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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Foucou (ou Fouquou), Félix Joseph
Article mis en ligne le 24 décembre 2015

par Desmars, Bernard

Né en février 1831, à Cayenne (Guyane). Décédé en 1870 aux Etats-Unis. Officier de marine, ingénieur civil, puis collaborateur de périodiques scientifiques et techniques. Rédacteur de la Revue moderne, un périodique fouriériste. Participant aux banquets phalanstériens de 1865 et 1866.

Les origines de Félix Joseph Foucou sont difficiles à établir. Il a d’abord porté le patronyme de sa mère, Fougeron. Selon un proche parent, son père « n’a jamais eu d’enfant légitime de son épouse, mais seulement le jeune Fouquou [sic] d’une concubine, ce qui l’a empêché de le reconnaître » ; cependant, le père est nommé tuteur par le conseil de famille et lui transmet finalement son nom [1].

Félix Joseph Foucou entre à l’École navale de Brest en octobre 1846. Son attitude fait l’objet de remarques défavorables dans ses bulletins : en janvier 1847, il fournit certes un « travail […] généralement satisfaisant », mais « la conduite de cet élève a été fort répréhensible » et il fait l’objet de nombreuses punitions ; en avril suivant, son comportement « n’est pas exempt de reproches et depuis quelque temps il se néglige sous le rapport du travail » ; un an plus tard, « la conduite de cet élève est loin d’être bonne et il travaille fort peu » [2]. A l’issue de sa formation, il devient aspirant de seconde classe (août 1848), puis de première classe (septembre 1850). Les remarques de ses supérieurs sont désormais élogieuses :

Mr. Fouquou a été embarqué sous mes ordres pendant six mois ; j’ai été fort satisfait de sa conduite, de sa tenue et de sa manière de servir (capitaine de frégate Preudhomme de Borre, commandant Le Volage, 10 mars 1849).
Conduite et moralité excellentes. De l’aptitude à la navigation à voile. Bonnes dispositions (capitaine de vaisseau Favin-Lévêque, commandant La Pomone, 1849).
Conduite, moralité et santé bonnes. Capable pour la marine à voile ; paraît être bon instructeur de canonnage. Intelligent (capitaine de vaisseau Larrieu, commandant L’Iéna, 15 octobre 1850) [3].

Pourtant, en avril 1852, alors qu’il est à bord de La Pandore, en rade de Constantinople, il envoie sa démission au ministre de la Marine en avançant « des considérations supérieures » qui l’amènent « à renoncer à la carrière maritime » [4]. Selon une note du Bureau des affaires militaires et civiles, Foucou

n’agit pas dans cette circonstance en jeune étourdi, mais avec la réflexion d’un homme fait qui se sent de l’antipathie pour la carrière militaire qu’il a embrassée [5].

Quelques années plus tard (vers 1855), alors qu’il demande à reprendre du service dans la marine, il déclare avoir démissionné en 1852 en raison de l’état de santé de son père, alors très malade et depuis décédé [6]. Enfin, selon plusieurs nécrologies parues en 1870, son départ de la Marine serait lié à son refus de prêter serment au chef de l’État, après le coup d’État du 2 décembre 1851 [7].

Ingénieur civil, inventeur et journaliste

Après sa démission, Foucou se livre à des opérations boursières, qui lui valent d’être traduit devant le tribunal correctionnel de Paris, pour escroquerie : il aurait, avec des complices, soustrait à une femme plusieurs centaines de francs en lui promettant d’importants gains. D’abord condamné à trois mois de prison et à 100 francs d’amende, il est relaxé par un arrêt de la cour de Paris [8].

Sans doute, envisage-t-il ensuite travailler dans la marine marchande. Vers 1855, il demande un brevet de capitaine au long cours. On ignore les résultats de ses démarches, mais il ne paraît pas avoir navigué dans les années suivantes [9].

Dans la seconde moitié des années 1850, il se présente généralement comme ingénieur civil ; il collabore à diverses revues et en particulier à des organes scientifiques. Il signe notamment le compte rendu des séances de la Société impériale et centrale d’agriculture dans L’Ami des sciences, fondé par son condisciple Victor Meunier.

Il fait partie des rédacteurs de la Revue moderne, un éphémère périodique fouriériste paru de juillet 1857 à février 1858. Il est chargé de la partie scientifique et présente ainsi ses objectifs :

explorer en entier le domaine des sciences dans leurs applications au bien-être matériel et moral de l’homme ; rechercher, dans cette exploration, tout ce qi qui est de nature à porter témoignage de l’admirable unité de plan qui distingue notre univers ; étudier surtout chaque progrès réalisé, non seulement au point de vue des desiderata auxquels il vient satisfaire, mais encore par rapport aux promesses qu’il renferme et aux espérances qu’il éveille en nous ; - en nous, c’est-à-dire en tous ceux qui aiment et cultivent la science parce qu’elle est le seul bien, quand l’ignorance est le seul mal [10].

