Anarchie s. f. – Encycl. Philos. pol. et soc.
1. L’An-archie de Proudhon
L’idéal politique et social de Proudhon était ce qu’il appelait l’an-archie, par où il entendait un état social dans lequel l’ordre résulterait des libres rapports économiques des individus sans constitution d’autorité politique. En d’autres termes, il poussait l’individualisme de l’école économiste jusqu’à la négation du gouvernement de l’État, auquel il attribuait une nature essentiellement anti-progressive et anti-libérale. Il soutenait que l’État avait rempli, à l’origine, un office indispensable ; mais que, par le progrès économique, scientifique, artistique, il perdait toute raison d’être, devenait inutile ; que l’an-archie est la condition d’existence des sociétés adultes, comme la hiérarchie est celle des sociétés primitives ; qu’il y a progrès incessant, dans l’humanité, de la hiérarchie à l’an-archie. Il montrait que la nécessité permanente de l’État suppose 1° l’impossibilité pour la société de se constituer et de vivre en dehors de de l’État ; 2° un antagonisme permanent, nécessaire dans l’humanité, par suite, l’intervention nécessaire de l’État pour protéger les uns contre les autres. Il s’appliquait ensuite à combattre ces deux hypothèses.
« L’État, écrivait-il en 1849, dans La Voix du peuple est la constitution extérieure de la puissance sociale. Par cette constitution extérieure de sa puissance et souveraineté, le peuple ne se gouverne pas lui-même : c’est, tantôt un individu, tantôt plusieurs, qui, à titre électif ou héréditaire, sont chargés de le gouverner, de gérer ses affaires, de traiter et commettre en son nom, en un mot de faire tous actes de père de famille, tuteur, gérant ou mandataire, nanti de procuration générale, absolue et irrévocable.
« Cette constitution externe de la puissance collective, à laquelle les Grecs donnèrent le nom d’arché, principauté, autorité, gouvernement, repose donc sur cette hypothèse, qu’un peuple, que l’être collectif qu’on nomme une société, ne peut se gouverner, penser, agir, s’exprimer par lui-même, d’une manière analogue à celle des êtres doués de personnalité individuelle ; qu’il a besoin, pour cela, de se faire représenter par un ou plusieurs individus, qui, a un titre quelconque, sont censés les dépositaires de la volonté du peuple, et ses agents…
« Nous affirmons, au contraire, que le peuple, que la société, que la masse, peut et doit se gouverner elle-même, penser, agir, se lever et s’arrêter, comme un homme, se manifester enfin dans son individualité physique, individuelle et morale, sans le secours de tous ces truchements qui jadis furent des despotes, qui maintenant sont des aristocrates, qui de temps à autre ont été de prétendus délégués, complaisants ou serviteurs de la foule, et que nous nommons durement et simplement agitateurs du peuple, démagogues.
« Le pouvoir est né de la barbarie ; son organisation atteste, chez les premiers hommes, un état de férocité et de violence, effet de l’absence totale de commerce et d’industrie. C’est à cette sauvagerie que l’État dut mettre fin, en opposant à la force de chaque individu une force supérieure, capable, à défaut d’autre argument, de contraindre sa volonté. La constitution — Index page 118 — de l’État suppose donc un profond antagonisme social, homo homini lupus.
« Donc, l’État serait inutile, l’État manquerait d’objet comme de motif, l’État devrait s’abroger lui-même s’il venait un moment où, par une cause quelconque, il n’y eût plus dans la société ni forts, ni faibles, c’est-à-dire, où l’inégalité des forces physiques et intellectuelles ne pût pas être une cause de spoliation et d’oppression, indépendamment de la protection, plus fictive d’ailleurs que réelle, de l’État.
