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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

113-115
Elie During et Laurent Jeanpierre (dir.), « Fourier revient », Critique, 812-813, janvier-février 2015.
Article mis en ligne le 1er février 2016

par Guillaume, Chantal

Le fil conducteur des articles de ce numéro de la revue Critique, c’est que Fourier revient ou plutôt n’en finit pas de revenir car à chaque époque des lecteurs curieux redécouvrent avec jubilation la singularité de cette œuvre, de cette pensée hors normes. Fourier nous revient comme féministe, comme théoricien du queer, ou comme écologiste visionnaire, écoprophète. Ce numéro rassemble la constellation des réceptions historiques de l’œuvre : Fourier et le surréalisme, Fourier et les penseurs du désir dans les années 1960-80, Fourier et le modernisme architectural. Le présupposé de ces lectures contemporaines c’est que l’on ne peut pas séparer, tronçonner la métaphysique fouriériste, la morale, la libération des passions et l’économique. Il faut aussi lire cet extravagant penseur en intégrant ses méthodes de pensée : l’analogie, la partition musicale, le doute et l’écart absolu. Ce numéro contient d’ailleurs un texte inédit de Fourier « l’analogie fâcheux oracle de vérité », réjouissant par sa drôlerie dans sa recherche des correspondances entre les règnes humain, animal, végétal. Imaginez l’analogie entre la rave et le gros paysan, l’amour et le chou. Un certain nombre de membres de notre association ont contribué à ce numéro : Thomas Bouchet, Loïc Rignol, Patrick Samzun, Louis Ucciani. L’ensemble de ces articles témoigne de lectures renouvelées de l’œuvre de Fourier. En explorant les expérimentations amoureuses de Fourier qui seraient comme des partitions pour faire ses gammes, Patrick Samzun finit par les mettre en relation avec les flux et réseaux sociaux du cyberespace. Anthony Vidler questionne le modernisme architectural du phalanstère et qualifie cette logique spatiale et urbaine pour son éclectisme de post-moderne. Thomas Bouchet nous emmène dans la géographie érotique de Fourier, dans les contrées les plus lointaines où se confirme le nomadisme libidinal de ce nouveau monde amoureux. Tout se tient chez Fourier, comme nous le démontre l’article d’Antoine Hatzenberger consacré à sa philosophie de l’éducation, à la croisée du politique et du domestique. Michel Lallement nous rappelle que le fouriérisme résiste mal à l’épreuve du réel, dans l’expérience de Réunion au Texas sous l’égide de Considerant ; le travail en harmonie reste une promesse et un idéal. Joël Gayraud nous montre combien André Breton a contribué au rayonnement de la pensée de Fourier : l’Ode à Charles Fourier renoue avec la dimension de rêve du socialisme ; le surréalisme saura développer cette pensée analogique si centrale dans la méthode de lecture du réel de Fourier. Comme le montre Loïc Rignol, Dieu a voulu selon Fourier ces correspondances qui relient nature, cosmos et passions humaines – le code des attractions passionnées est divin. Louis Ucciani se questionne sur la révolution sexuelle trahie dans un bavardage et une spectacularisation du sexe qui transforment le projet de libération en salace et en pornographie. Il invite à relire Le Nouveau Monde amoureux en insistant sur les subtilités de l’amour en matériel et en spirituel chez Fourier. Il nous livre aussi un rapprochement intéressant entre Fourier et la philosophie du désir de Deleuze. Enfin, ce numéro se termine par un bel entretien-hommage avec René Schérer. On y lit comment le philosophe spécialiste de Husserl a rencontré Fourier et est resté attiré « par cet objet flottant, ce météore suspendu ». René Schérer montre combien est féconde cette utopie nomade qui dépasse les concepts de Marx, déplace les affects, ouvre sur tous les possibles. Il n’a cessé de lire Fourier, de renouveler son approche pour condamner toute lecture réductrice et cloisonnée.