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Bernard Desmars  |  mise en ligne : juin 2016

Tramaux, Joséphine


Née le 3 février 1833 à Busson (Haute-Marne). Actionnaire de l’Union agricole d’Afrique. Lectrice du Devoir et admiratrice de Godin et du Familistère. Souscrit à La Rénovation et à la statue de Fourier.


Joséphine Tramaux a une origine sociale modeste ; son père est charron, puis scieur de long et bûcheron ; sa mère est ménagère. Elle est encore recensée au sein de sa famille à Busson en 1846 ; mais elle quitte sa commune natale peu après et doit se trouver à Paris au moins dès 1848 et 1849, avant que Victor Considerant ne se réfugie en Belgique (juin 1849).

J’ai connu Monsieur V. Considerant et la plupart de ces messieurs de l’École, mes premiers deniers ont été engloutis au Texas […] J’ai connu aussi le fils de monsieur [Jean-Baptiste] Godin au collège Chaptal en 1856 [1].

Elle vit donc à Paris pendant plusieurs décennies, sans que l’on connaisse son activité professionnelle.

Elle est actionnaire de l’Union agricole d’Afrique, une société fondée par des fouriéristes lyonnais pour exploiter un domaine en Algérie, près d’Oran ; elle participe à plusieurs assemblées générales de la société du milieu des années 1860 jusqu’en 1881. Au début des années 1880, les terres et les bâtiments de l’Union sont loués à la société des Orphelinats agricoles d’Algérie, dirigée par Henri Couturier. Joséphine Tramaux est membre de cette nouvelle société ; elle figure dans la catégorie des « dames patronnesses » [2].

En 1884, elle retourne à Busson « pour soigner [ses] vieux parents » [3].

Le Familistère et Marie Moret

Joséphine Tramaux est une grande admiratrice du Familistère de Guise et de l’œuvre de Jean-Baptiste Godin. Grâce à son amie Virginie Griess-Traut, qui paie le montant de l’abonnement, elle reçoit Le Devoir, fondé par Godin en 1878.

J’ai la collection au moins de douze années sauf quelques numéros qui ne m’ont pas été rendus car je fais une active propagande.

En 1891, elle visite le Familistère de Guise et va « [s’]agenouiller au tombeau de cette grande figure, de cet homme incomparable, ce digne premier disciple du génie de Fourier », Jean-Baptiste Godin. Au jardin, elle prend une pierre qu’elle rapporte à Virginie Griess-Traut, et quelques graines de fleurs pour son propre jardin « en souvenir de ce voyage » [4].

Dans les années 1890, elle reçoit aussi l’organe fouriériste La Rénovation. Elle s’efforce de diffuser les idées phalanstériennes autour d’elle avec quelques succès. En mai 1897, La Rénovation annonce plusieurs nouveaux abonnements.

[Les] deux derniers nous viennent de deux nouveaux adhérents que l’École doit à la bienveillante propagande de Mlle Joséphine Tramaux, notre zélée condisciple [5].

Elle apporte sa contribution financière à la réalisation de la statue de Fourier (12 francs et 80 centimes). Toujours pour propager les idées phalanstériennes, elle réclame des exemplaires de la brochure distribuée en juin 1899 lors de l’inauguration du monument, afin de les diffuser dans son entourage [6]. Pourtant, dans une lettre à Marie Moret, la veuve de Jean-Baptiste Godin, elle déclare que « La Rénovation […] est loin de répondre à [ses] idées de propagande comme Le Devoir » [7]. Cependant, Virginie Griess-Traut étant décédée et ne pouvant elle-même payer l’abonnement au Devoir, Joséphine Tramaux demande en 1901 à Marie Moret de cesser de le lui adresser. Apparemment, Marie Moret lui répond, d’une part en lui envoyant désormais gratuitement le périodique, d’autre part en lui expédiant plusieurs ouvrages, dont Solutions sociales et Le Familistère illustré, ce qui suscite beaucoup d’émotion chez la bénéficiaire [8].

Joséphine Tramaux, après avoir lu le premier ouvrage, l’envoie « au gérant d’un des journaux les plus avancés du département de la Haute-Marne, L’Avant-Garde républicaine » [9] ; elle transmet le second à la « doctoresse Aisman-Volper, femme d’un grand courage et qui elle aussi a besoin de nos grandes idées pour y puiser le courage de la lutte perpétuelle contre les préjugés » [10]. Joséphine Tramaux prévoit de confier sa collection du Devoir à un patronage laïc ouvert en 1902 à Chaumont.

Je me vois vieille, 70 ans, il n’y a pas dans ma commune d’intelligence capable d’apprécier ces précieuses pages, je ne voudrais pas qu’elle tombe [sic] dans l’oubli [11].

D’ailleurs, elle envisage, après la mort de sa mère en 1902 (son père est décédé en 1890), de quitter Busson : « J’ai des intérêts matériels dans ce pays, mais aucune sympathie. Je ne sais pas encore si je resterai dans ce pays-ci » [12]. Elle est encore recensée à Busson en 1906. Mais en janvier 1908, c’est de Paris qu’elle adresse ses vœux de nouvelle année à Marie Moret [13].


