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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Varin d’Ainvelle, Félix (Jean Baptiste Fidèle)
Article mis en ligne le 13 avril 2018

par Desmars, Bernard

Né le 22 janvier 1806 à Besançon (Doubs), décédé le 5 juin 1857 à Servas (Gard). Ingénieur des mines, maire d’Alès, conseiller général et député du Gard. Saint-simonien, puis proche de l’École sociétaire pendant une brève période.

Varin est le fils d’un conseiller à la Cour royale de Besançon. Après ses études secondaires au collège royal de Dijon, il est admis à l’École polytechnique en 1823, en même temps que Michel Chevalier, l’un des futurs dirigeants du mouvement saint-simonien, et qu’Abel Transon, saint-simonien passé au fouriérisme au début des années 1830. Très bien classé à la fin de ses deux années (3e sur 95 élèves), Varin peut rejoindre en 1825 l’École des mines, où il termine premier de sa promotion. À sa sortie – et après un voyage d’étude effectué en Belgique pour compléter sa formation en 1828 – il est affecté au service des mines des départements du Gard, de l’Ardèche et de la Lozère ; sa résidence administrative se situe à Alès (alors écrit « Alais »). D’abord aspirant, il est promu ingénieur ordinaire en 1829. Il obtient la formation d’un laboratoire de chimie à Alès en 1830 et contribue à l’installation des premiers hauts-fourneaux de Bessèges et au développement de l’industrie du fer dans la vallée de la Cèze [1].

Comme d’autres polytechniciens et ingénieurs de sa génération, il est séduit quelque temps par le saint-simonisme et correspond avec la direction du mouvement. Il reçoit Le Globe à Alès et promet « de le propager » dans son entourage, notamment auprès d’autres ingénieurs de la localité. « Je partage un grand nombre de vos doctrines quant à la partie terrestre », même si, « sur la forme de la société, je ne puis encore admettre toutes vos idées », écrit-il à Michel Chevalier. Mais « la partie religieuse » de la doctrine saint-simonienne lui paraît peu compatible avec sa foi catholique [2].

En 1835, il se marie avec Louise Sabatier de la Chadenède, fille d’un officier de marine décédé l’année précédente ; la famille de son épouse, qui comprend un membre de la chambre des Pairs, possède de nombreuses propriétés à Alès et dans la commune voisine de Servas. Trois enfants naissent entre 1836 et 1851, deux filles dont une future religieuse, et un garçon, futur polytechnicien et officier d’artillerie.

S’étant éloigné du saint-simonisme, Varin s’intéresse au fouriérisme. Dès 1833, on le retrouve parmi les abonnés au journal Le Phalanstère [3]. En 1837, il écrit à Victor Considerant pour lui signaler à la fois l’attention qu’il porte aux activités du mouvement fouriériste, et les réserves qu’il exprime en tant que catholique :

Quoique depuis longtemps je prenne un vif intérêt au progrès de la Théorie sociétaire, je ne vous dissimulerai pas que mes croyances m’empêchent d’accepter le développement que vous avez donné dans votre journal à l’œuvre de Charles Fourier.

Dans l’intérêt de la réalisation j’aurais désiré vivement que quelqu’un de vos collaborateurs eut eût dirigé ses recherches vers le but de concilier en tout la conception de Fourier avec les dogmes précis du catholicisme et qu’il en eut eût montré la connexité avec une religion à laquelle les uns (et je suis du nombre) croient d’une manière absolue et à laquelle les autres rendent justice comme au plus vaste et au meilleur système qui ait depuis l’origine réuni les hommes dans des pensées et des actions communes.

Toutefois, Monsieur, si je pense que vous avez négligé d’explorer une partie essentielle du domaine de votre pensée, je n’en reconnais pas moins le mérite de vos travaux et de votre persévérance, et je fais des vœux sincères, pour qu’une prompte réalisation leur donne une valeur certaine, et réfute d’une manière définitive certaines objections banales faites par ceux qui ne vous ont pas lu.

