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Lembert, Louis-Léopold
Article mis en ligne le 19 janvier 2015
dernière modification le 2 février 2015

par Sosnowski, Jean-Claude

Né le 21 avril 1811 à Saint-Genis-Laval (Rhône). Correspondant de l’Union harmonienne à Lyon pour l’année 1840. Répétiteur et préparateur de chimie puis médecin et pharmacien homéopathe à Lyon.

Louis-Léopold Lembert épouse Jeanne Blanc le 2 mai 1835. Son père Jean-Philippe Lembert est décédé et sa mère Jeanne Rave est alors garde-malade. Jusqu’au recensement de 1847, Lembert est domicilié 11 rue Longue, école La Martinière à Lyon où il est répétiteur et préparateur de chimie industrielle. Son épouse décède le 31 janvier 1872 ; il se remarie le 15 juin suivant avec Anne Crassard, née le 24 novembre 1835.

Inventeur, il est l’auteur d’un « mémoire pour l’application découverte par lui du jaune de chrôme [sic] sur la soie et pour celle des couleurs métalliques en général » [1]. Le 16 décembre 1850, à la faculté de Montpellier, il soutient une thèse de médecine : Essai sur les causes providentielles considérées dans leurs rapports avec l’art de guérir. Néanmoins, en 1853, il est encore recensé comme professeur de chimie au 25 rue de la Gerbe. Cette même année, il dépose conjointement avec François Tabourin un brevet d’invention pour un procédé de décomposition des eaux savonneuses des ateliers de teinture de soie afin d’en retirer la matière grasse. En 1856, la Société d’agriculture de Lyon, au sein de laquelle il expose quelques-unes de ses expériences de chimiste, le qualifie de docteur et professeur de chimie. Il acquiert une renommée de médecin homéopathe. Durant l’hiver 1866, il donne une série de conférences sur le sujet. Un journaliste détracteur lui fait dire qu’ :

il est de l’homoeopathie comme de la franc-maçonnerie. L’une et l’autre ont une doctrine exotérique, doctrine triviale, pleine de prestige et d’erreurs, habilement jetée en pâture à la vaine curiosité du vulgaire, et une doctrine sublime qui ne s’écrit point et ne s’enseigne que dans des réunions mystérieuses, loin de tout regard profane […]. […] l’homoeopathie, fille de Dieu, est la souveraine de l’avenir ; voilà pourquoi les homoeopathes seuls ont reçu la mission de soulager et consoler les exilés de l’Eden [2].

Ses interventions se poursuivent jusqu’en avril 1868. Le Progrès de Lyon du 2 avril 1868 annonce pour le jour même sa 17e et dernière conférence, au palais Saint-Pierre : « il terminera de réfuter les objections que l’on fait aux doses infinitésimales ». En 1874, il tient une pharmacie homéopathique, 45 rue de Lyon (ou ancienne rue Impériale, rue de la République), à Lyon où est commercialisé « un traitement homoeopathique par les perles médicamenteuses du docteur L. L. Lembert » [3].

Louis-Léopold Lembert est membre de l’Union harmonienne au moins depuis 1838 et en est correspondant pour l’année 1840 ; il adresse plusieurs courriers à La Correspondance harmonienne qu’il signe sous le pseudonyme « le Marmiton » ; il s’en prend à Constantin Prévost qu’il accuse de dévoyer la pensée du maître dans ses recherches analogiques sur les « sept sensations » [4] :

il ne fallait pas parler du maître et se poser comme disciple, ainsi que vous l’avez fait dans l’article Génération de l’ouvrage, où vous faites votre profession de foi. - C’est après être devenu phalanstérien que vous avez fait vos découvertes importantes, c’est Fourier qui a envoyé le matamore dans votre cerveau, pour y faire table rase, c’est encore à Fourier que vous devez l’éclosion de Mlle Analogie. - Et si le matamore, après avoir brisé le ménage l’a remplacé par un autre qui ne vaut pas mieux ; si après avoir couvert de baisers Mlle analogie, l’avoir échauffée contre votre poitrine, lui avoir donné à téter ; vous l’avez violée d’abord pour ne pas être son St Joseph, comme vous l’aviez été de votre folle ; puis ensuite si, impatient de voir qu’elle ne produisait pas assez vite le fruit tant désiré de vos amoureux transports, vous l’avez prise à la gorge, vous lui avez pressé [illisible] pour la faire avorter d’un petit monstre de nombre six accompagné d’un espèce de supplément qui fait sept et qui appliqué à vos recherches vous a donné six sens et une sensation ou supplément […] ; mais la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a, Mlle analogie comme les autres. Si enfin c’est Fourier qui vous a poussé à toutes ces monstruosité que penseront les personnes qui liront votre livre […] ? Il diront que Fourier est un fou, un ergoteur, un maniaque, un utopiste & qui a fait des fous, des agioteurs &.