« Or, telle est justement la thèse que nous soutenons aujourd’hui. Ce qui adoucit les mœurs, et qui fait peu à peu régner le droit à la place de la force, ce qui fonde la sécurité et qui crée la liberté et l’égalité, c’est bien plus que la religion et l’État, le travail ; c’est en premier lieu le commerce et l’industrie ; c’est ensuite la science, qui le spiritualise ; c’est en dernière analyse l’art, sa fleur immortelle. La religion par ses promesses et ses terreurs, l’État par ses tribunaux et ses armées, n’ont fait que donner au sentiment du droit, trop faible chez les premiers hommes, une sanction, la seule intelligible à des esprits farouches. Pour nous, que l’industrie, les sciences. les lettres, les arts ont corrompus, comme disait Jean-Jacques, cette sanction réside ailleurs : elle est dans la division des propriétés, dans l’engrenage des industries, dans le développement du luxe, dans le besoin impérieux de bien-être, besoin qui fait à tous une nécessité du travail…
« C’est se faire une triste idée de l’espèce humaine, de son essence, de sa perfectibilité, de sa destinée, que de la concevoir comme une agglomération d’individus exposés nécessairement par l’inégalité des forces physiques et intellectuelles au péril constant d’une spoliation réciproque ou de la tyrannie de quelques-uns. Une pareille idée atteste la philosophie la plus rétrograde ; elle appartient à ces temps de barbarie où l’absence des vrais éléments de l’ordre social ne laissait au génie du législateur d’autre moyen d’action que la force, où la suprématie d’un pouvoir pacificateur et vengeur apparaissait à tous comme la juste conséquence d’une dégradation antérieure et d’une souillure originelle…
Pour nous, l’état moral de la société se modifie et s’améliore avec son état économique. Autre est la moralité d’un peuple sauvage, ignorant et sans industrie, autre celle d’un peuple travailleur et artiste ; autres, par conséquent, sont les garanties sociales chez le premier, autres chez le second. Dans une société transformée, presque à son insu, par le développement de son économie, il n’y a plus ni forts, ni faibles, il n’existe que des travailleurs, dont les facultés et les moyens tendent sans cesse, par la solidarité industrielle et la garantie de circulation, à s’égaliser. »
Il faut remarquer que la négation de l’État était, dans la pensée de Proudhon, subordonnée à la négation de ce qu’il appelait la prépondérance du capital, c’est-à-dire, à la gratuité du crédit et au projet de banque qu’il avait imaginé pour réaliser la gratuité du crédit.
« Après la rudesse des premiers âges, après l’orgueil des castes et la constitution féodale des premières sociétés, un dernier élément de servitude restait encore : c’était le capital. Le capital ayant perdu sa prépondérance, le travailleur, c’est-à-dire le commerçant, l’industriel, le laboureur, le savant, l’artiste n’a plus besoin de protection ; sa protection, c’est son talent, c’est sa science, c’est son industrie. Après la déchéance du capital, la conservation de l’État, bien loin de protéger la liberté, ne peut que compromettre la liberté.
Proudhon voyait naître du progrès économique de la société, la garantie de la circulation et la mutualité du crédit, qui amenaient la déchéance du capital, et qui, en même temps, rendaient l’État inutile en égalisant les forces et en solidarisant les intérêts. Il n’était plus besoin que l’État imposât des conditions d’égalité à l’action de forces devenues égales et capables de s’équilibrer mutuellement. Il n’était plus besoin que l’État établisse des conditions d’ordre et de paix pour des intérêts devenus complètement harmoniques. Il n’était plus besoin que l’État créât, par une représentation externe, l’unité sociale devenue le résultat assuré de la solidarité économique. L’égalité des forces et l’harmonie des intérêts entraînaient, comme — Index page 119 — conséquence nécessaire, l’harmonie des sentiments. Le droit, dès lors, ne pouvait manquer d’être spontanément respecté ; il trouvait une sanction suffisante dans le travail même, dans la science et dans l’art ; l’homme cessait d’être un loup, se montrait un dieu, pour l’homme ; sa nature était radicalement transformée ; plus rien n’y restait de la sauvagerie primitive ; la terre, autrefois vallée de larmes, se changeait en paradis.
Telles sont les hypothèses utopiques qui entrent dans la composition de l’an-archie proudhonienne. C’est une thèse d’optimisme économique et d’optimisme passionnel qui peut se rapprocher de celle de Fourier. La différence porte sur la condition mise à l’harmonie des intérêts et des passions. Pour Fourier, c’était une combinaison sociétaire ; pour Proudhon, un mécanisme de crédit.
