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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

129-131
MAILLARD Alain : La Communauté des Egaux. Le communisme néo-babouviste dans la France des années 1840 (1999)

Paris, Kimé, 1999, 352 p.

Article mis en ligne le décembre 1999
dernière modification le 3 avril 2007

par Verlet, Bruno

Cette courageuse maison d’édition, qui nous avait donné récemment une très solide Invention du Progrès [1], publie là une thèse à laquelle il serait bon que les lecteurs des Cahiers s’intéressent. Nous ne saurions en effet nous limiter aux recherches concernant Fourier et Considerant et rien de ce qui paraît sur la période ne devrait nous rester étranger. Comprendre, c’est souvent comparer.

Or l’histoire de Babeuf, de Buonarroti et de leurs adeptes est riche en leçons pour ceux qui s’intéressent à la vie des idées sous la Révolution et surtout pendant la première moitié du XIXe siècle. Rappelons d’abord que les deux premiers furent presque contemporains et que le second, d’une dizaine d’années l’aîné de Fourier, mourut la même année que lui. Ce que l’auteur appelle le néo-babouvisme - terme dont il n’a pas retrouvé l’origine dans les écrits du temps, puisqu’il la situe chez Prudhommeaux en 1907 - met en scène une génération qu’il dénomme « de 1840 », en gros celle de Considerant. Cette partie du livre - la deuxième - est à mon avis beaucoup plus intéressante que ses trop longs débuts consacrés aux communismes égalitaires et à la Communauté des Égaux au sens propre, à travers toute une théorie des « rapports d’homologie » et des « imaginaires sociaux », où l’auteur, me semble-t-il, se perd un peu en route [2].

A partir de la page 152 et du cinquième chapitre - la lecture patiente d’un texte réserve parfois de ces bonnes surprises - les résultats d’une recherche personnelle saillent et le livre décolle. Tous les chapitres restants valent le détour et je les recommande instamment à ceux qui n’auraient pas le temps de lire l’ensemble. Trois développements en particulier parmi d’autres : les passages consacrés aux principaux néo-babouvistes des années 1840 : Dézamy (1808-1850), Lahautière (1813-1881), Pillot (1808-1877), etc. ; l’analyse de leurs livres et de leurs journaux : le Code de la Communauté (1842) [3] et L’Égalitaire (1841) de Dézamy, La Fraternité de Lahautière (1841-1843), Ni Châteaux ni Chaumières (1840) et La communauté n’est plus une utopie (1841) de Pillot ; la description du banquet de Belleville du 1er juillet 1840, organisé par Dézamy et Pillot et rassemblant plus d’un millier de participants communistes et assimilés (pp. 278-281), détail des toasts à l’appui.

Signalons pour finir un grand présent et un grand absent dans ce travail. Louis Blanc, que l’on pourrait considérer comme le publiciste majeur des années 1840 est peu évoqué, sinon au passage pour concéder que l’Organisation du travail est « très lu sous la monarchie de Juillet ». Par contre, Cabet est omniprésent et sert de repoussoir ou de contre-exemple à la pensée néo-babouviste, pour opposer le communisme politique au communisme utopique. En plus de Babeuf et Buonarroti bien sûr, une autre grande figure partout admirée par les militants contemporains semble avoir été Blanqui.

Merci donc à l’auteur pour nous avoir bien replacés dans la mentalité et la presse d’une fraction majeure des courants réformistes autour de 1840, la plus active sans doute au sein d’une classe ouvrière qui prend alors conscience d’elle-même et commence à s’exprimer.

« Qu’est-ce qu’une révolution politique ? demandait déjà Babeuf [4]. Une guerre déclarée entre les patriciens et les plébéiens, entre les riches et les pauvres ». Et Maillard précise (p. 10), ce qui permet de mieux situer les choses par rapport au fouriérisme : « La doctrine néo-babouviste peut être définie de la façon suivante : réaliser l’égalité politique, économique
et sociale par la communauté des biens ; asseoir la république universelle sur une propriété collective ».