Birmandreis (aujourd’hui Bir Mourad Rais en Algérie). Directeur du jardin d’essai d’Alger et auteur de travaux scientifiques sur les végétaux et les animaux. Participant au banquet phalanstérien du 7 avril 1848 et présent sur la liste des candidats fouriéristes à l’Assemblée constituante
Auguste Hardy est le fils d’un jardinier et agriculteur [1]. À 17 ans, il entre au Muséum d’histoire naturelle avec le statut d’élève ouvrier. En 1842, Charles François Brisseau de Mirbel, professeur au Muséum, le propose au ministre de la Guerre pour occuper les fonctions de directeur du jardin d’essai, ou jardin du Hamma, une pépinière créée dix ans plus tôt près d’Alger afin de propager en Algérie les végétaux les plus adaptés au sol et au climat locaux, et de fournir des graines et des boutures aux institutions publiques et aux colons.
Auguste Hardy agrandit la superficie du jardin – il passe de 18 hectares en 1837 à 57 hectares en 1867 [2] – et en redéfinit l’organisation spatiale en traçant de grandes allées qui délimitent plusieurs secteurs (jardin à la française, jardin à l’anglaise, serres, pépinières) ; il élargit ses fonctions et s’efforce d’y acclimater des plantes exotiques. Il se livre aussi à la culture du pavot et adresse à l’Académie des sciences des échantillons d’opium [3]. Il s’intéresse également aux progrès de l’agriculture algérienne et est élu président de la Société des agriculteurs d’Algérie.
Fouriériste au printemps 1848
En 1848, Auguste Hardy participe au banquet phalanstérien qui est organisé le 7 avril à Alger sous la présidence de Jules Duval. Il y prend la parole, en intervenant sur « l’analogie de la couronne impériale par Fourier » [4]. Puis, le 9 avril, les fouriéristes d’Algérie se réunissent afin, tout d’abord, d’envisager la création d’un cercle phalanstérien ; une « commission préparatoire » est chargée d’étudier « un projet de statuts » ; elle est présidée par Juillet-Saint-Lager, et Auguste Hardy en est le vice-président [5], Hippolyte Mongellas en étant le trésorier et Alliez le secrétaire. Puis, « l’assemblée passe ensuite au choix des candidats pour les prochaines élections » qui doivent envoyer quatre représentants de l’Algérie à l’Assemblée constituante ; Auguste Hardy fait partie des personnes désignées [6]. Les quatre candidats sont successivement présentés par Jules Duval lors d’une réunion publique :
Comme candidat de l’agriculture algérienne, nous présentons le citoyen Hardy, directeur de la Pépinière du gouvernement à Alger. Populaire dans la province d’Alger, par l’éclat de ses travaux, dont chacun peut se faire juge, par son zèle à étendre autour de lui les bienfaits de l’établissement qu’il administre depuis plusieurs années, il ne l’est pas moins dans les provinces de Bône et d’Oran. Il n’est pas en ces provinces comme dans la vôtre une ville ou un village qui ne lui doive quelque richesse ; il est l’instigateur, sinon le fondateur de tous les jardins et pépinières d’essai, et on peut dire, de la plupart des plantations publiques faites en Algérie. La reconnaissance publique nous le signalait comme le représentant le plus éminent de la colonisation algérienne. Nous savions l’accueil très distingué fait à ses travaux théoriques par l’Académie des sciences, nous devions le désigner à vos suffrages [7].
Bien qu’ils soient « les seuls qui eussent un programme » [8], aucun des candidats fouriéristes n’est élu.
Auguste Hardy est en relation avec l’Union agricole d’Afrique, une société fondée par des fouriéristes lyonnais en 1845-1846, afin d’exploiter un domaine agricole à Saint-Denis-du-Sig, près d’Oran. Il lui envoie des graines et lui rend visite en août 1850 [9]. Il correspond avec Jules Duval, directeur adjoint de la l’Union agricole, même après son départ de Saint-Denis-du-Sig [10]. Il emploie en 1852-1853 l’un de ses condisciples alors sans revenu, le botaniste Gaetano Leone Durando au jardin d’essai, pour s’occuper de l’herbier et de la récolte des plantes et graines destinées aux cultures. Puis, il s’éloigne du mouvement fouriériste.
Notoriété scientifique
En novembre 1849, Auguste Hardy reçoit la Légion d’honneur. Il se marie en 1851 à Avignon (Vaucluse) avec Marie Marguerite Amélie Lacroix, fille d’un négociant. La famille Lacroix s’installe ensuite en Algérie, auprès d’Auguste Hardy, dont l’un des beaux-frères est employé à la pépinière du Hamma [11]. Le couple Hardy-Lacroix a quatre enfants, nés en 1854, 1858, 1860 et 1865.