Proudhon a développé, en 1851, dans un ouvrage qui a pour titre Idée générale de la Révolution au XIX° siècle, sa conception de l’an-archie. Elle n’est pas autre chose, à ses yeux, que la véritable théorie du contrat social. Il accuse Rousseau d’avoir faussé cette théorie. C’est à Rousseau surtout qu’il veut qu’on rapporte, comme à sa cause, la grande déviation de 93. Il explique que l’idée de contrat est exclusive de celle de gouvernement, que la justice commutative doit être substituée en tout à la justice distributive, le règne du contrat ou régime économique au règne de la loi ou régime gouvernemental.
« Le contrat social, dit-il, est essentiellement synallagmatique ; il n’impose d’obligation aux contractants que celle qui résulte de leur promesse personnelle de tradition réciproque ; il n’est soumis à aucune autorité extérieure ; il fait seul la loi commune des parties ; il n’attend son exécution que de leur initiative.
« Que si tel est le contrat, dans son acception la plus générale et dans sa pratique quotidienne, que sera le contrat social, celui qui est censé relier tous les membres d’une nation dans un même intérêt ?
« Le contrat social est l’acte suprême par lequel chaque citoyen engage à la société son amour, son intelligence, son travail, ses services, ses produits, ses biens, en retour de l’affection, des idées, travaux, produits, services et biens de ses semblables : la mesure du droit pour chacun étant déterminée toujours par l’importance de son apport, et le recouvrement exigible au fur et à mesure des livraisons.
« Ainsi, le contrat social doit embrasser l’universalité des citoyens, de leurs intérêts et de leurs rapports. Si un seul homme était exclu du contrat, si un seul des intérêts sur lesquels les membres de la nation, êtres intelligents, industrieux, sensibles, sont appelés à traiter, était omis, le contrat serait plus ou moins relatif et spécial ; il ne serait pas social.
« Le contrat social doit augmenter pour chaque citoyen le bien-être et la liberté. S’il s’y glissait des conditions léonines ; si une partie des citoyens se trouvait, en vertu du contrat, subalternisée, exploitée par l’autre, ce ne serait plus un contrat, ce serait une fraude, contre laquelle la résiliation pourrait être à toute heure et de plein droit invoquée.
« Le contrat social doit être librement débattu, individuellement consenti signé manu propria, par tous ceux qui y participent. Si la discussion était empêchée, tronquée, escamotée ; si le consentement était surpris ; si la signature était donnée en blanc, de confiance, sans lecture des articles et explication préalable ; ou si, même, comme le serment militaire, elle était préjugée et forcée, le contrat social ne serait plus alors qu’une conspiration contre la liberté et le bien-être des individus les plus ignorants, les plus faibles et les plus nombreux, une spoliation systématique, contre laquelle tout moyen de résistance et même de représailles pourrait devenir un droit et un devoir…
« Tel doit être, d’après les définitions du droit et la pratique universelle, le contrat social. Faut-il dire maintenant que de cette multitude de rapports que le pacte social est appelé à définir et à régler, Rousseau n’a vu que les rapports politiques, c’est-à-dire qu’il a supprimé — Index page 120 — les points fondamentaux du contrat, pour ne s’occuper que des secondaires. Faut-il dire que ces conditions essentielles, indispensables, la liberté absolue du contractant, son intervention directe, personnelle, sa signature donnée en connaissance de cause, l’augmentation de liberté et de bien- être qu’il doit y trouver, Rousseau n’en a compris et respecté aucune ? »
II convient d’ajouter qu’à la négation de l’État ou de l’autorité politique, Proudhon joignait, non seulement la négation du captal ou pour mieux dire des droits du capital, mais encore la négation de Dieu. An-archie, anticapitalisme, antithéisme, étaient choses liées dans son système. Il pensait que les idées de Dieu, d’État et de productivité du capital étaient inséparablement associées et se soutenaient mutuellement. Pour réaliser l’an-archie, pour faire du contrat social une vérité, il importait, dans l’ordre intellectuel et théorique, de débarrasser les esprits du concept de la divinité, sur lequel avait toujours reposé l’autorité politique, non moins que d’organiser, dans l’ordre temporel et pratique, la garantie de la circulation et la mutualité du crédit. Cette trilogie de négations caractérise la secte anarchiste, qui l’a empruntée à Proudhon, et qui, par là, se rattache au socialisme mutuelliste.
