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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Mainzer, Joseph
Article mis en ligne le 19 août 2019

par Desmars, Bernard, Sosnowski, Jean-Claude

Né le 21 octobre 1801 à Trêves (alors dans le département français de la Sarre, aujourd’hui en Allemagne), décédé le 10 novembre 1851 à Manchester (Royaume-Uni). Musicien, professeur de chant, auteur d’une méthode d’enseignement de la musique et critique musical à Bruxelles, à Paris puis au Royaume-Uni. Collaborateur du Nouveau Monde.

Joseph Mainzer est le fils d’un boucher installé à Trêves [1]. Il suit, comme enfant de chœur, les cours de la maîtrise de la cathédrale de la ville pendant huit années. Il souhaite par ailleurs devenir ingénieur des mines, et commence sa formation en travaillant comme ouvrier dans les houillères de la Sarre, tout en suivant des enseignements de mathématiques, de minéralogie et de chimie à Sarrebruck. Finalement, le travail de la mine menace sa santé et il retourne à Trêves chez ses parents qui insistent pour qu’il entre dans le clergé. Après quelque temps passé au séminaire, il est effectivement ordonné prêtre en 1826. Avec le soutien de l’évêque de Trêves, il peut voyager en Allemagne et en Italie et ainsi perfectionner son éducation, en particulier dans le domaine musical. Il compose diverses œuvres religieuses. À son retour à Trêves, il ouvre une école de musique gratuite ; il est chargé de l’enseignement de la musique et du chant au séminaire. Il expose dans un manuel publié en 1831 la méthode de chant qu’il utilise avec succès auprès de ses élèves. Il reçoit une médaille d’or du roi de Prusse, Trêves et sa région faisant partie du royaume de Prusse depuis 1815.

Alors que des mouvements libéraux et nationaux se développent en Europe vers 1830,

il crut que le moment était venu de régénérer aussi la Germanie ; il voulut contribuer à cette grande réforme sociale et entra dans la lice, l’arme au poing, contre le despotisme soit royal, soit sacerdotal. Sa plume fut désormais au service de la cause populaire. Autour de M. Mainzer, vinrent se grouper tous les jeunes écrivains, qui inondèrent l’Allemagne de brochures patriotiques et libérales. Longtemps, la police de la Sainte Alliance chercha à découvrir le vrai nom de ce Julius Classicus, qui n’était autre que M. Mainzer, et dont l’énergique pensée et les écrits chaleureux réchauffaient le feu sacré dans le cœur de la jeunesse allemande [2].

Ses sympathies pour l’insurrection qui se déroule en Pologne en 1831 auraient renforcé la suspicion des autorités prussiennes. Il s’établit alors à Bruxelles, capitale d’une Belgique qui vient d’obtenir son indépendance. En février 1833, il fait entendre de « quelques artistes et quelques amateurs de cette ville […] plusieurs morceaux d’un opéra intitulé Vincent Petrowski ou la Pologne combattant pour sa liberté » [3]. C’est sans doute le même opéra, renommé Le Triomphe de la Pologne, qui doit être joué peu après au théâtre royal de Bruxelles ; mais cette première représentation publique est annulée. Il rédige, fin 1833, des articles sur la musique pour la revue L’Artiste.

Vers 1834, il rejoint Paris. Avec Wilhem et quelques autres musiciens, il participe au développement des activités chorales et musicales dans les classes populaires [4]. Il ouvre des cours gratuits de chant et de musique pour des ouvriers et publie plusieurs manuels d’apprentissage de chant et de la musique le plus souvent destinés aux enfants, mais aussi « aux élèves des écoles normales, des écoles régimentaires et des cours d’ouvriers ». Le chant fait partie de l’éducation populaire :

une grande réforme se prépare dans l’éducation ; le chant est appelé à y contribuer puissamment. […] Quant aux ouvriers, ils ont déjà suivi l’impulsion. De vastes salles d’enseignement leur ont été ouvertes, et à peine sont-elles suffisantes pour les contenir. Quelle influence devra produire leur exemple, quand on les verra courir à l’étude comme à un délassement, quand on entendra leurs innombrables voix s’élever en chœurs harmonieux ! Le moment n’est donc pas éloigné où les mauvaises chansons et les voix défectueuses céderont la place à de belles voix et à des chants d’une poésie utile, d’une signification élevée [5].

Il effectue également avec ses élèves adultes des auditions publiques. En 1836,

Joseph Mainzer a fait entendre les quatre cents ouvriers qui suivent ses cours de musique vocale […] Après vingt-six leçons, ces braves artisans lisent la musique sur leurs cahiers, chantent en mesure et suivent avec une admirable justesse l’orchestre et le bâton du professeur [6].

De même, en mai 1838, la revue musicale Le Ménestrel relate un concert qui s’est déroulé salle Saint-Honoré :

M. Joseph Mainzer qui depuis quelques années se voue avec tant de zèle à l’enseignement du chant populaire en France, est venu avec plusieurs centaines de ses élèves, tenter les chances d’une audition publique, en s’adjoignant pour auxiliaire l’excellent orchestre de M. Valentino. Les élèves de M. Mainzer, presque tous ouvriers, ont fait preuve dans cette circonstance d’une intelligence musicale très avancée ; plusieurs morceaux exécutés avec un ensemble merveilleux, ont, à diverses reprises, excité les bravos de l’auditoire [7].

