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Jean-Claude Sosnowski  |  mise en ligne : novembre 2014

Brun, Claude-François


Né en 1799 à Lyon (Rhône). Officier de santé, médecin, pharmacien, droguiste à Lyon. Convive de banquets phalanstériens à Lyon en 1845 et en 1846. Membre du Comité polonais de la réforme à Lyon en 1846. Membre du club de l’Egalité à Lyon en 1848. Franc-maçon.


Lors du banquet anniversaire de la naissance de Fourier d’avril 1845 organisé par le Groupe phalanstérien des travailleurs de Lyon, Brun improvise un discours et aborde « les plus hautes questions de métaphysique qui se rattachent à l’homme en société » [1]. Le 15 avril 1846, il semble que cela soit également lui qui participe au banquet d’anniversaire de la naissance de Fourier organisé par le nouveau groupe phalanstérien lyonnais mis en place autour de médecins et chirurgiens comme Barrier, Imbert, Coutagne, Bouchet, Fouilhoux et d’avocats comme Juif et Morellet. Le groupe s’appuie sur le journal lyonnais L’Écho de l’industrie, « élevé par la Démocratie pacifique pour être l’organe du Fouriérisme à Lyon » [2] et dont Eugène Fabvier est rédacteur en chef.

Même s’il n’est cité que par son patronyme lors de ces deux événements, il est probablement Claude-François Brun herboriste, droguiste en détail, médecin et pharmacien, installé rue Saint-Georges à Lyon depuis 1831. Marié, il a un enfant. En août 1842, placé devant l’obligation de régulariser ses diplômes, il demande enfin l’autorisation d’exercer dans le département du Rhône et une remise des frais d’une nouvelle réception devant le jury médical du Rhône. Il est établi au 43 de la rue où il est recensé comme herboriste. Il déclare n’avoir qu’un diplôme d’officier de santé obtenu dans le département de l’Ain mais exercer la médecine « depuis onze année dans un des quartiers le plus pauvre de la ville de Lyon […] ». Il poursuit : « j’ai coopéré par mes soins a [sic] détruire cette pépinière de tous les maux qui existait dans le quartier de St Georges […]. [...] au moment où le choléra était en France, je m’enrôlais un des premiers dans la septième section sanitaire de Lyon, pour combattre le fléau, que l’on craignait de voir s’abattre sur cette cité […] » [3]. Il souligne pour terminer : lors « des journées de 9bre [1831], j’étais fourrier de la garde nationale ; cette garde s’était débandée. […] seul de tous les chefs, je la réorganisais dans mon quartier pour paralyser les insurgés, et j’y réussi [sic] plainement [sic] ; ce fait est authentique, il peut être prouvé par le préfet de l’époque et par ses conseillers [...] ». Si les renseignements recueillis sur la conduite de l’intéressé par le préfet du Rhône interrogé par le ministre « sont d’une nature favorable » [4], il souligne que « toutefois, il a été impossible de recueillir des renseignements positifs sur sa conduite à Lyon, pendant les journées d’avril 1834 » alors que Brun rappelait son rôle en 1831. Lors des procès de l’insurrection de 1834 devant la Cour des Pairs, Brun a témoigné à propos de l’explosion survenue dans la pharmacie Offroy, située face à ses appartements, 50 rue Saint-Georges. Offroy est accusé d’appartenir à la Société des Droits de l’Homme, et d’avoir fabriqué de la poudre dans son officine. Brun a affirmé n’avoir « rien vu de remarquable chez cet accusé durant l’insurrection » [5]. Il a nié avoir entendu l’explosion alors que son témoignage initial semblait affirmer par deux fois le contraire. Il est avéré que tous les deux se connaissent. Jusqu’en 1833, Brun assurait une consultation gratuite dans le quartier et Offroy fournissait les traitements sans bénéfice [6]. Si tous les faits relatés par Brun ne peuvent être attestés, cet événement n’est pas invoqué par le Ministère qui s’appuie sur une « bonne conduite [de] notoriété publique » [7] pour l’autoriser à exercer la médecine jusqu’à la première réunion du jury médical du Rhône.
Lors du recensement de 1843, Brun est toujours qualifié de droguiste en détail. En janvier 1846, il annonce qu’il ouvre « un cours qui aura pour objet de présenter la connaissance élémentaire de ce qui concerne le corps de l’homme, relativement à son organisation et au mécanisme de ses fonctions et à la théorie de la formation de ses maladies » [8]. Il s’agit d’observer les lois qui régissent le fonctionnement du corps humain « selon le but que s’est proposé le créateur » afin de rechercher les causes des « vicissitudes » de l’humanité. Il se présente comme professeur, son cabinet de consultation se situe au 3 rue des Quatre chapeaux, et il tient toujours une pharmacie 43 rue Saint-Georges. Il se dit également inventeur et fabricant d’un médicament permettant de surmonter « les affections organiques du système urinaire » [9]. C’est encore probablement lui qui collabore parfois à La Tribune lyonnaise [10]. En mai, c’est à ce titre qu’il devient membre du Comité polonais de la réforme établi à Lyon et chargé d’assurer une souscription et de la « faire arriver dans le plus modeste atelier, la plus humble chaumière » [11].
En février 1847, il préside le comité Bourdy, du nom d’un ouvrier en soie poursuivant les Hospices de Lyon pour non respect d’un testament du 24 mars 1701 au profit, entre autres, des enfants pauvres orphelins de la paroisse de Belleville. Il est aussi membre du bureau du Comité de l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises que préside Gudin. Brun est également franc-maçon. En janvier 1847, à la loge La Candeur (Orient de Lyon, Grand Orient de France), il souligne les devoirs du franc-maçon :