Barbier, Olivier Alexandre
Bibliographe français, né à Paris le 20 juin 1806.
Il est mort dans cette ville le 6 février 1882. Il était devenu conservateur-adjoint trésorier de la Bibliothèque nationale, puis, en juin 1864, conservateur sous-directeur-adjoint au département des imprimés, et, en 1872, atteint de paralysie, il avait pris sa retraite. En ces dernières années, il avait travaillé à la réimpression du Dictionnaire des ouvrages anonymes de son père, dont une nouvelle édition parut de 1872 à 1877.
Barral, Georges
Publiciste et physiologiste, né à Paris le 1er janvier 1842.
Il a été de bonne heure associé aux travaux agronomiques de son père mais il s’est plus spécialement adonné à la physiologie et à la littérature scientifique. Dès 1862, il a été mis à la tête de la « Presse scientifique des Deux-Mondes » publication qu’il continue sous le titre de Journal Barral. Il a inséré un grand nombre d’études et d’articles dans les publications dirigées par son père. Il a écrit en outre Impressions aériennes d’un compagnon de Nadar (1884) ; Récit de mes ascensions aérostatiques ; Vingt minutes d’arrêt, Salon de 1864 (1864) ; Le 93e anniversaire natal de Ch. Fourier (1865). Disciple, élève et ami particulier de Claude Bernard, ainsi que confident de ses derniers travaux, il reçut de lui le manuscrit de son drame de jeunesse, Arthur de Bretagne, qu’il fit paraître avec une préface historique dans laquelle il donne des détails intéressants et inédits sur les dernières années de la vie de l’illustre physiologiste (1886, in-8°). M. Georges Barral a édité le Bréviaire de l’Amour expérimental (1883, in-12) et le Missel de l’Amour sentimental (1882, in-32), petits volumes elzéviriens, qui ont eu de nombreuses éditions et dans lesquels la physiologie est habilement mêlée à la psychologie. Il a écrit la préface du Faiseur d’hommes, le célèbre roman de MM. Yveling Rambaud et Dubut de Laforest (1884, in-8°). Il a défendu vivement dans ses écrits, en 1884 et 1885, les principes physiologiques de la fécondation artificielle. En lutte avec la science officielle, il a publié in extenso, en novembre 1885, dans le Journal Barral qu’il dirige, la thèse fameuse du docteur Girard sur ce sujet d’ordre primordial, que la Faculté de médecine venait de réprouver, de condamner et de faire détruire. M. Georges Barral est un esprit hardi et investigateur.
Baudet-Dulary, Alexandre
Médecin et socialiste français, né en 1791. II est mort à Paris le 29 juin 1878.
— Index page 121 —
Cantagrel, François Jean
Homme politique français, né à Amboise (Indre-et-Loire) le 27 juin 1810. II est mort le 26 février 1887. Il fut l’un des 383 députés qui votèrent contre le cabinet du Seize-Mai, et, aux élections du 14 octobre 1877, fut réélu dans le XIII° arrondissement. Sa candidature eut le même succès aux élections du 21 août 1881. Pendant la législature 1881-1885, il vota notamment pour le rétablissement du divorce, contre les conventions avec les compagnies de chemins de fer (1883), pour la rétribution des fonctions municipales, pour la suppression de l’ambassade du Vatican et du budget des cultes, pour l’élection des sénateurs par le suffrage universel, contre le retour au système protectionniste, contre la demande de crédits pour le Tonkin qui amena la chute du cabinet Ferry, contre l’élection des députés au scrutin de liste. Il déposa une proposition portant réorganisation du corps des ponts et chaussées. Aux élections législatives d’octobre 1885, il fut élu au scrutin de liste député de la Seine, par 289.006 voix, après avoir accepté le programme du comité central des groupes républicains radicaux socialistes. Inscrit à 1’extrême gauche, il vota l’expulsion des princes.