Auguste Hardy, outre les soins donnés à la pépinière – désignée officiellement sous le nom de « jardin zoologique d’acclimatation » à partir de 1861 [12] – est chargé de l’inspection générale des pépinières et des plantations publiques de l’Algérie ; la pépinière d’Alger est à la tête du réseau de la quinzaine de pépinières – en 1851 – situées dans différentes localités algériennes [13]. Il participe aussi à la publication en 1860 de la Revue horticole de l’Algérie [14] et collabore aux Annales de la colonisation algérienne [15]. Il est membre de la Société impériale d’acclimatation [16], dont le Bulletin insère de nombreuses notes et études de sa part, et souligne son activité au jardin d’Hamma :
Nous y trouvons de nombreuses et utiles conquêtes : le tabac, le coton, le mûrier, le manioc, les ignames de la Chine et de la Nouvelle-Zélande, plantes alimentaires du plus grand avenir ; le figuier de Barbarie, l’eupatorium tinctorium, donnant, dit-on une teinte plus belle que l’indigo ; le bambou noir, employé en Chine pour la fabrication des meubles légers, et qui commence à se répandre dans le midi et le centre de la France, etc. [17]
Son activité au jardin d’essai, les expériences d’acclimatation qu’il y mène et les rapports qu’il rédige lui valent une médaille de première classe en 1857 [18], puis une médaille d’or en 1859 [19] de la part de la Société impériale zoologique d’acclimatation, ainsi qu’une médaille de 2 000 francs en 1862 et un prix de 1500 francs en 1868 [20]. Il établit des relations avec d’autres directeurs de jardin botanique et des sociétés savantes avec lesquels il procède à des échanges de graines, de plants et d’animaux ; ainsi le docteur Mueller à Melbourne (Australie) lui envoie des kangourous et des eucalyptus ; en retour, Auguste Hardy lui adresse une caisse de végétaux dont des oliviers [21]. Il élève aussi au jardin d’acclimatation des chèvres [22] et fait venir des autruches dont il étudie la reproduction [23] ; il accueille également des zébus en 1861 [24]. Il est l’auteur de deux ouvrages qui ont pour but de favoriser le développement de la culture du coton en Algérie [25].
Début 1862, le gouverneur général de l’Algérie nomme une commission de huit membres pour représenter la colonie à l’Exposition universelle qui se tient à Londres ; Auguste Hardy, « directeur du jardin d’acclimatation d’Alger », en fait partie [26].
En 1863, il est promu officier de la Légion d’honneur. Le jardin suscite l’admiration des voyageurs ; il reçoit la visite de Napoléon III, lors de son séjour en Algérie en 1865. Mais en 1867, il est concédé à la Société générale algérienne. Auguste Hardy le quitte peu après [27] ; il prend sa retraite le 1er janvier 1869. Il exerce ensuite les fonctions de directeur du domaine impérial de Boukadoura et participe en 1870 à la création d’un syndicat d’irrigation [28]. Il s’installe dans ses dernières années sur la commune de Birmandreis.
[1] Jardinier dans l’acte de naissance de Louis Auguste, en 1818 ; agriculteur dans son acte de mariage, en 1851.
[2] Ghanem Laribi et Sofiane Hadjadj, « Le jardin d’essai du Hamma : histoire d’un jardin colonial », dans Histoire de l’Algérie à la période coloniale, sous la direction de Abderrahmane Bouchène, Jean-Pierre Peyroulou, Ouanassa Siari Tengour, Paris, La Découverte, et Alger, éditions Barzakh, 2012, p. 121-122.
[3] Compte rendu des séances de l’Académie des sciences, La Presse, 25 octobre 1843, 13 février 1844, 4 mai 1845.
[4] Le Phalanstère en Algérie. Banquet du 7 avril 1848. – Journée électorale du 9 avril. – Plan d’organisation du travail (Statuts de l’Union agricole d’Afrique), Alger, Impr. de A. Bourget, 1848, p. 12-13.
[5] Ibid., p. 26-27.
[6] Ibid., p. 27-28.
[7] Ibid., p. 30.
[8] Pierre Dubois, « La vie politique et les élections en Algérie », dans La Révolution de 1848 en Algérie. Mélanges d’histoire, sous la direction de Marcel Emerit, Paris, Larose, 1949, p. 49.