N’avons-nous pas, en vertu de notre caractère maçonnique de bien plus grands devoirs à remplir ? Oui, mes frères, nos devoirs sont imposants, car ils ont pour objet de combattre le vice, de le démasquer, de le poursuivre à outrance et de faire triompher la vertu. La maçonnerie enveloppe dans son vaste domaine tous les attributs qui touchent à l’organisation, aux fonctions et au bonheur de l’humanité [12]

Il ne fait probablement qu’un avec Claude Brun, l’un des fondateurs de la loge travaillant au rite écossais ancien et accepté, Les Amis des Hommes, à l’Orient de Caluire (Rhône), loge affiliée au Suprême Conseil de France et établie officiellement le 9 mars 1848 [13] et à laquelle appartiennent Reynier et Desmard.

En mars 1848, Brun, « médecin-pharmacien » est membre du bureau provisoire du Club de l’Égalité club regroupant de nombreux phalanstériens [14]. Alors que Pezzani est accusé d’avoir manifesté pour le maintien de la statue de Louis XIV [15], Brun se voit quant à lui interdire « arbitrairement » l’accès comme délégué au Club central, car « dénoncé sous le prétexte futile et mensonger » selon La Tribune lyonnaise, d’avoir appartenu à la société de Saint-François-Xavier. La Tribune lyonnaise poursuit en indiquant que « le patriotisme du citoyen Brun est assez connu pour n’avoir reçu aucun échec de l’acte inqualifiable du club central » [16]. Très mystique, il intervient en juillet 1848 au club démocratique de Saint-Georges et développe un discours sur la perfectibilité humaine s’appuyant sur la pensée de Pierre Leroux [17].


Jean-Claude Sosnowski

Dernière mise à jour de cette fiche : janvier 2023

Notes

[1« Groupe phalanstérien des travailleurs de Lyon », La Tribune lyonnaise, mai 1845, p. 17.

[2« Fouriérisme », La Tribune lyonnaise, mai 1846, p. 24.

[3Archives nationales, F/17/4524, demande d’exercice de la médecine par Brun, officier de santé à Lyon, rue Saint-Georges, au ministre de l’Instruction publique, 26 août 1842.

[4Archives nationales, F/17/4524, rapport du préfet du Rhône au Ministre de l’Instruction publique, 30 septembre 1842.