Durand Joseph, Pierre dit Durand de Gros
Encore connu sous le pseudonyme de Philips, physiologiste et philosophe français, né à Gros, près de Rodez (Aveyron), le 16 juin 1826. Il fit d’excellentes études classiques, d’abord au collège royal de Rodez, puis au collège Henri IV. Il n’avait que dix-huit ans lorsqu’il composa, sous ce titre ambitieux Coup d’œil sur la théorie générale, ou principes de l’algèbre universelle, un essai de métaphysique transcendante, dont il donna plus tard, dans le journal la Presse scientifique des Deux-Mondes (1864), un extrait que, deux ans après (1866), il réédita à la suite de ses Essais de physiologie philosophique. C’est un fragment sur la méthode générale, où M. Durand montre comment la classification des objets se fonde sur celle des caractères, laquelle s’obtient en sériant les caractères d’après l’ordre de généralité décroissante. En 1845, M. Durand se rendit à Montpellier pour y étudier la médecine mais ses études médicales furent troublées par le mauvais état de sa santé, qui ne lui permettait de les poursuivre que d’une manière intermittente. Son père, grand agriculteur de l’Aveyron, appartenait au parti républicain et à l’école socialiste de Fourier. Le jeune Durand adopta les mêmes principes politiques et sociaux et donna, en 1847, quelques articles à la Démocratie pacifique. Il habitait Paris depuis un an, lorsque éclata la Révolution de février ; il y prit part, notamment à l’affaire du Palais-Royal, où Raspail dirigeait l’action des insurgés. En 1850, il fit paraître à la Propagande socialiste un opuscule intitulé Petit Catéchisme politiques et social, ou la Politique et le Socialisme mis d la portée de tout le monde, avec ces mots pour épigraphe :
Le plus grand ennemi de l’homme, c’est l’ignorance. Ce qui n’est pas résolu à l’avance et à temps par la discipline, l’est toujours ensuite et trop tard par la violence.
Le coup d’État du 2 décembre 1851 l’arracha brusquement à la politique. Son père avait été arrêté avec les principaux républicains de Rodez, puis transporté en Afrique. Lui-même, pour échapper à la police bonapartiste, dut se cacher d’abord, et bientôt, sitôt qu’il le put, s’expatrier. Il s’embarqua à Boulogne pour l’Angleterre, après avoir erré un mois à travers la France. À Londres, il eut l’occasion de connaître les expériences de suggestion hypnotique récemment importées des États Unis sous le nom d’électro-biologie. Il en fut très frappé et se fit initier au mystère de ces pratiques. Pourvu de ce précieux savoir, il songea aussitôt à s’en servir pour augmenter ses ressources pécuniaires, pour rentrer en France, pour revoir son père, interné en Algérie, et le délivrer, s’il était possible. II fit des conférences sur l’électro-biologie pendant l’année 1853, successivement à Bruxelles, à Alger, à Genève, à Marseille, et, dans toutes ces villes, avec un grand succès. Il se donnait pour un médecin américain du nom de Philips et voyageait ainsi, répandant les nouvelles connaissances dont il — Index page 122 — s’était constitué le missionnaire. De ces conférences sortit le livre intitulé Électro-dynamisme vital, ou les relations physiologiques de l’Esprit et de la Matière, démontrées par des expériences nouvelles et par l’histoire raisonnée du système nerveux (1855, in-8°).