[9] Bulletin de l’Union agricole du Sig, septembre 1849, p. 96 ; juillet-août 1850, « Chronique de juillet et d’août », p. 283-285.
[10] Jacques Valette, Socialisme utopique et idée coloniale. Jules Duval (1813-1870), thèse de doctorat ès lettres, Paris 1, 1975, tome 4, f. 1106.
[11] Trois frères de Marie Marguerite Amélie Lacroix sont témoins lors des déclarations de naissance des enfants du couple Hardy-Lacroix, à l’état civil de Mustapha. Le beau-père et la belle-mère d’Auguste Hardy meurent en Algérie, le premier en 1854, la seconde en 1877.
[12] Bulletin de la société impériale zoologique d’acclimatation, mai 1861, p. 221.
[13] Ghanem Laribi et Sofiane Hadjadj, « Le jardin d’essai du Hamma… », art. cit., p. 122.
[14] D’après la couverture, la revue est publiée par Charles Bourlier, professeur d’histoire naturelle à l’École de médecine d’Alger, « avec la collaboration de M. Hardy, directeur du jardin d’essai, à Alger ».
[15] Jules Duval, L’Algérie : tableau historique, descriptif et statistique, Paris, 1859 (éd. révisée et complétée), p. 473-474.
[16] Bulletin de la Société impériale zoologique d’acclimatation, janvier 1855, liste des membres titulaires, p. 52.
[17] Bulletin de la Société impériale zoologique d’acclimatation, février 1857, p. LXVIII.
[18] Bulletin de la Société impériale zoologique d’acclimatation, février 1857, p. LXXVIII.
[19] Bulletin de la Société impériale zoologique d’acclimatation, 1859, p. LXXVII.
[20] Bulletin de la Société impériale zoologique d’acclimatation, janvier-février 1862, p.VI et LXXXVIII-LXXXIX ; 1868, p. XXV.
[21] Bulletin de la Société impériale zoologique d’acclimatation, janvier-février 1862, p. 64-65. Les premières autruches étant mortes pendant le voyage, un nouvel envoi a lieu en 1865, d’après le Bulletin de la Société impériale zoologique d’acclimatation, juillet 1865, p. 418.
[22] Bulletin de la Société impériale zoologique d’acclimatation, décembre 1858, p. 575.
[23] « Sur un fait d’incubation de l’autruche à Alger », Bulletin de la Société impériale zoologique d’acclimatation, novembre 1857, p. 524-525 ; « Note sur l’incubation des autruches à la Pépinière centrale du gouvernement », Bulletin de la Société impériale zoologique d’acclimatation, juillet 1858, p. 306-312 ; « Etat de la domestication de l’autruche à Alger », Bulletin de la Société impériale zoologique d’acclimatation, janvier-février 1861, p. 6-19 ; « Rapport sur l’éducation des autruches au jardin d’acclimatation du gouvernement à Alger en 1861 », Bulletin de la Société impériale zoologique d’acclimatation, janvier-février 1862, p. 8-14.
[24] Bulletin de la Société impériale zoologique d’acclimatation, août 1861, p. 419-420.
[25] Manuel du cultivateur du coton en Algérie, Alger, Impr. de A. Bourget, 1855, 96 p. ; Instructions sur la culture du coton en Algérie, Alger, Impr. de A. Bourget, 1855, 64 p.
[26] La Presse, 7 avril 1862.
[27] Le Bulletin de la Société impériale zoologique d’acclimatation de juin 1868 mentionne Auguste Hardy, « récemment encore directeur du Jardin botanique et des pépinières du Hammah » (p. 443).
[28] Département d’Alger, Recueil des actes administratifs, n°27, 1870 Département d’Alger, Recueil des actes administratifs, n°27, 1870, « Constitution du syndicat d’irrigation de l’Oued Djemmaa », p.269-284.
Œuvres :
Culture du sésame, Alger, Impr. du Gouvernement, s.d., 4 p.
Note climatologique sur l’Algérie, au point de vue agricole (suivie du rapport fait à l’Institut par MM. Boussingault, de Jussieu dans sa séance du 7 juin 1847), Alger, Impr. du Gouvernement, 1847, 24 p.
Mémoire sur la culture du nopal et l’éducation de la cochenille en Algérie, Alger, Impr. du Gouvernement, 1848, 32 p.
Culture du nopal, éducation de la cochenille en Algérie, Alger, Impr. de A. Bourget, 1850, 24 p.
Instruction sur la culture du coton en Algérie, Alger, Impr. du Gouvernement, 1850, 12 p.