[5Procès des accusés d’avril devant la Cour des Pairs publié de concert avec les accusés, tome 4, Paris, Pagnerre, 1835, p. 131.

[6L’Écho de la fabrique, journal industriel et littéraire de Lyon, 9 juin 1833, p. 187.

[7Archives nationales, F/17/4524, brouillon de lettre du Ministère de l’Instruction publique adressée à Brun, octobre 1842.

[8L’Écho de l’industrie, journal des intérêts des travailleurs et de la fabrique lyonnaise, 3 janvier 1846, p. 4

[9Le Censeur, journal de Lyon, 30 janvier 1848, p. 4.

[10« Ignorance de la loi de Dieu, source des maux de l’humanité », La Tribune lyonnaise, juin 1846, pp. 43-44.

[11« Souscription polonaise », La Tribune lyonnaise, mai 1846, p. 1.

[12« Franc-maçonnerie », La Tribune lyonnaise, mars 1847, p. 9.

[13Anthea Chenini, Les Amis des Hommes, une loge lyonnaise subversive ? Histoire de la fabrique d’un fantasme du régime bonapartiste et de sa déconstruction (1848-1865), Mémoire de séminaire à l’Institut d’Études Politiques de Lyon, 2011-2012, p. 14.

[14Le bureau est composé ainsi : l’avocat phalanstérien Pezzani, président ; vice-présidents, Marius Chastaing et l’avocat Revol ; secrétaires : l’avocat Robin, le clerc de notaire Bourchany, l’artiste Jourdan , Devert ; membres du bureau : Brun, médecin-pharmacien, le plieur de fabrique, Coiffier, le courtier Collavon et les tisseurs Glénat et Montmittonet. La Tribune lyonnaise, mars 1848, p. 15.

[15Jean-Claude Sosnowski, « Charles (-Simon-) Frédéric Devert », Dictionnaire biographique du fouriérisme, notice mise en ligne en mars 2014 : http://www.charlesfourier.fr/spip.php?article1299

[16La Tribune lyonnaise, 25 juillet 1848, p. 59.

[17Ibidem.


Ressources

Œuvres

« Ignorance de la loi de Dieu, source des maux de l’humanité », La Tribune lyonnaise, juin 1846, pp. 43-44.