Après avoir débuté par cet ouvrage dans la carrière scientifique, M. Durand se rendit en Amérique, se fit naturaliser citoyen des États-Unis, se fixa à Philadelphie, y reprit ses études médicales et fut reçu docteur en médecine en 1857. L’amnistie lui permit de revenir dans son pays trois ans après (1860) et d’y vivre désormais en sécurité. Il put donc convier, à Paris même, le public à ses démonstrations théoriques et expérimentales sur l’hypnotisme, désigné alors sous le nom de braidisme, et faire paraître sur ce sujet un nouveau livre Cours théorique et pratique de braidisme ou hypnotisme nerveux, considéré dans ses rapports avec la psychologie, la physiologie et la pathologie, et dans ses applications à la médecine, à la chirurgie, à la physiologie expérimentale, à la médecine légale et à l’éducation (1860). En lisant les deux premiers ouvrages de M. Durand, le Traité de l’électro-dynamisme vital et le Cours de braidisme, on voit qu’il a devancé l’école de Nancy et l’école de la Salpêtrière dans l’étude positive des phénomènes de l’hypnotisme.
M. Durand a publié, depuis 1860, d’autres écrits intéressants, quelques-uns d’une grande importance. Nous citerons Influence réciproque de la pensée de la sensation et des mouvements végétatifs, mémoire suivi d’un rapport de M. le docteur Buchez et d’une réponse de l’auteur (1862, in-8°) ; Dieu, les miracles et la science, lettre à M. Ad. Guéroult (1863, in-8°) ; Essais de physiologie philosophique (1866, in-8°), ouvrage remarquable, dans lequel M. Durand expose une théorie générale des organes qui, selon lui, est nécessaire pour compléter la théorie générale des tissus, due à Bichat, et pour achever la constitution de la biologie ; la Philosophie physiologique et médicale à 1 Académie de médecine (in-8°) ; De l’influence des milieux sur les caractères de race cher L’homme et les animaux (1868, in-80) ; les Origines animales de l’homme éclairées par la physiologie et l’anatomie comparative (1871, in-8°), ouvrage important, comprenant deux parties : la première, consacrée à la défense de la théorie du polyzoisme ou de la pluralité animale chez l’homme ; la seconde, exposant en faveur de la doctrine transformiste et de la parenté zoologique de l’homme les divers faits de déformations organiques dites virtuelles, en particulier la torsion de l’humérus ; Ontologie et Psychologie physiologiques (1871, in-12), recueil de morceaux de critique ; Études de philologie et de linguistique aveyronnaises (1879, in-8°).
La philosophie de M. Durand est le monadisme leibnizien. Pour lui, la substance n’est pas une sorte de pâte amorphe dont seraient faits les êtres. Ce n’est là qu’une apparence, derrière laquelle il faut saisir les éléments substantiels qui sont parfaitement simples. Ces unités substantielles sont des unités dynamiques, des centres de force, et ces centres de force sont des centres psychiques, des âmes, des monades. Les monades sont en nombre infini ; elles sont liées entre elles par un déterminisme absolu. Mais M. Durand rejette l’idée leibnizienne de la monade souveraine, dominatrice de la monade divine, créatrice des autres monades. Il tient que le dieu du monothéisme et les dieux du polythéisme sont également des abstractions personnifiées.
Garcin Euphémie Vauthier, dame
Ecrivain français, née à Montignac (Dordogne) en 1833.
Elle est professeur d’histoire à l’École supérieure de jeunes filles de la ville de Paris. Depuis 1870, elle a publié des études biographiques sur Mme Roland (1880, in-16) ; Jacques Cœur (1881, in-16), Etienne Marcel (1882, in-12), et Nora (1882, in-12).
Sauvestre, Nicéphore Charles
Journaliste et pédagogue français, né au Mans (Sarthe) en 1818. Il est mort le 25 octobre — Index page 123 — 1883.
Depuis le 3 juillet 1881 il faisait partie, en qualité de bibliothécaire adjoint, du personnel du Musée pédagogique, où il avait été chargé du classement des documents relatifs à l’histoire de l’enseignement primaire. C’était, a dit un de ceux qui ont pris la parole sur sa tombe, « un libre penseur spiritualiste, croyant à l’au-delà et à la continuation ». C’était, dans tous tes cas, un honnête homme, très sincèrement et très profondément libéral et républicain. Son dernier livre a pour titre Les Jésuites peints par eux-mêmes (1887, in-12).
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