Lembert organise son discours selon une analogie gastronomique et propose une argumentation en « deux services et dessert » afin de démonter la théorie énoncée par Prévost. Sa contribution se veut toujours fraternelle et humoristique. Ainsi, en janvier 1839 [5], il donne une réponse à la question récurrente posée par le centre de l’Union harmonienne dans sa Correspondance :

Quelle doit être la propagation harmonienne qui n’a été jusqu’à ce jour qu’individuelle, au lieu d’avoir un caractère social ?

Aux groupes de propagateurs que les uns ou les autres déterminent selon leur réflexion, il envisage d’adjoindre tout d’abord aux « propagateurs théoriques » ceux qu’il nomme « les Gadouards » [6], pseudonyme par lequel il surnomme Prévost :

[…] il y a des gens qui sont partout où il y a une corvée répugnante à faire ; gens qui rendent de grands services à la masse et pourtant la masse s’en éloigne, parce qu’ils répandent autour d’eux une odeur qui rappelle trop leur fonction (il est vrai qu’ils pourraient bien changer d’habillement & prendre un bain avant de se produire en société) ; Ces gens là sont cocasses capricieux, ils font et défont, brouillent et harmonisent, boudent quand on veut leur faire des observations, ou s’ils disent quelque chose ce ne sont pas des douceurs ; ils sont entêtés comme des mulets, ils ont mauvaise tête et bon cœur, ils ont de la folie & de la sagesse, ils ont … ma foi ils ont ce dont il a plu au Créateur de les douer. Ceux-là sont les Gadouards, vous connaissez le chef de la bande. Tiens, je le vous qui sourit. Dis-donc, mon vieux grognard, qu’est-ce que çà signifie de bouder comme cela ? Une poignée de main & reprenons notre gaieté & fff… Diable les phalanstériens sont de bons enfants.

Lembert ne s’exclut pas du tableau et poursuit :

A côté de ces derniers, il en est d’autres qui font de tout & de rien, ils sont bons à toutes les sauces, pourvu que cela ne soit pas toujours à la même, & sont excessivement tolérants, font de superbes plans de châteaux, pensant bien qu’ils ne les réaliseront jamais ; […] Ceux-là n’ont pas de volonté […] pas de goût décidé ils aiment tout, rient & se moquent de tout, même d’eux-mêmes ; ils sont toujours de bonne humeur & n’ont jamais de bonne grâce. Ceux-là j’ai bien envie de les appeler Marmitons (sauf meilleurs avis).

La polémique née du silence d’un grand nombre de membres de l’Union harmonienne le conduit à définir un dernier groupe dont il réclame la disparition :

Enfin, j’en connais qu’il est impossible de définir […]. Sont-ce des œufs de larves ou des chrisalides [sic] ? Attendent-ils qu’un rayon de soleil vienne les faire éclore ? Nous l’ignorons ; ce que nous savons, c’est qu’ils ne parlent pas ; ils sont comme des bûches & je propose de leur appliquer cette dernière dénomination. Mais je vous préviens, que je vote l’abolition de ces je ne sais quoi ou leur prompte éclosion, quand ce devrait être des puces, des cousins, ou tout autre insecte incommode, parce qu’au moins nous saurions à quoi nous en tenir sur leur compte & par conséquent où les placer

Il intervient également lors du banquet organisé par le Groupe phalanstérien des travailleurs de Lyon en avril 1840 et prononce un discours où il oppose

aux tentatives de renversement violent de l’ordre des choses existant […] le drapeau de l’harmonie et de l’unité […] pacificatrice et organisatrice dans le sein de laquelle doit se fondre un jour l’humanité pour ne plus former qu’une grande famille libre et heureuse. […] Le Principe fondamental, la base de cette unité, c’est l’industrie, c’est le travail rendu attrayant par une organisation tout opposée à l’organisation actuelle de cette même industrie, de ce même travail. Il importe donc de faire savoir aux masses que ce n’est pas par des luttes sanglantes que l’humanité doit être régénérée, les luttes sanglantes détruisent, mais n’organisent pas [7].

Il poursuit et développe le principe de

répartition équitable des produits en raison de ce que chacun aura fourni en travail, en capital (autrement dit en matière première) et en talent. C’est donc au talent à diriger cette organisation, au capital à donner les moyens de l’effectuer, mais ce n’est qu’au travail qu’en est réservé l’accomplissement.

Afin de sortir les travailleurs de leur

état d’ignorance […] c’est donc à nous, leurs frères en humiliations et en souffrances, à nous qui connaissons ce système, à le leur communiquer.

Il appelle à

la propagation de la théorie de Charles Fourier et […] invite chacune des personnes présentes à faire tous leurs efforts pour activer cette propagation qui est le seul moyen d’arriver à la réalisation.

Par la suite, il reste en contact avec le mouvement sociétaire. Il est parmi les destinataires du compte rendu annuel des activités de la Société agricole et industrielle de Beauregard (Vienne) de Couturier sans pour autant, d’après les sources connues, en être actionnaire. En fin d’année 1872, sa nouvelle épouse et lui-même souscrivent un abonnement au Bulletin du mouvement social.