Sources

Archives nationales, F/17/4524, « dossier Brun, officier de santé depuis 1831 à Lyon, rue Saint-Georges (Rhône), demande d’autorisation d’exercer dans ce département et remise des frais d’une nouvelle réception », 1842.
Archives municipales de Lyon, 921 WP 165 recensement, 5e arrondissement, 1834 pour 1835, 4e section, rue Saint-Georges (en ligne sur le site des Archives municipales de Lyon, vue 109).
Archives municipales de Lyon, 921 WP 226 recensement, 5e arrondissement, 1842 pour 1843, 4e section, rue Saint-Georges (en ligne sur le site des Archives municipales de Lyon, vue 79).
Archives municipales de Lyon, 921 WP 235 recensement, 5e arrondissement, 1843 pour 1844, 4e section, rue Saint-Georges (en ligne sur le site des Archives municipales de Lyon, vue 151).
Archives municipales de Lyon, 921 WP 242 recensement, 5e arrondissement, 1844 pour 1845, 4e section, rue Saint-Georges (en ligne sur le site des Archives municipales de Lyon, vue 52).
Archives municipales de Lyon, 921 WP 250 recensement, 5e arrondissement, 1845 pour 1846, 4e section, rue Saint-Georges (en ligne sur le site des Archives municipales de Lyon, vue 57).
Archives municipales de Lyon, 921 WP 259 recensement, 5e arrondissement, 1846 pour 1847, 4e section, rue Saint-Georges (en ligne sur le site des Archives municipales de Lyon, vue 119).
Archives municipales de Lyon, 921 WP 265 recensement, 5e arrondissement, 1847 pour 1848, 4e section, rue Saint-Georges (en ligne sur le site des Archives municipales de Lyon, vue 61).
Archives municipales de Lyon, 921 WP 263 recensement, 4e arrondissement, 1847 pour 1848, 3e section, rue Quatre-Chapeaux (en ligne sur le site des Archives municipales de Lyon, vue 57).
L’Écho de la fabrique, journal industriel et littéraire de Lyon, 9 juin 1833, p. 187 (en ligne sur la Bibliothèque numérique de Lyon, Numelyo).
Procès des accusés d’avril devant la Cour des Pairs publié de concert avec les accusés, tome 4, Paris, Pagnerre, 1835, pp. 131-132 (en ligne sur Google livres).
Affaire du mois d’avril 1834. Procès-verbal des séances relatives au jugement de cette affaire, tome troisième comprenant la seconde partie des débats publics et des délibérations en Chambre du Conseil du 16 novembre 1835 au 23 janvier 1836, (n° 136-190), p. 1411 et p. 1443, Paris, impr. Crapelet, 1835 (en ligne sur Sénat.fr).
« Groupe phalanstérien des travailleurs de Lyon », La Tribune lyonnaise, mai 1845, pp. 16-17 (en ligne sur la Bibliothèque numérique de Lyon, Numelyo).
L’Écho de l’industrie, journal des intérêts des travailleurs et de la fabrique lyonnaise, 3 janvier 1846, p. 4 (en ligne sur la Bibliothèque numérique de Lyon, Numelyo).
« Fouriérisme », La Tribune lyonnaise, mai 1846, p. 24 (en ligne sur le site de la Bibliothèque numérique de Lyon, Numelyo).
« Souscription polonaise », La Tribune lyonnaise, mai 1846, p. 1 (en ligne sur le site de la Bibliothèque numérique de Lyon, Numelyo).
« Ignorance de la loi de Dieu, source des maux de l’humanité », La Tribune lyonnaise, juin 1846, pp. 43-44 (en ligne sur le site de la Bibliothèque numérique de Lyon, Numelyo).
« Affaire Bourdy contre l’hospice de Lyon », La Tribune lyonnaise, février 1847, p. 120 (en ligne sur le site de la Bibliothèque numérique de Lyon, Numelyo).
« Franc-maçonnerie », La Tribune lyonnaise, mars 1847, p. 9 (en ligne sur la Bibliothèque numérique de Lyon, Numelyo).
« Abolition de l’esclavage dans les colonies françaises », [La Tribune lyonnaise, mars 1847, p. 2 (en ligne sur le site de la Bibliothèque numérique de Lyon, Numelyo).
Le Censeur, journal de Lyon, 30 janvier 1848, p. 4 (en ligne sur le site de la Bibliothèque numérique de Lyon, Numelyo).
« Comité lyonnais pour l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises », La Tribune lyonnaise, février 1848, p. 105 (en ligne sur le site de la Bibliothèque numérique de Lyon, Numelyo).
La Tribune lyonnaise, mars 1848, p. 15 (en ligne sur la Bibliothèque numérique de Lyon, Numelyo).
La Tribune lyonnaise, 25 juillet 1848, pp. 58-59 (en ligne sur la Bibliothèque numérique de Lyon, Numelyo).

Bibliographie

Anthea Chenini, Les Amis des Hommes, une loge lyonnaise subversive ? Histoire de la fabrique d’un fantasme du régime bonapartiste et de sa déconstruction (1848-1865), Mémoire de séminaire à l’Institut d’Études Politiques de Lyon, 2011-2012 (en ligne sur WebDoc de Sciences Po Lyon).
Maximilien Buffenoir, « Le fouriérisme à Lyon (1832-1848) », Revue d’histoire de Lyon, tome 12, fasc. 6, 1913, pp. 444-455 (en ligne sur Internet Archive.org, vue 454).


Index

Lieux : Lyon, Rhône

Notions : Club - Esclavage - Franc-maçonnerie - Médecine - Presse

Pour citer cette notice

SOSNOWSKI Jean-Claude, « Brun, Claude-François », Dictionnaire biographique du fouriérisme, notice mise en ligne en novembre 2014 : http://www.charlesfourier.fr/spip.php?article1495 (consultée le 20 février 2023).

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