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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Chadal, (Pierre Marie) Alphonse
Article mis en ligne le 11 avril 2018

par Desmars, Bernard

Né le 22 juillet 1810 à Foissiat (Ain), décédé le 4 décembre 1876 à Bourg, auj. Bourg-en-Bresse (Ain). Avoué, puis médecin. Militant républicain. Secrétaire général de la préfecture de l’Ain de septembre 1870 à janvier 1871, membre du conseil municipal de Bourg de 1871 à 1874. Saint-simonien, puis fouriériste. Effectue un bref séjour à Condé-sur-Vesgre en 1832.

Alphonse Chadal est le fils d’un propriétaire. Après ses études au collège de Bourg, puis à celui de Cluny [1], il entre à l’École polytechnique en novembre 1830. Il affiche rapidement ses convictions politiques en signant dès le mois suivant une « Protestation des élèves de l’École polytechnique » réclamant le suffrage universel [2]. En juin 1832, avec quelques autres élèves polytechniciens, il participe à l’insurrection déclenchée à l’issue des funérailles du général Lamarque. Il est renvoyé de l’École.

Saint-simonien, fouriériste et républicain

Il adhère au saint-simonisme, puis rejoint le mouvement fouriériste. Avec Alphonse Morellet, lui-même né à Bourg, et quelques amis, il rejoint la colonie phalanstérienne en cours de formation à Condé-sur-Vesgre. Il y reste peu de temps [3]. Puis, il étudie le droit à Paris et obtient une licence. Il s’établit à Bourg où il achète une charge d’avoué en 1840 [4]. Il est élu en 1841 sous-lieutenant de la Garde nationale de la ville [5]. En 1842, il est témoin lors du mariage d’Alphonse Morellet, alors avocat à Lyon. Il épouse en 1845 Jeannette Barrucand, dont le père, décédé quelques années avant le mariage, a été avoué à Gex (Ain).

Après la révolution de Février, Chadal devient l’un des animateurs du camp républicain [6]. Il abandonne son activité professionnelle et se consacre à la politique [7]. Il écrit dans L’Écho de la République lors des élections présidentielles pour appeler à voter Ledru-Rollin, en décembre 1848 [8]. Puis, après l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte et l’arrivée des hommes de « la réaction » au pouvoir, il dénonce les menaces qui pèsent sur la liberté et sur la République [9].

Démocrate-socialiste

En mai 1849, sans être lui-même candidat aux élections législatives, il mène campagne, en tant que président du comité départemental de la République démocratique et sociale, en faveur de la « liste des candidats démocrates progressistes », qui l’emporte largement dans l’Ain [10]. Ce département, comme ses voisins, est mis en état de siège le 15 juin ; de nombreuses perquisitions et arrestations sont effectuées ; les réunions publiques sont interdites de même que le colportage des journaux et des livres [11]. Chadal publie un premier texte pour protester contre cette situation [12] et exposer ses propositions : il souhaite la formation d’associations ouvrières, dont une réforme bancaire faciliterait le développement, ainsi que d’« associations agricoles entre fermiers », favorisées par une modification de la législation sur les fermages ; il demande une réforme fiscale allégeant le poids de l’impôt pour les pauvres et l’alourdissant pour les riches [13].

Il aurait aussi dès 1848 ou 1849 organisé une société secrète dans l’Ain, réunissant des « démocrates exaltés », la Société des Hommes libres [14]. Arrêté en mai 1850 pour avoir cherché à troubler la paix publique, il est détenu pendant plusieurs semaines à la prison de Belley [15]. En décembre 1850, il quitte Bourg et s’établit à Paris ; mais il reste en relation avec la Société des Hommes libres. En juin 1851, Chadal rédige un nouveau texte contre l’état de siège et plus généralement contre la politique du gouvernement [16]. Le même mois, la Société des Hommes libres, qui faisait déjà l’objet d’une surveillance de la police, est dénoncée à la justice ; on retrouve chez l’un de ses membres « des ustensiles propres à la fabrication de la poudre » [17]. Chadal et plusieurs de ses amis sont arrêtés, incarcérés et jugés devant une cour militaire, d’abord en août, puis, la sentence ayant été cassée pour vice de forme, en octobre 1851.

D’après le réquisitoire du commissaire du gouvernement,

c’était donc de Paris que Chadal dirigeait et donnait les ordres à la Société. Il en était donc le principal chef.

Ses voyages à Londres et à Bruxelles n’avaient sans doute d’autre but que de recevoir et de transmettre des ordres relatifs à l’insurrection qui devait éclater. […]

Chadal est donc le chef de la démocratie exaltée du département de l’Ain, et c’est sur son ordre que les membres de la Société devaient mettre à exécution leurs sinistres projets.

Il n’est pas un habitant de l’Ain qui ignore que Chadal est celui qui bouleverse le pays par ses opinions ultra-démocratiques ; qu’il est le socialiste le plus ardent du pays ; que c’est lui qui excite les basses classes de la société en flattant leurs passions […]

Cette société était constituée de manière à servir efficacement le parti de la démagogie. Chadal, son chef, est un homme instruit ; il est adroit ; il est connu dans tout le pays pour ses opinions extrêmes [18].

Chadal est condamné à deux ans de prison, 500 francs d’amende et deux ans d’interdiction des droits civils. Malgré un nouveau pourvoi, le jugement est confirmé en janvier 1852 [19]. Chadal est transféré dans la prison de Mazas, puis dans celle de Belle-Île.