En 1857 également, il lance un hebdomadaire, Le Bibliophile. Journal de bibliographie universelle qui promet de rendre « compte des livres les plus intéressants au fur et à mesure de leur publication, soit en France, soit à l’étranger », sur les sujets les plus divers : « Voyage, histoire, littérature familière, philosophie, sciences, beaux-arts, œuvres de théâtre, poésie, romans, nouvelles » [11]. Douze numéros paraissent de juillet à octobre, Foucou assure les fonctions de rédacteur en chef et signe un grand nombre de comptes rendus.

Il fait des cours et des conférences : en 1859, le Bulletin du mouvement sociétaire signale un cours sur la révolution scientifique du XVIIIe siècle dispensé dans le cadre des conférences du Cercle Malaquais par « un de nos amis » [12].

Il est l’auteur de plusieurs inventions, notamment d’un « fumivore », appareil destiné à réduire la fumée et les gaz dégagés par les appareils de chauffage.

Au début des années 1860, il participe activement à la rédaction de La Presse scientifique et industrielle des deux mondes lancé par Jean-Augustin Barral ; il assure aussi le secrétariat du Cercle de la presse scientifique, également créé par Barral. A la même époque, on retrouve sa signature dans la Nouvelle Revue de Paris, avec un article sur les glaciers [13]. En 1866, il est rédacteur à L’Avenir national, un quotidien républicain, anticlérical et manifestant des sympathies pour le socialisme. Il est admis à la Société de géographie en 1867 [14] ; très intéressé par les recherches sur la navigation aérienne [15], il est membre de la Société d’aviation créée par Nadar [16]. Il participe aussi aux travaux de la Société internationale des études sociales fondée par Frédéric Le Play ; il intervient notamment en séance en faveur de l’émigration européenne et du travail des femmes, y compris à l’extérieur du foyer ou de l’atelier domestique [17]. Il fait également partie de la Société des ingénieurs civils, de la Société d’acclimatation et de la Société médicale homœopathique de France ; il défend l’homéopathie dans les colonnes de L’Avenir national [18].

Au milieu des années 1860, François Barrier essaie de réorganiser l’École sociétaire. Il reprend la tradition des banquets phalanstériens du 7 avril, interrompue depuis le début des années 1850. Foucou participe en 1865 et 1866 à cette manifestation qui commémore la naissance de Fourier, mais qui a aussi pour but de rassembler les fouriéristes dispersés et de témoigner de la renaissance du mouvement fouriériste. Son engagement en faveur de l’École sociétaire ne semble pas aller plus loin. Il ne collabore pas à La Science sociale et il ne prend pas d’action dans la société qui exploite la Librairie des sciences sociales.

Il fait paraître en 1868 une Histoire du travail, « un des livres les plus remarquables de notre temps », selon Le Temps et le Grand Dictionnaire universel de Pierre Larousse [19]. Dans cet ouvrage, il célèbre les sciences expérimentales et l’avènement de la civilisation industrielle qui va s’emparer du globe, les entreprises industrielles devant peu à peu remplacer les entreprises militaires.

Dans la seconde moitié des années 1860, il s’intéresse plus particulièrement aux recherches concernant le pétrole et les « huiles minérales ». En 1865, il présente une communication à la Société des ingénieurs civils sur « le gisement de pétrole des Karpathes » [20]. Il est l’auteur de plusieurs articles dans la Revue des deux mondes sur le pétrole [21]. Avec l’appui du chimiste Sainte-Claire Deville, il est chargé de missions de recherches sur les gisements pétroliers et sur les usages du pétrole [22]. Il est très attentif à ce qui se passe aux États-Unis où il effectue plusieurs séjours ; selon plusieurs sources, il se fait naturaliser américain [23]. Il est impressionné par les potentialités de ce pays neuf. En 1866 :

je dus faire un long voyage en Amérique du Nord, où il me fut donné d’observer, sur des proportions qui m’étaient inconnues, le double travail de la Nature et de l’Homme [24].

Il y retourne en 1870 afin d’étudier les ressources et les exploitations pétrolifères. Au cours de ce voyage, il est victime « d’une maladie presque foudroyante » [25]. Il meurt « dans une maison de santé » à New York, précise le quotidien Le Temps, selon lequel « la science et la démocratie française viennent de faire une véritable perte » [26].