Mainzer collabore à divers périodiques, dont La Gazette musicale de Paris et Le National, où il est chargé du feuilleton musical. « Intolérant des doctrines musicales de ses contemporains », il est d’ailleurs redouté de ses collègues musiciens. Selon le critique du Monde dramatique, « il existe peu de jouteurs aussi implacables que lui » [8].

Il rédige aussi de brefs textes de quelques pages – dont la plupart portent sur les « métiers de Paris » – pour la série d’ouvrages Les Français peints par eux-mêmes. Encyclopédie morale du dix-neuvième siècle [9].

Rédacteur du Nouveau Monde

Dès le milieu des années 1830, Joseph Mainzer est en relation avec Jean Czynski, émigré polonais en France et futur dirigeant du groupe du Nouveau Monde. Le second, dans son roman Le Kosak, signale en note une étude du premier parue dans La Gazette musicale sur « les chants ukrainiens », puis son activité en faveur de la propagation de la musique parmi les ouvriers [10]. Sans doute leur commun intérêt pour la cause polonaise a-t-il facilité ce rapprochement.

Mainzer publie deux articles dans les colonnes du Nouveau Monde, l’un sur « l’influence morale de la musique » [11], l’autre intitulé « De l’éducation musicale » [12] ; il affirme que la musique et le chant constituent un langage universel qui devrait être systématiquement enseigné.

En septembre 1839, Le Nouveau Monde annonce la prochaine représentation de La Jacquerie, opéra dont il est le compositeur, au théâtre de la Renaissance [13]. Quelques jours plus tard, le journal fouriériste affirme que cette œuvre « a obtenu un grand et légitime succès » [14] et que « M. Mainzer a été généralement applaudi et appelé sur la scène. C’est un triomphe » [15]. L’accueil de la critique est nettement plus réservé ; Hector Berlioz se montre particulièrement sévère dans son « Feuilleton » du Journal des débats, en s’en prenant surtout à la partition de Mainzer [16]. Cela conduit Le Nouveau Monde à opposer « l’enthousiasme qui a accompagné la première représentation de La Jacquerie » à « la timidité de la presse qui n’ose encourager l’auteur dans la route nouvelle qu’il indique » et qui montre même, comme le Journal des débats, de « la pauvreté d’esprit » et de « la sécheresse de cœur » ; le périodique fouriériste admet « une exécution peu soignée » et de « nombreuses mutilations » ; mais

 !e service que l’auteur de La Jacquerie a rendu à la France en popularisant le chant parmi les travailleurs doit lui mériter au moins le respect de tous les hommes de bien s’ils se refusent à lui accorder de l’admiration [17].

Le Monde dramatique considère que les critiques faites à cet opéra sont d’abord « des représailles » de la part de certains compositeurs que Mainzer a lui-même étrillés dans Le National [18]. Le Ménestrel exprime la même opinion :

sa qualité de critique dans un de nos grands journaux et le souvenir de quelques jugements sévères devaient d’abord exciter des préoccupations peu favorables dans quelques âmes rivales, toutes disposées à rendre le mal pour le mal [19].

En effet, Mainzer « semblait avoir voué au système de M. Berlioz une haine irréconciliable » [20]. Pour sa part, le critique du Ménestrel se montre nuancé :

La Jacquerie, avec sa brillante mise en scène, ses chœurs larges et vigoureux, son instrumentation excentrique, a obtenu un accueil dont les auteurs, le compositeur et l’administration n’ont qu’à se louer. […] Les chœurs forment le noyau de la partition, et quelques-uns ont été justement applaudis. Malheureusement les chanteurs et les choristes n’ont pas toujours rempli leur tâche avec la justesse nécessaire [21].

Mainzer est cité parmi les « principaux artistes et travailleurs appartenant à l’Ecole sociétaire » dans l’Almanach social pour l’année 1840, publié par la Librairie sociale [22]. Il réside 80 rue du faubourg Saint-Denis à Paris. Il est encore mentionné dans Le Nouveau Monde en mai 1840, quand ses élèves lui offrent un banquet pour le remercier de son enseignement [23]. C’est la dernière fois que l’on trouve son nom dans les colonnes du périodique fouriériste.

Au Royaume-Uni

Peu après, il quitte la France pour le Royaume-Uni. En mai 1841, il ouvre à Londres des enseignements de musique pour les milieux populaires. Il publie la traduction anglaise d’ouvrages parus en France dans les années précédentes. Quelques mois plus tard (soit en novembre 1841, soit au cours de l’année 1842 selon les sources), il abandonne la direction de ses classes londoniennes à l’un de ses meilleurs élèves et se porte candidat à une chaire de professeur de musique à l’université d’Édimbourg. Il n’obtient pas le poste, mais s’installe dans la capitale écossaise, où il crée aussi un cours musical. Son activité concerne bientôt l’ensemble du Royaume-Uni ; selon Le Ménestrel, il fonde « en Écosse, en Angleterre et en Irlande un grand nombre d’écoles de chant populaire » [24]. Vers 1848, il s’établit à Manchester où ses cours de musique ont un grand succès auprès des ouvriers et des enfants de milieu populaire. Il lance un appel pour la création d’associations pour l’enseignement du chant ; il reçoit un accueil favorable et peut établir des cours qui auraient accueilli près de cent mille élèves, dans les campagnes et dans plusieurs villes [25]. Il fait paraître en anglais la traduction de plusieurs des ouvrages qu’il avait publiés à Paris.