Né le 21 octobre 1814 et décédé le 16 juin 1862 à Anse (Rhône). Avocat, puis propriétaire-rentier. Préfet de la Loire en 1848, puis député en 1849. Franc-maçon.
Franck Sain est le fils d’un notaire royal de Lyon, Joseph-Horace-Élisabeth Sain, originaire de Rive-de-Gier (Loire) et de Claudine Jacquette. Le 24 mars 1860, Franck Sain épouse Berthe Vernier, fille de Jeanne Charmont, mariée avec Louis-Adolphe Vernier, consentant et résidant à Alger. Jeanne Charmont vit avec Jules Favre, ami d’enfance de Franck Sain. De cette union naît Jules Joseph Marie Antoine le 11 avril 1861. « Gabriel-Claude-Jules Favre, âgé de 53 ans, avocat et député, demeurant à Paris, beau-père [sic] du décédé » est déclarant du décès à Anse en juin 1862 [1]. Franck Sain est dit « propriétaire-rentier ».
L’avocat des mineurs de Rive-de-Gier
Avocat au barreau de Lyon, Franck Sain s’illustre aux côtés de Tristan Duché en avril 1844 lors de la défense des mineurs de Rive-de-Gier, emprisonnés au début du mois pour s’être déclarés grévistes en protestation de la volonté patronale de baisser les salaires. Le 5 avril, lors de leur transfert à la prison de Saint-Etienne, de violents affrontements ont lieu avec la troupe. Le bilan est lourd : un mort et cinq blessés. Le procès des prévenus a lieu du 27 au 29 avril et donne l’occasion à Sain de dénoncer l’arbitraire patronal et les dangers des coalitions monopolistiques alors que les ouvriers n’ont pas le droit de se regrouper. Sa plaidoirie véhémente conduit le président du tribunal et le procureur à lui couper la parole. Afin de protester contre ce procédé, Duché quant à lui renonce à sa plaidoirie. Le verdict est sévère : sur vingt-cinq prévenus, huit sont acquittés, quinze condamnés de six jours à huit mois de prison, un à dix mois, et un à deux ans.
Franc-maçon et clubiste phalanstérien
Sain est initié franc-maçon au sein de la loge Les Enfants d’Hiram (Grand Orient de France, Orient de Lyon). D’après le procès-verbal de son interrogatoire sous le bandeau, il développe des « idées très avancées que la loge ne peut toutefois approuver d’une manière absolue » [2]. Les loges maçonniques lyonnaises innovent sous la monarchie de Juillet en donnant des cours destinés à un public maçonnique ou profane. En 1847, la loge lyonnaise Union et Confiance ouvre un cours de cette nature qui se prolonge sous la Seconde République. Des frères volontaires présentent des exposés et ouvrent des débats sur des sujets variés d’ordre philosophique, économique ou social. Il est le premier intervenant inscrit. En 1848, c’est au sein de sa loge, Les Enfants d’Hiram que sont donnés par « le Groupe phalanstérien de Lyon [...] des conférences socialistes, sur l’organisation du travail et la régénération de la société » [3].
Le 15 mars 1848, à la Société démocratique réunissant les clubs du département du Rhône, Sain demande « la fusion des écoles socialistes qui selon lui se réduisent à trois St-Simonienn’e, Fouriéristes [sic] et communiste » [4]. Critiqué par Berteault qui ne reconnaît que les Républicains, Sain « s’efforce de repousser les attaques dirigées contre les phalanstériens ». Le président, sommé de passer à l’ordre du jour, intervient en engageant « les membres du club socialiste à se fondre dans la Société démocratique qui ouvre ses rangs à toutes les opinions sincères », proposition qui est ultérieurement repoussée à une large majorité [5]. Le même jour, Sain est l’un des orateurs de la réunion organisée par les phalanstériens lyonnais, Grande salle de la Rotonde aux Brotteaux. « MM. Coignet et Sain ont été vivement applaudis pour les bonnes choses qu’ils ont dites, pour les vérités qu’ils ont fait entendre » [6]. Dans les jours qui suivent, Le Tribun du peuple note que Sain est annoncé sur une liste présentée par « les loges maçonniques mais que nous croyons avoir été faite par l’école phalanstérienne » [7]. Il est qualifié comme « l’un des plus chauds partisans de la doctrine de Fourier, mais sans opinion politique ». En avril, il est l’un des délégués du Club des socialistes phalanstériens au Comité général des clubs du département du Rhône [8].
Préfet puis député de la Loire
Le 19 mai, La Liberté journal de Lyon annonce la nomination de Sain, « orateur des clubs phalanstériens » [9], comme préfet de la Loire. Il est en poste jusqu’au 9 août 1848. Plus que les mouvements ouvriers, son action inquiète la Compagnie des mines qu’il menace de mise sous séquestre mais sans être suivi par le ministre des Travaux publics. Il doit faire arrêter l’état-major des mineurs qui occupent les puits afin de préserver l’ordre public et la propriété.
Le 13 mai 1849, il est élu député de la Loire (6e sur 9 élus). Le Président, journal napoléonien annonce hâtivement son décès, peu de temps après son élection : « M. Sain, de Lyon, un des représentants nouvellement élu dans la Loire, vient de mourir à Saint-Etienne. M. Sain appartenait à la liste rouge. Il était un des plus fidèles adhérents du fouriérisme ». Sain vote contre les crédits de l’expédition romaine, contre la loi Falloux sur l’enseignement, contre la loi restrictive du suffrage universel. Après le coup d’État du 2 décembre, s’il se retire un temps de la vie publique, il se présente sans succès comme candidat indépendant au Corps législatif le 22 juin 1857 contre le candidat officiel réélu par 12 489 voix contre 5 638.