À sa sortie, il entame des études de médecine, qu’il commence à l’hôpital de Bourg, avant de s’inscrire à la faculté de Montpellier où il obtient le doctorat en 1858. La même année, il part en Algérie pour occuper un poste de médecin colonial. Il est nommé au Fondouk (aujourd’hui Khemis El Khechna), une commune située à une trentaine de kilomètres à l’est d’Alger [20]. D’après l’un de ses contemporains et amis,

ses connaissances spéciales, son dévoûment [sic] à ses malades et sa bonté lui valurent bientôt dans le pays au milieu de populations qui comprenaient l’importance de ses services, une position à la fois honorable et lucrative, que le temps aurait certainement améliorée et consolidée. Mais de telles fonctions, qui l’assujettissaient à des obligations expresses, à des devoirs réguliers, n’étaient pas compatibles avec ses goûts d’indépendance, avec son humeur changeante et surtout avec le besoin d’être, selon l’impulsion du jour ou de l’heure, tout à fait à lui-même, à ses idées, à ses chimères, si l’on veut [21].

Après quelques années en Algérie, il repart à Bourg vers le milieu des années 1860 [22]. D’après le recensement de 1866, il vit séparé de sa femme et exerce la médecine. Il ne semble pas avoir de lien avec l’École sociétaire ; son nom figure cependant sur un répertoire d’adresses de la Librairie des sciences sociales, probablement constitué dans les années 1860 à partir d’informations datant des décennies précédentes [23].

À la fin des années 1860, il reste un républicain actif. Il correspond avec Charles Delescluze en 1868 et 1869 à propos des élections législatives et de la réorganisation du mouvement républicain [24]. Il est aussi en relation épistolaire avec Edgar Quinet, député de l’Ain en 1849 et exilé en Suisse, qui lui demande des informations sur la situation politique à Bourg [25].

Au printemps 1870, Napoléon III décide l’organisation d’un plébiscite à propos des réformes d’orientation libérale qui viennent d’être adoptées. Dans la campagne qui précède le scrutin, Chadal revient au premier plan. Il est l’un des assesseurs du bureau qui dirige une première réunion à Bourg ; lors de la seconde, il est l’un des orateurs, favorables au « non », par opposition au régime impérial [26].

À la suite de la proclamation de la République, le 4 septembre 1870, il est nommé secrétaire général de la préfecture de l’Ain, à la demande du nouveau préfet, Puthod, qui le présente ainsi au ministre de l’Intérieur Gambetta :

Chadal proposé pour conseiller secrétaire général préfet à Bourg est non seulement docteur en médecine mais licencié en droit et ancien élève polytechnique, aptitudes diverses, précieuses, très considéré par tous républicains éprouvés, caractère et sens très droits, connaît bien le tempérament physique et moral de notre population, accord complet entre Chadal et moi et vous [27].

Mais les relations entre les deux hommes sont difficiles ; elles sont particulièrement dégradées en janvier 1871. Le préfet envoie alors une dépêche télégraphique au ministre de l’Intérieur :

Je vous demande formellement aujourd’hui et d’urgence la révocation de mon secrétaire général M. Chadal. […] M. Chadal fait opposition publique dans clubs et journaux au lieu de travailler avec nous à défense nationale et de s’occuper de son service. Il déclare ne vouloir pas être solidaire avec hommes du gouvernement actuel. Son attitude dissolvante produit le plus mauvais effet dans tout le département par scandales publics et même privés [28].

Chadal est démis de ses fonctions le 24 janvier 1871 [29]. Il se présente aux élections du 8 février 1871 qui désignent l’Assemblée nationale ; il figure en seconde position sur une liste conduite par Edgar Quinet et présentée par une « société républicaine » [30] ; mais il n’est pas élu [31]. En avril suivant, il entre au conseil municipal de Bourg (il est élu dès le premier tour). Il siège dans plusieurs commissions et participe régulièrement aux délibérations de l’assemblée municipale jusqu’en 1874, élevant à plusieurs reprises des questions de procédure, et intervenant sur des sujets aussi divers que les chemins de fer, les trottoirs, l’école communale, le bureau de bienfaisance, les égouts et fosses d’aisance, etc. [32]

Son mandat cesse en 1874. Il se retire alors de la vie publique. Après son décès, les nécrologies qui paraissent dans la presse de l’Ain présentent ses deux dernières années de façon divergente. D’après des journaux conservateurs, il se serait alors peu à peu rapproché de l’Église catholique, critiquant l’anticléricalisme des républicains et exprimant sa foi avec beaucoup de ferveur [33]. Selon ces mêmes organes, ses « dernières années [ont été] consacrées toutes entières à l’étude et à la pratique de la religion catholique. […] À la lecture succédait la prière » [34].

Une lettre parue dans Le Progrès de l’Ain conteste ce récit et l’idée que Chadal ait pu finir sa vie « dévot, catholique de cœur et d’âme, et qui mieux est, catholique pratiquant ». Selon son auteur, qui se présente comme un ami du défunt, « tant que cet homme a gardé la plénitude de ses facultés, il a répudié, et dans ses conversations et dans ses correspondances, les doctrines et les prétentions de la cour de Rome et du monde catholique » ; « si, dans ces derniers mois de sa vie, Chadal a cédé aux obsessions de son entourage », c’est parce que « son cerveau, affaibli par une maladie douloureuse, ne lui permettait de déployer l’énergie qu’il eût pu avoir en pleine santé » [35]. Ce que récuse la presse catholique [36].


Aphorisme du jour :
Les sectes suffisent à elles seules à guider la politique humaine dans le labyrinthe des passions
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