Bernard Desmars

Dernière mise à jour de cette fiche : juin 2022

Notes

[1Archives du CNAM, fonds Godin-Prudhommeaux, lettre de Joséphine Tramaux à Marie Moret Godin, 20 avril 1901.

[2Orphelinats agricoles d’Algérie. Bulletin n°2, 1883, liste des « dames patronnesses ».

[3Archives du CNAM, fonds Godin-Prudhommeaux, FG 44 (2), dossier Tramaux, lettre du 20 avril 1901.

[4Archives du CNAM, fonds Godin-Prudhommeaux, FG 44 (2), dossier Tramaux, lettre du 20 avril 1901.

[5La Rénovation, 31 mai 1897, n°87. Ces deux « nouveaux adhérents » n’ont pas renouvelé leur abonnement ; ils n’apparaissent plus dans les colonnes de La Rénovation.

[6La Rénovation, n°113, 31 juillet 1899.

[7Archives du CNAM, fonds Godin-Prudhommeaux, FG 44 (2), dossier Tramaux, lettre du 20 avril 1901. On ignore si cette position est liée à la faiblesse de l’action et de l’audience de La Rénovation, ou à son orientation xénophobe et antisémite, nettement affirmée à partir de 1899-1900.

[8Archives du CNAM, fonds Godin-Prudhommeaux, FG 44 (2), dossier Tramaux, lettre du 28 avril 1901.

[9Archives du CNAM, fonds Godin-Prudhommeaux, FG 44 (2), dossier Tramaux, lettre du 6 janvier 1903.

[10Archives du CNAM, fonds Godin-Prudhommeaux, FG 44 (2), dossier Tramaux, lettre du 28 avril 1901. Raïssa Volper est russe ; elle exerce la médecine dans le canton de Saint-Blin, dont fait partie Busson. Elle est l’épouse d’un artiste peintre, également russe, David Aisman (Archives départementales de la Haute-Marne, recensement de Saint-Blin, 1901).

[11Archives du CNAM, fonds Godin-Prudhommeaux, FG 44 (2), dossier Tramaux, lettre du 6 janvier 1903.

[12Archives du CNAM, fonds Godin-Prudhommeaux, FG 44 (2), dossier Tramaux, lettre du 6 janvier 1903.

[13Archives du CNAM, fonds Godin-Prudhommeaux, FG 44 (2), dossier Tramaux, lettre du 1er janvier 1908.


Ressources

Source :
Archives du CNAM, fonds Godin-Prudhommeaux, FG 45 (2), correspondance reçue par Marie Moret Godin, lettres de Joséphine Tramaux, 1901, 1903 et 1908.
Archives départementales de la Haute-Marne, état civil de Busson, acte de naissance (en ligne sur le site des Archives de la Haute-Marne, vue 172/244).
Archives départementales de la Haute-Marne, état civil de Busson, acte de décès de Claude Pierre Tramaux, père de Joséphine Tramaux, 24 octobre 1890 (en ligne sur le site des Archives de la Haute-Marne, vue 47/113).
Archives départementales de la Haute-Marne, état civil de Busson, acte de décès de Libaire Gentil, mère de Joséphine Tramaux, 17 décembre 1902 (en ligne sur le site des Archives de la Haute-Marne, vue 110/113).
Archives départementales de la Haute-Marne, recensement de la population de Busson, 1846 (en ligne sur le site des Archives de la Haute-Marne, vue 3/7).
Archives départementales de la Haute-Marne, recensement de la population de Busson, 1886 (en ligne sur le site des Archives de la Haute-Marne, vue 2/6).
Archives départementales de la Haute-Marne, recensement de la population de Busson, 1901 (en ligne sur le site des Archives de la Haute-Marne, vue 3/6).
Archives départementales de la Haute-Marne, recensement de la population de Busson, 1906 (en ligne sur le site des Archives de la Haute-Marne, vue 3/5).
Archives départementales de la Haute-Marne, recensement de la population de Saint-Blin, 1901 (en ligne sur le site des Archives de la Haute-Marne, vue 7/12).
La Rénovation, n°87, 31 mai 1897 ; n°107, 31 janvier 1899 ; n°112, 30 juin 1899 ; n°113, 31 juillet 1899.
Bulletin de l’Union agricole d’Afrique, 1865-1880.
Orphelinats agricoles d’Algérie. Bulletin n°2, 1883.


Index

Lieux : Busson, Haute-Marne - Paris, Seine

Notions : Familistère - Familistère de Guise - Femmes (genre) - Orphelinats agricoles d’Afrique - Presse - Propagande - Société du Texas - Statue - Union agricole d’Afrique

Pour citer cette notice

DESMARS Bernard, « Tramaux, Joséphine », Dictionnaire biographique du fouriérisme, notice mise en ligne en juin 2016 : http://www.charlesfourier.fr/spip.php?article1740 (consultée le 5 février 2023).

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