Rapport sur l’industrie séricicole en Algérie, adressé à M. le préfet d’Alger, Alger, 1851.
Principales cultures industrielles à entreprendre au printemps en Algérie, Alger, 1851.
Instructions sur la culture du coton en Algérie, Alger, Impr. de A. Bourget, 1855, 64 p. (en ligne sur Gallica).
Manuel du cultivateur du coton en Algérie, Alger, Impr. de A. Bourget, 1855, 49 p. (2e édition, Alger, Dubos frères, 1855, 86 p. ; en ligne sur Gallica).
Catalogue des végétaux et graines disponibles et mis en vente par la Pépinière centrale du gouvernement au Hamma (près Alger), pendant l’automne 1860 et le printemps 1861, Alger, Bastide ; et Paris, Challamel, 1860, 80 p.
Importance de l’Algérie comme station d’acclimatation, Paris, Challamel, 1860, 20 p. (extrait de L’Algérie agricole commerciale industrielle).
Culture et production de la china-grass en Algérie, Alger, Impr. de Bouyer, 1866, 15 p.
Note sur la culture du quinquina en Algérie, Paris, 1868 (extrait du Bulletin de la Société impériale d’acclimatation, août 1868).
L’Algérie agronomique devant l’Exposition universelle, Alger, A. Jourdan, 1878, 32 p.
Sources :
Archives départementales des Yvelines, 4 E 3919, état civil de Versailles, acte de naissance, 14 décembre 1818 (en ligne sur le site des Archives départementales des Yvelines, vue 143/152).
Archives municipales d’Avignon, 1E208, état civil d’Avignon, acte de mariage, 29 janvier 1851 (en ligne sur le site des Archives municipales d’Avignon, vue 46/459).
Archives nationales d’outre-mer, état civil de Mustapha, acte de naissance de Marie Rose Geneviève Hardy, 4 avril 1854 (en ligne sur le site des Archives nationales d’outre-mer).
Archives nationales d’outre-mer, état civil de Mustapha, acte de décès de Charles Honoré Lacroix, 20 avril 1854 (en ligne sur le site des Archives nationales d’outre-mer).
Archives nationales d’outre-mer, état civil de Mustapha, acte de naissance de Philippe Nicolas Honoré, 14 juillet 1858 (en ligne sur le site des Archives nationales d’outre-mer).
Archives nationales d’outre-mer, état civil de Mustapha, acte de naissance de Aimé Augustin Honoré Hardy, 2 mars 1860 (en ligne sur le site des Archives nationales d’outre-mer).
Archives nationales d’outre-mer, état civil de Mustapha, acte de naissance de Julien Joseph Régis Hardy, 9 janvier 1865 (en ligne sur le site des Archives nationales d’outre-mer).
Archives nationales d’outre-mer, état civil de Birmandreis, acte de décès de Marie Amic, veuve Lacroix, 5 juillet 1877 (en ligne sur le site des Archives nationales d’outre-mer).
Archives nationales d’outre-mer, état civil de Birmandreis, acte de décès, 14 avril 1882 (en ligne sur le site des Archives nationales d’outre-mer).
Le Phalanstère en Algérie. Banquet du 7 avril 1848. – Journée électorale du 9 avril. – Plan d’organisation du travail (Statuts de l’Union agricole d’Afrique), Alger, Impr. de A. Bourget, 1848, 56 p.
Jules Duval, L’Algérie : tableau historique, descriptif et statistique, Paris, 1859 (éd. révisée et complétée), 512 p. (en ligne sur Gallica).
La Presse, 7 avril 1862 (en ligne sur Gallica).
Département d’Alger, Recueil des actes administratifs, n°27, 1870 (en ligne sur Gallica).
Bibliographie :
Pierre Dubois, « La vie politique et les élections en Algérie », dans La Révolution de 1848 en Algérie. Mélanges d’histoire, sous la direction de Marcel Emerit, Paris, Larose, 1949, 187 p.
Ghanem Laribi et Sofiane Hadjadj, « Le jardin d’essai du Hamma : histoire d’un jardin colonial », dans Histoire de l’Algérie à la période coloniale, sous la direction de Abderrahmane Bouchène, Jean-Pierre Peyroulou, Ouanassa Siari Tengour, Paris, La Découverte, et Alger, éditions Barzakh, 2012, p. 120-123.
Jacques Valette, Socialisme utopique et idée coloniale. Jules Duval (1813-1870), thèse de doctorat ès lettres, Paris 1, 1975, 6 tomes, 1736 f.
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