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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

117-118
SCHERER René : Un parcours critique, 1957-2000 (2000)

Paris, Kimé, 2000, 242 p.

Article mis en ligne le décembre 2001
dernière modification le 3 avril 2007

par Ucciani, Louis

Les textes ici réunis par Schérer, retracent l’itinéraire philosophique de l’auteur. Nous voyons ainsi se dessiner comme en accéléré, un demi-siècle de philosophie. Celle de Schérer, mais aussi celle du siècle. Schérer est un philosophe dans le siècle, est un philosophe qui réagit au souffle du monde. Si je m’arrêterai ici à repérer la présence de Fourier dans ce parcours, n’oublions pas la portée plus générale de ce livre qui, notamment propose une lecture originale de Kant et montre la présence fondamentale de Nietzsche dans son propre parcours. Si une des voies offertes aux études fouriéristes, dans le domaine de la philosophie passe par l’analyse des rapports entre les deux philosophies de Fourier et Nietzsche, c’est bien évidemment par Schérer qu’il faudra passer. D’autre part si l’on peut, à l’instar de Schérer, faire de Nietzsche un précurseur révolutionnaire, c’est bien dans une lecture parcourue par le fouriérisme qu’il faut passer. En ce sens le premier chapitre consacré à la critique de l’humanisme (« Contester l’homme, comme la pensée théorique le réclame à présent dans la logique de sa recherche, signifie qu’il est ni rigoureux ni fécond de penser en fonction de l‘homme », p. 21]) et ceux développant la nécessaire hospitalité, jouent comme les axes, bien sûr non contradictoires, de toute pensée du devenir social du monde.

Quoique toute lecture quantitative soit déplacée, il demeure intéressant de remarquer comment ce parcours philosophique fait la part belle à Kant, Heidegger, Husserl, Nietzsche et Fourier. Ne serait-ce que pour cette présence le texte est un événement, tant Fourier est toujours un exclu philosophique. On trouve ici trois textes consacrés à Fourier. Le premier, Charles Fourier ou l’écart absolu reprend, en version corrigée, la présentation de Charles Fourier. L’attraction passionnée, ensemble de textes choisis par Schérer et publié par Pauvert en 1967. Le second, Les maux du libéralisme, a servi de préface au livre de Philippe Riviale, Charles Fourier et la civilisation marchande, publié en 1997, par les éditions l’Harmattan. Le troisième, Une esthétique passionnelle est de même la préface de l’ouvrage de Jean-Paul Thomas, Libération instinctuelle, libération politique, publié en 1980, par les éditions le Sycomore. Regrouper ces trois textes c’est dans le cadre de cet ouvrage, livrer l’armature sur laquelle la modernité de Fourier s’élabore. Les relire c’est retrouver formulées les bases de toute lecture philosophique de Fourier. Ceci par exemple, rappelant, pour le philosophe, l’étrange base de son mode de pensée : « Il n’y a pas chez Fourier de conscience de soi, il n’y a pas de concept, comme il n’y a pas de loi opposée au désir. Ces couples d’opposition autour desquels notre réflexion s’organise : conscience/concept, désir/loi, s’effondrent. » (p. 103) De même l’opposition mythe/discours s’inverse (« Au mythe Fourier substitue une “utopie” ») (p. 105). Et ce rappel est à bien considérer aujourd’hui : « Je le répète nous n’aurons accès à Fourier que si nous comprenons le sens de la rationalité qui l’anime, cette transformation radicale, qui s’accompagne d’une mutation des valeurs, ou mieux de la disparition de ce que nous appelons valeur. » (p. 108) Les deux autres textes ont le mérite de montrer deux des axes novateurs souvent relégués, à savoir le versant économique et le versant esthétique.