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3 décembre 1803, Charles Fourier annonce publiquement son programme d’harmonie universelle
Article mis en ligne le 3 décembre 2016

A défaut d’Actualités pour ce 3 décembre, nous voilà transportés 213 ans en arrière, le 11 frimaire an 12, pour découvrir la première annonce publique faite par Fourier de son système d’Harmonie universelle. En réponse à une invitation qui lui était adressée dans ce journal, Fourier publia, dans le Bulletin de Lyon, le morceau suivant qui précéda de quelques jours l’article sur le Triumvirat continental, publié dans le même journal le 25 frimaire an 12.)
Harmonie universelle.
Le calcul de l’harmonie dont Madame A. F. réclame la publicité, est une découverte à laquelle le genre humain était loin de s’attendre. C’est une théorie mathématique des destinées de tous les globes et de leurs habitants, une théorie des |seize ordres sociaux qui peuvent s’établir dans les divers globes pendant l’éternité.
Des seize sociétés possibles, on n’en voit sur notre globe que trois : Sauvagerie, Barbarie et Civilisation. Elles vont finir prochainement, et tous les peuples de la terre passeront à la quinzième société qui est l’harmonie simple.
Grands hommes de tous les siècles ! Newton et Leibnitz, Voltaire et Rousseau, savez-vous en quoi vous êtes grands ? C’est en aveuglement. Vous ne semblerez bientôt que de grands fous, pour avoir pensé que la Civilisation était la destinée sociale du genre humain. Comment n’avez-vous pas supposé que ces trois sociétés, sauvage, barbare et civilisée, sont des échelons pour s’élever plus haut, qu’elles sont un âge d’enfance et d’imbécillité pour la raison, et que Dieu serait imprévoyant, s’il n’avait inventé rien da mieux pour le bonheur de l’homme. Ces trois sociétés sont les plus désastreuses d’entre les seize. Sur les seize, il y en a sept qui établissent la paix perpétuelle, l’unité universelle, la liberté des femmes.
J’ai dû cette étonnante découverte au calcul analytique et synthétique de l’attraction passionnée que nos savants n’avaient pas jugée digne d’attention, depuis deux mille cinq cents qu’ils étudient. Ils ont découvert les lois du mouvement matériel ; cela est beau, mais ne détruit pas l’indigence. Il fallait découvrir les lois du mouvement social. Leur invention va conduire le genre humain à l’opulence, aux voluptés, à l’unité du globe. Je le répète, cette théorie sera géométrique et appliquée aux sciences physiques. Ce ne sera pas une doctrine arbitraire, comme les sciences politiques et morales, qui vont faire une triste fin. On va voir une fameuse débâcle de bibliothèques.
Si jamais la guerre fut déplorable, c’est en ce moment ; bientôt les vainqueurs seront au niveau des vaincus. A qui serviront les conquêtes, quand le globe entier ne composera qu’une seule nation, n’aura qu’une seule administralion ? Malgré cette unité, il n’existera dans l’harmonie aucune égalité.
On pourra ménager au chef de la France l’honneur de tirer le genre humain du chaos social, d’être le fondateur de l’harmonie et le libérateur du globe, honneur dont les avantages ne seront pas médiocres, et seront transmis à perpétuité aux descendants du fondateur.
Quelques lecteurs crieront au rêve, au visionnaire. Patience ! Sous peu, nous les éveillerons eux-mêmes d’un rêve affreux, le rêve de la Civilisation. Aveugles savants, voyez vos villes pavées de mendiants, vos citoyens luttant contre la faim, vos champs de bataille et toutes vos infamies sociales. Croirez-vous après cela que la Civilisation soit la destinée du genre humain, ou bien que J.-J. Rousseau ait eu raison en disant des civilisés : « Ce ne sont pas là des hommes, il y a là quelque bouleversement dont nous ne savons pas pénétrer la cause. » (Œuvres complètes de Fourier, t. X, Manuscrits publiés par la Phalange, revue de la science sociale, 1851-1852, Paris, éditions Anthropos, 1967, p. 52-53).