Née vers 1830. Décédée en 1910 ou 1911 à Mustapha, près d’Alger (Algérie). Féministe et dreyfusarde. Abonnée à La Rénovation et souscriptrice de la statue de Fourier.
Dans les années 1850, Aurélie Lassalle et son mari Claude Mourlet vivent aux Aix-d’Angillon (Cher), où ils ont un fils en 1853. Ils vivent encore dans cette commune lors du recensement de 1861, mais pas lors de celui de 1866. On sait qu’ils vivent en Algérie au moins en 1869 (leur fils y meurt cette année-là). Le couple vit tantôt à Alger, tantôt dans sa banlieue, à Mustapha.
Aurélie et Claude Mourlet sont associés dans leur engagement fouriériste. Quand, en 1872, l’École sociétaire envisage la création d’une nouvelle société, ils promettent ensemble d’y apporter chacun 18 francs [1]. Ils sont abonnés ensemble au Bulletin du mouvement social dans les années 1870 [2]. Ils visitent tous les deux le Familistère de Guise, en 1880 et s’abonnent au Devoir, périodique créé par Jean-Baptiste Godin [3].
Aurélie Mourlet participe en 1888 au Congrès pour l’avancement des Sciences qui se tient à Oran. Des séances concernent l’éducation des filles. « La femme du docteur Mourlet en dirigeait les débats », accompagnée par un « groupe très ardent » de féministes [4].
Claude Mourlet meurt en 1895. Son épouse continue l’abonnement – jusqu’alors au nom de son mari – à La Rénovation, l’organe fouriériste lancé en 1888. Elle verse à plusieurs reprises de modestes sommes pour la réalisation de la statue de Fourier à Paris [5].
Elle prend position en faveur du capitaine Alfred Dreyfus. En 1898, le journal républicain Le Rappel dit avoir reçu de sa part une « lettre éloquente, où s’expriment en un fier et fort langage les sentiments les plus élevés », en faveur de Dreyfus et de son épouse [6]. En 1902, après la mort de Zola, elle envoie 5 francs à la Ligue des droits de l’homme pour l’édification d’un monument en l’honneur de l’écrivain dreyfusard [7].
Cet engagement entraîne la dégradation de ses relations avec Adolphe Alhaiza, le directeur de La Rénovation. En 1899 et 1900, elle lui adresse plusieurs lettres dont des passages sont reproduits dans le périodique fouriériste ; elle considère que « le mal qui ronge notre pays, cette lèpre qui s’étend, grandit, envahit notre malheureuse France, qui lui enlève toute initiative, toute vigueur », c’est « le jésuitisme » qui influence encore l’éducation. Alhaiza lui répond que le jésuitisme a en fait peu d’influence ; ce qui menace la France, ajoute-t-il, c’est « l’intrusion juive qui fausse tous les ressorts de l’organisme national » et qui mène « une action […] démoralisante, oblitérante et plus encore dissolvante » [8]. D’autres lettres sont encore échangées, Aurélie Mourlet y dénonce « les proscriptions, les ghettos » dont sont victimes « ces infortunés israélites » persécutés par le catholicisme ; elle reproche à Alhaiza de les traiter de façon injuste [9]. L’un et l’autre se réfèrent à Fourier pour justifier ou dénoncer l’antisémitisme et le nationalisme.
Sans doute en raison de l’orientation nationaliste et antisémite de plus en plus nette de La Rénovation, Aurélie Mourlet semble, comme d’autres fouriéristes et membres du mouvement coopératif, s’éloigner d’Alhaiza et ne pas se réabonner après 1903 – on ne trouve plus la mention de son nom dans les listes de ceux qui se sont réabonnés ou qui ont envoyé une contribution financière pour soutenir l’existence du groupe de La Rénovation.
Lors du banquet fouriériste d’avril 1911, Alhaiza fait la liste des fouriéristes décédés depuis avril 1910. Parmi eux figure Aurélie Mourlet [10].
[1] Archives nationales, fonds Fourier et Considerant, 10 AS 32 (681 Mi 53, vue 56), Société des études sociales, 27 juin 1872.
[2] Archives nationales, fonds Fourier et Considerant, 10 AS 40 (681 Mi 68, vue 281), lettre de Mourlet à Bourdon, sans date ; École normale supérieure, fonds Considerant, carton 4, dossier 3, chemise 2, recettes et dépenses ; abonnement de Mourlet, janvier 1878 et mars 1879.
[3] Archives du Familistère de Guise, livre des visiteurs et registre des abonnés au Devoir, 1881.
[4] Louise Vergnes-Vernier, « Culture sociale. École de sciences pratiques coopératives », dans Une révolution en éducation : écoles coopératives (projet de loi urgent), Paris, Sciences pratiques, 1901, p. 32.
[5] 2 francs 50 (La Rénovation, 31 mars 1897 ; 28 février 1898 ; 31 janvier 1900) et 3 francs (La Rénovation, 31mars 1899 et 30 avril 1900).
[6] Le Rappel, 19 avril 1898, « L’appel aux femmes de France ». On trouve le même texte avec le même titre dans Le XIXe siècle, 19 avril 1898.
[7] L’Aurore, 31 octobre 1902.
[8] La Rénovation, n°121, 31 mars 1900.
[9] La Rénovation, n°121, 31 mars 1900 ; n°124, 30 juin 1900 ; voir aussi n°125, 31 juillet 1900.
[10] La Rénovation, n°224, mars-avril 1911, discours prononcé par Alhaiza lors du banquet du 7 avril 1911.
Sources :
Archives nationales, fonds Fourier et Considerant, 10 AS 32 (681 Mi 53, vue 56), Société des études sociales, liste des souscripteurs, 27 juin 1872.
Archives nationales, fonds Fourier et Considerant, 10 AS 40 (681 Mi 68, vue 281), lettre de Mourlet, non datée.
École normale, fonds Considerant, carton 4, dossier 3, chemise 2, abonnement Mourlet, Alger, janvier 1878 et mars 1879.
Archives départementales du Cher, 3 E 2483, état civil d’Aix-d’Angillon, acte de naissance d’Émile Mourlet, 3 juin 1853 (en ligne sur le site des Archives départementales du Cher, vue 10/302).
Archives départementales du Cher, 27 J 0077, recensement de la population des Aix-d’Angillon, 1856 (en ligne sur le site des Archives départementales du Cher, vue 22/29).
Archives départementales du Cher, 6 M 00001, recensement de la population des Aix-d’Aigillon, 1861 (en ligne sur le site des Archives départementales du Cher, vue 22/31).
Archives nationales d’outre-mer, état civil d’Alger, acte de décès d’Émile Mourlet, 28 août 1869 (en ligne sur le site des Archives nationales d’outre-mer).
Archives nationales d’outre-mer, état civil de Mustapha, acte de décès de Claude Mourlet 28 juillet 1895 (en ligne sur le site des Archives nationales d’outre-mer).
Archives du Familistère de Guise, livre des visiteurs ; registre des abonnés au Devoir, 1881.
Louise Vergnes-Vernier, « Culture sociale. École de sciences pratiques coopératives », dans Une révolution en éducation : écoles coopératives (projet de loi urgent), Paris, Sciences pratiques, 1901, 64 p.
Le Rappel, 19 avril 1898 (en ligne sur Gallica).
Le XIXe siècle, 19 avril 1898 (en ligne sur Gallica).
L’Aurore, 31 octobre 1902 (en ligne sur Gallica).
.
.
.