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103-105
ABENSOUR Miguel : L’Utopie de Thomas More à Walter Benjamin (2000)

Paris, Sens et Tonka, 2000, 216 p.

Article mis en ligne le décembre 2000
dernière modification le 3 avril 2007

par Ucciani, Louis

Cet ouvrage se présente comme une juxtaposition de deux essais consacrés le premier à Th. More et le second à W. Benjamin. La construc¬tion littéraire du livre n’est pas innocente et elle reprend la forme même de l’interrogation dans chacun des essais. Th. More est abordé à partir de l’écart existant entre les deux livres de son utopie : « Face à l’énigme que représente pour la plupart des interprètes la discordance du Livre I et du Livre II - certains vont jusqu’à proposer une dualité d’auteurs, Erasme aurait écrit le premier Livre et Thomas More le second -, notre hypo¬thèse serait qu’à suivre les méandres du Livre I nous serions progressive¬ment amenés à trouver, mieux à mettre au point, comme quand il s’agit de corriger une illusion, le mode de lecture, d’appréhension qui convient au livre II » [59]. Sur l’autre versant sont travaillés les deux exposés de W. Benjamin sur l’Utopie de 1935 et de 1939.

C’est encore sur une mise au point en forme d’avertissement qu’Abensour débute son investigation : « Qu’il nous suffise de poser, à l’adresse des pourfendeurs de l’utopie, qu’une société sans utopie, privée d’utopie est très exactement une société totalitaire, prise dans l’illusion de l’accomplissement, du retour chez soi ou de l’utopie réalisée » [19].

La première partie autour de Th. More aboutit à poser la cohérence du texte et redéfinit les fondements de l’utopie. On la perçoit comme une position politique prenant place dans les débats de l’époque : « S’il est vrai que L’Utopie, dans la mesure où elle opère un repli sur l’État - elle participe de la « grande révolution étatique » du XVIe siècle -, tend à se rapprocher du modèle juridico-politique, plus démocratique qu’autoritaire, on ne peut pour autant y percevoir un projet de constitution ou un plan dogmatique pour la société future » [93]. D’autre part l’invention utopique joue sur deux autres niveaux, tout d’abord celui d’une rhétorique (« L’Utopie apparaît comme une invention rhétorique, renouvelant en se jouant l’art de la persuasion ») [102] et celui d’une innovation politique, à mettre en rapport avec Le Prince de Machiavel (1513). Là où celui-ci condamne les républiques imaginaires et congédie les prophètes, l’utopie se donne comme une voie de substitution à la prophétie.

C’est dans la partie consacrée à W. Benjamin que l’on voit apparaître la figure de Fourier. Il semble qu’il y ait eu une longue méditation de Benjamin sur Fourier, au-delà même de sa présence dans les deux exposés analysés par Abensour : « Pierre Klossowski, qui a bien connu W. Benjamin dans les dernières années de sa vie, a rappelé, en 1969, que le fond le plus authentique de ce dernier tenait dans une version personnelle d’un renouveau phalanstérien » [210]. Il y aurait, pour Benjamin, une présence nécessaire de l’utopie : « Utopie ou catastrophe ? Marquons d’emblée que telle est bien l’alternative qu’élabore patiemment Walter Benjamin » [109]. Selon Abensour, Benjamin serait celui par qui l’utopie « enfin prise au sérieux (serait) accueillie comme une forme de « pensée sauvage » dans la modernité, sans être idolâtrée, mais pas davantage domestiquée, ni dépréciée » [111]. Fourier est présent à l’ouverture des deux exposés sous le titre Fourier ou les passages. Dans le premier des exposés la perspective de Fourier est mise en relation avec Michelet (« Chaque époque rêve la suivante. Avenir ! Avenir ! » [119]). Dans le second, écrit après une controverse avec Adorno, le changement de pers¬pective glisse de Michelet à Blanqui, entre progrès et catastrophe. On passe d’une première technique de maîtrise du monde par domination et maîtrise de la nature, à une seconde, originée dans le jeu, qui brise la dis¬tance prise avec la nature : « Les effets de ce changement sont immédia¬tement sensibles : la section Fourier ou les passages a été maintenue contre l’avis défavorable d’Adorno, mais le paragraphe important de l’ex¬posé de 1935 qui valait interprétation générale de l’utopie a disparu, comme s’il s’agissait d’effacer le lieu du contentieux, sans pour autant, grâce à Fourier, au nom de Fourier prendre congé de l’utopie » [167]. La présence de Fourier est encore marquée dans la note 1 des Écrits français, où est envisagée la technique, dite d’innervation, devant permettre « à l’humanité de substituer à l’essor subversif de la civilisation (les crises économiques, les guerres, etc.) un essor harmonique » [172]. Fourier devient alors le modèle de la révolution comme innervation dont la récon¬ciliation de la technique et de la nature témoigne, c’est en ce sens que Benjamin écrit : « la technique se présente (...) pour Fourier comme l’étincelle qui met le feu aux poudres de la nature » [177]. Alors, contre les techniques d’asservissement de la nature, Fourier apparaît comme modèle d’une utopie par innervation dont un modèle pourrait être « le jeu harmonien entre la technique et la nature » [177]. En ce sens Fourier serait « le penseur qui a su donner une figure à la relation entre l’innerva¬tion créatrice issue de la seconde technique et l’utopie moderne » [178].


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