Varin décide cependant de se « rallier dubitativement » à l’École sociétaire, de s’abonner à La Phalange et de souscrire au « crédit de 10 000 francs » destiné à étudier les plans d’un phalanstère d’enfants.

Après, quand j’aurai pris connaissance de ce travail, je vous ferai connaître ce qu’il me conviendra de faire pour l’exécution [4].

D’après un état de juillet 1837, il souscrit effectivement pour 50 francs [5].

Varin ne semble pas avoir poursuivi sa correspondance avec l’École sociétaire, dont l’orientation lui paraît sans doute peu compatible avec son catholicisme. Par ailleurs, le phalanstère d’enfants, qu’il est prêt à soutenir, reste à l’état de projet. Il semble cependant subsister chez Varin une sensibilité à la question sociale, qui s’exprime surtout sous une forme charitable dans les années qui suivent.

Fonction publique et entreprises privées

Au début des années 1840, Varin contribue à la création de l’« École des maîtres- mineurs d’Alais », dont le projet est présenté au conseil municipal en 1841 et dont la création est décidée par le gouvernement en 1843.

Selon le préfet du Gard,

M. Varin a contribué plus que personne à l’érection de l’école […] ; c’est à lui qu’on doit le projet d’organisation qui a reçu dans son ensemble et dans ses détails la sanction de l’administration supérieure [6].

En 1842, il est nommé ingénieur en chef à Bordeaux. Il n’y passe que quelques mois, car le mauvais état de santé de son père le conduit à demander un congé et à rejoindre Besançon en novembre de la même année. Après le décès de son père, en janvier 1844, il demande sa réintégration dans le service actif ; il sollicite alors la direction de l’École des mines d’Alès ; mais l’ordonnance de création de cet établissement prévoit qu’un ingénieur ordinaire doit en prendre la direction, alors que Varin est déjà ingénieur en chef. Souhaitant néanmoins rester dans le Gard ou dans un département voisin, il refuse le poste qui lui est proposé à Mâcon et il est placé en congé illimité [7]. Selon son dossier administratif au ministère des Travaux publics, il n’occupe aucun autre poste dans l’administration ou dans des entreprises privées jusqu’à ce qu’il demande sa retraite en 1853. Cependant, d’après d’autres sources, il est nommé ingénieur en chef à la résidence d’Alès en 1847 [8]. Puis, selon les uns, il effectue en 1848 une « mission d’ingénieur [aux mines de charbon] de la Grand’Combe », puis s’occupe en 1848-1849 de « l’exploitation et [de] l’emploi des calcaires de Servas » [9] ; selon les autres, il dirige les houillères de la Grande Combe et de Bessèges [10].

Mandats politiques et œuvre sociale

Varin est élu au conseil municipal de la ville en 1848 ; rallié au président Louis-Napoléon Bonaparte, puis à l’empereur Napoléon III, il est nommé maire d’Alès et installé dans ses fonctions en janvier 1853 [11]. Il siège également au Conseil général du Gard pour représenter le canton d’Alès ; par décret impérial, il est nommé secrétaire de l’assemblée départementale lors des sessions de 1853, 1854, 1855 et 1856. Lors d’une élection législative partielle, il bénéficie comme « candidat officiel » du soutien du gouvernement et de l’administration et sort vainqueur lors du scrutin. Au Corps législatif, il soutient la politique impériale.

Parallèlement à son engagement politique, il fonde en 1849 dans sa propriété de Servas, près d’Alès, une colonie agricole recevant des enfants de l’hospice d’Alais. L’encadrement est assuré par les sœurs de la Charité [12]. Les garçons y reçoivent une formation agricole [13]. Varin est parfois qualifié de « directeur de la colonie agricole de Servas » ou de « directeur de la ferme-école de Servas » et d’« agriculteur » [14].

En même temps, il continue à s’intéresser au développement industriel du Gard. Il participe à la fondation d’une société qui passe une convention avec l’État en 1854 afin d’établir et d’exploiter une ligne de chemin de fer entre Bessèges à Alès [15]. En 1856, Varin tombe gravement malade. Il décède l’année suivante dans sa propriété de Servas.