[1] Journal de Villefranche, juin 1862. A propos de la dénomination de beau-père voir Procès célèbres, l’affaire Jules Favre et Laluyé…, Paris, chez tous les libraires, 1871.
[2] André Combes, La Franc-maçonnerie à Lyon, Brignais, éd. des Traboules, 2006, p. 248.
[3] Le Franc parleur lyonnais, journal républicain, 12 mars 1848, p. 2.
[4] « Société démocratique. Séance du 15 mars », Le Tribun du peuple, 19 mars 1848, p. 1.
[5] Le Patriote lyonnais ou l’Echo républicain, journal des travailleurs, 16 avril 1848, p. 1.
[6] « Nouvelles locales », Feuille du jour, 15 mars 1848, p. 2.
[7] « Examen des candidatures », Le Tribun du peuple, 26 mars 1848, p. 1.
[8] « Extrait du procès-verbal de la 6e séance. 5 avril. Nouvelles adhésions », Comité général des clubs. Palais des Arts, salle des cours. Troisième bulletin, Lyon, Bodanet, [1848].
[9] « Nouvelles locales », La Liberté, journal de Lyon, 19 mai 1848, p. 4.
Sources
Archives départementales du Rhône, 4E129 état civil de la commune d’Anse, registre des naissances, acte du 21 octobre 1814 (en ligne sur le site des Archives départementales du Rhône, vue 7).
Archives départementales du Rhône, 4E134 état civil de la commune d’Anse, registre des décès, acte n° 16 du 16 juin 1862 (en ligne sur le site des Archives départementales du Rhône, vue 4).
Le Franc parleur lyonnais, journal républicain, 12 mars 1848, p. 2 (en ligne sur la Bibliothèque numérique de Lyon, Numelyo).
« Nouvelles locales », Feuille du jour, 15 mars 1848, p. 2 (en ligne sur la Bibliothèque numérique de Lyon, Numelyo).
« Société démocratique. Séance du 15 mars », Le Tribun du peuple, 19 mars 1848, p. 1 (en ligne sur la Bibliothèque numérique de Lyon, Numelyo).
« Examen des candidatures », Le Tribun du peuple, 26 mars 1848, p. 1 (en ligne sur la Bibliothèque numérique de Lyon, Numelyo).
Le Patriote lyonnaise ou l’Echo républicain, journal des travailleurs, 16 avril 1848, p. 1 (en ligne sur la Bibliothèque numérique de Lyon, Numelyo.
« Extrait du procès-verbal de la 6e séance. 5 avril. Nouvelles adhésions », Comité général des clubs. Palais des Arts, salle des cours. Troisième bulletin, Lyon, Bodanet, [1848], (en ligne sur la Bibliothèque numérique de Lyon, Numelyo).
« Nouvelles locales », La Liberté, journal de Lyon, 19 mai 1848, p. 4 (en ligne sur la Bibliothèque numérique de Lyon, Numelyo).
« Nouvelles de Lyon », Le Président, journal napoléonien, 26 mai 1849, n° 151, p. 3 (en ligne sur Numelyo).
Biographie des 750 représentants à l’Assemblée législative, élus le 13 mai 1849 par deux journalistes, Paris, Pagnerre, 1849, p. 119 (en ligne sur Gallica).
Journal de Villefranche, juin 1862 cité par Guy Jouannade, « Franck Sain, gendre de cœur de Jules Favre », Lettre trimestrielle de l’Académie de Villefranche et du Beaujolais, n° 51, septembre 2012, p. 2 (en ligne sur le portail culture-beaujolais.fr).
Procès célèbres, l’affaire Jules Favre et Laluyé…, Paris, chez tous les libraires, 1871 (en ligne sur Gallica).
Bibliographie
André Combes, La Franc-maçonnerie à Lyon, Brignais, éd. des Traboules, 2006, pp. 238-239, 248.
Pierre Guillaume, La compagnie des Mines de la Loire, 1846-1854, essai sur l’apparition de la grande industrie capitaliste en France, Paris, Presses universitaires de France, 1966, Publications de la Faculté des Lettres de Clermont-Ferrand, 2e série, 24, pp. 201-202.
Guy Jouannade, « Franck Sain, gendre de coeur de Jules Favre », Lettre trimestrielle de l’Académie de Villefranche et du Beaujolais, n° 51, septembre 2012, p. 2 (en ligne sur le portail culture-beaujolais.fr).
Claude Latta, Un républicain méconnu, Martin Bernard, 1808-1883, Saint-Etienne, Centre d’Etudes foréziennes, 1978, pp. 180-182.
Vincent Robert, « Éviter la guerre civile, la région lyonnaise au printemps 1848 », 1848, actes du colloque international du cent cinquantenaire, tenu à l’Assemblée nationale à Paris, les 23-25 février 1998, [organisé par] Société d’histoire de la Révolution de 1848 et des révolutions du XIXe siècle, sous la direction de Jean-Luc Mayaud, Paris, Créaphis, 2002.
E. Tarlé, « La Grande coalition des mineurs de Rive-de-Gier en 1844 », Revue historique, tome 177, janvier-juin 1936, pp. 249-278 (en ligne sur Gallica).
Sitographie
Base de données des députés français depuis 1789 (en ligne sur le site de l’Assemblée nationale) d’après Adolphe Robert, Edgar Bourloton, Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889, Pla-Zuy, Paris, Bourloton, 1891, p. 233 (en ligne sur Gallica).
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