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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Piel, Jacques
Article mis en ligne le 11 janvier 2020
dernière modification le 27 décembre 2021

par Sosnowski, Jean-Claude

Décédé dans la semaine précédant le 22 février 1857 à Rio de Janeiro (Brésil). Artiste dramatique puis professeur et directeur d’un collège français à Rio de Janeiro. Membre du groupe phalanstérien de Rio de Janeiro.

Embarqué au Havre sur le navire « Ursin », Jacques Piel débarque à Rio de Janeiro le 31 juillet 1840 [1]. Il appartient à une compagnie française de théâtre qui s’illustre à partir de septembre 1840 au Théâtre français de Rio de Janeiro [2]. Il est, ainsi que d’autres acteurs du Théâtre français, condamné à 1 mois de prison en juin 1841, pour avoir désobéi à un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions ou ne s’être pas conformé à ses ordres (article 128 du code pénal [3]). En 1843, toujours acteur, il réside au 122 rua d’Alfandega [4]. Il est considéré comme un acteur au jeu « naturel et réservé » [5].
« Ayant reçu une instruction élémentaire assez solide, il [abandonne] la carrière dramatique pour se vouer à l’éducation des enfants […] » [6]. En décembre 1847, il enseigne dans une classe du Collège français, 47 rue Saint-Joseph (rua San José) [7] En 1852, son collège est établi 64 rue San José [8]. En 1855, il est inscrit parmi les professeurs de langues, 105 rue d’Ouvidor [9]. Le Courrier du Brésil annonce la « réouverture de l’ancien collège français dirigé par Jacques Piel, rue do Cano, n. 70 » [10] le 7 janvier 1857. Des pensionnaires sont hébergés ; un jardin est à disposition [11]. Jacques Piel décède quelques semaines après la réouverture de l’école.

Jacques Piel participe sans doute au groupe constitué à Rio de Janeiro en 1846 sous l’égide de Michel Derrion qui a quitté la colonie déliquescente du Sahy et s’est réconcilié avec Benoît Mure [12]. Le 24 avril 1846, Derrion et Piel sont d’ailleurs témoins de Benoît Mure pour déclarer auprès du consulat de France, le décès de son épouse Eugénie Lallemend [13]. Piel contribue alors aux souscriptions pour une « médaille à offrir à Eugène Sue, défenseur des classes sacrifiées et promoteur de l’organisation du travail » [14] et pour financer la tombe de Flora Tristan [15]. Il soutient également la diffusion de la médecine homéopathique au Brésil et est signataire le 30 mai 1846 d’une pétition collective aux représentants de la nation brésilienne en vue de la reconnaissance de la médecine homéopathique [16]. En janvier 1848, la classe de Piel au Collège français de la rue Saint-Joseph sert à héberger, dimanche et mercredi, le cours de musique vocale qu’ouvre Michel Derrion [17] Comme d’autres phalanstériens (Nicolas Gilbert, Charles Leclerc, Antoine Joseph Jamain, Eugène-Félix Huger et Derrion), il est « dépositaire des listes en circulation » destinées à la « souscription française en faveur des veuves, orphelins et blessés des journées de février 1848 » [18].
En 1850, l’anniversaire de la naissance de Fourier est exceptionnellement célébré le 14 juillet en raison de l’épidémie de fièvre jaune qui a emporté Michel Derrion et celle du choléra qui a sévi dans la ville au printemps. Jacques Piel préside le banquet qui réunit « cent-dix personnes [qui] ont pris part à cette fête, parmi lesquels seize femmes et six enfants » [19]. Lors de l’organisation de l’anniversaire d’avril 1851, il propose de limiter le banquet habituel à une simple communion et d’envoyer l’argent collecté au centre parisien de l’École sociétaire, proposition à laquelle finit par se ranger la majorité du groupe.

Comme d’autres phalanstériens (André Forest, Albert Gierkens, Eugène-Félix Huger, Francis-Charles Vannet, il est membre de la Société française de secours mutuels.
Selon Adolphe Huber, rédacteur du Courrier du Brésil qui rédige sa nécrologie, il meurt dans « la souffrance. Lui, qui avait employé toute sa vie à combattre les ultramontains et surtout les abus du culte catholique, par une circonstance toute fortuite a été appelé à subir de près ces mêmes abus et ces mêmes cruautés qu’il savait si bien stigmatiser. […] il a été conduit à l’hospice de la Miséricorde où on le soigna dans une chambre séparée. L’agonie arriva bientôt, sans que le malade perdît un seul instant la lucidité de son esprit : confiance en Dieu et négative de ceux qui prétendent se charger des choses du ciel », alors que les « bonne sœurs emportées par un zèle cruel se seraient fait un jeu de violenter la conscience d’un homme en pleine raison, qui ne voulait espérer qu’en Dieu ; mais seulement en lui » [20]. Toujours selon Huber, il « appartenait, par son intelligence peu commune, - cultivée patiemment et à l’aide de constantes études, - à la courageuse minorité qui cherche à approfondir et à faire progresser la grande question de l’avenir ». Les propos du rédacteur du Courrier du Brésil suscitent la réaction des ultramontains du journal O Brasil [21].