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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Bouillier, François Cyrille dit Francisque
Article mis en ligne le 8 juin 2014

par Sosnowski, Jean-Claude

Né le 12 juillet 1813 à Lyon (Rhône). Décédé le 25 septembre 1899 à Simandres (Rhône). Professeur de philosophie.

Un des spécialistes du cartésianisme

Son père François Cyrille Nicolas Bouillier est négociant à Lyon. Orphelin de père très jeune, c’est sa mère Étiennette Sophie Satin, fille de François Satin, huissier à la cour impériale et sa grand-mère maternelle qui se chargent de son éducation et de celle de son jeune frère. Après des études dans une école enfantine de quartier à Lyon et dans une école paroissiale de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or (Rhône) où la famille possède une résidence, il fréquentent le pensionnat du Verbe incarné à Lyon, puis les collèges Stanislas et Bourbon à Paris et le collège royal de Lyon. Il accède à l’École normale [1] en 1834. Reçu premier à l’agrégation de philosophie en 1837, il est nommé à Orléans puis dès 1838 devient professeur suppléant de philosophie à la faculté des lettres de Lyon. Il est professeur titulaire dès 1839 et doyen de 1849 à 1864. Francisque Bouillier est l’un des spécialistes du cartésianisme. Ses cours lui valent des attaques des milieux catholiques qui l’accuse de matérialisme. En mars 1849, il épouse Marie Anne Pauline Servan de Sugny, fille d’avocat et propriétaire à Lyon. Quatre enfants naissent de cette union. En 1855, il devient inspecteur général de l’enseignement secondaire. En 1861, il accepte d’organiser le premier jury qui accorde le baccalauréat à une femme, Julie-Victoire Daubié. En 1864-1865, il est nommé recteur de l’académie de Clermont. Déjà chevalier de la Légion d’honneur en 1849, il est promu officier en 1867. De 1867 à 1871, il dirige l’École Normale Supérieure. En 1879, à la suite d’un différend avec le ministre Jules Ferry sur la liberté de l’enseignement, il reçoit le titre d’inspecteur général honoraire et est admis à la retraite. Il est également membre de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, société au sein de laquelle il développe un « plan d’association universelle de toutes les Académies » lors de sa réception en 1843. Il en est président en 1889 et 1890. Membre titulaire de l’Institut en 1872, il est élu membre de l’Académie des sciences morales et politiques en 1875 et en devient président en 1889.

« Timidement adhérent des idées phalanstériennes » [2]

Comme son confrère dijonnais Tissot, Bouillier contribue à la respectabilité de la doctrine phalanstérienne. Dans un article de La Revue lyonnaise [3], article publié également en brochure, il analyse la prestation de Victor Considerant lors des cours qu’il donne à Lyon en 1841. Bien qu’émettant quelques réserves sur la modération de Victor Considerant lors de ces séances lyonnaises, Bouillier fait l’éloge de la doctrine et de son principal propagateur :

M. Victor Considérant ne s’adresse ni au sentiment, ni à l’imagination, il ne prêche pas, il enseigne, il démontre, et cette parole si simple, si dénuée de toute prétention, témoigne peut-être une foi et une confiance plus grande dans la vérité de ses doctrines qu’une parole animée par l’éloquence et par la passion. L’intérêt qu’il a excité, le succès qu’il a obtenu, ne sont dus qu’à la nouveauté et à la vérité des idées qu’il a développées.

Le fouriérisme, tel que M. Victor Considérant nous l’a exposé, n’est point le fouriérisme pur et complet. Il en a soigneusement retranché toute la partie la plus fantastique et en même temps la plus contestable. Il nous a seulement introduits, pour me servir des termes de Fourier, dans le monde de la demi-harmonie. Je suis bien loin, pour ma part, de lui en faire un reproche. Sans doute, le fouriérisme ainsi représenté perd beaucoup de sa puissante originalité ; il n’est plus animé de cette sorte de grande poésie épicurienne, dont il a été empreint par le génie de son auteur ; mais ce qu’il perd en originalité, en verve, en poésie, il le gagne, selon nous, en vérité. M. Victor Considérant l’a réduit à un simple système d’association, soit des intérêts agricoles, soit des intérêts industriels, à un système d’économie politique, et c’est seulement sous ce point de vue que je me propose de le considérer. Mais si nous avons été satisfait, dans l’intérêt de cette part de vérité que la doctrine renferme, d’en voir retrancher ce qui pourrait la compromettre aux yeux de tous les hommes sensés, nous avons été fâché de ne pas entendre d’abord reproduire contre la société actuelle cette critique si vive, si profonde dont Fourier est l’auteur. Nul mieux que lui n’a mis à nu les vices de cette société ; nul, avec plus de vérité et de verve, n’en a fait ressortir les grossières imperfections. Nul n’en a mieux tourné en ridicule les sots préjugés. Toute réforme a pour antécédent nécessaire la critique de ce qui existe actuellement. Il faut voir le mal pour juger de l’opportunité du remède. Or, malgré le besoin de réforme qui travaille généralement les esprits, combien n’est-il pas d’hommes qui, ne voyant pas le mal ne sauraient accueillir l’idée d’aucune espèce de réforme ? Ils sont bien logés, bien vêtus, bien nourris ; ils sont à l’abri de toute espèce de besoins ; ils pensent en conséquence que tout va pour le mieux, et que tout changement doit être un mal. Je comprends bien que cette critique, surtout faite dans une salle prêtée par le commerce, avait quelque chose de fort délicat, néanmoins, je pense que, dans l’intérêt de la doctrine, M. Victor Considérant devait commencer par faire ressortir les vices de l’organisation actuelle de l’industrie et du commerce [4].

Même si ultérieurement son nom est cité parmi les membres de la commission chargée de l’étude pour la fondation d’une crèche modèle à Lyon, projet qui associe plusieurs phalanstériens lyonnais [5], ses liens avec l’École sociétaire paraissent se limiter à une simple convergence intellectuelle. Conseiller municipal de Lyon depuis 1846, - il est vice-président du comité de réforme électorale - il représente la ville lors du banquet réformiste du 24 novembre 1847. Il est désigné comme candidat aux élections législatives de 1848 par l’ancien comité d’opposition de la rue de Retz formé en janvier à Lyon afin de préparer alors les élections municipales du fait du décès du maire, le docteur Terme. Selon Le Tribun du peuple, Bouillier

n’a jamais été républicain ; ses opinions politiques n’ont jamais été autres que celles représentées par le journal Le Siècle ; en socialisme, il est timidement adhérent des idées phalanstériennes [6].

Il avoue lui même dans ses Souvenirs d’un vieil universitaire avoir été

surpris par la catastrophe de 1848. J’aurais voulu, ce qui était raisonnable, une certaine extension du droit de suffrage. J’eusse préféré M. Thiers à M. Guizot ; Odilon Barrot m’eût fait peur et voilà qu’en un jour tout était bouleversé, et la société menacé jusqu’en ses fondements […]. Je me suis repenti de mon opposition [...] [7].

La Tribune lyonnaise de Chastaing considère qu’il « réunit un grand talent et un patriotisme éprouvé » [8]. Cependant, Bouillier renonce à cette candidature « pour prévenir la perte de quelques voix et faciliter la formation d’une liste unique ». Il est désigné, « dans une réunion de républicains » [9], comme candidat aux élections municipales de juin, pour la section du Jardin des plantes. Il est l’un des candidats pressentis par le comité réuni dans les bureaux du journal Le Censeur lors des élections au Conseil général de septembre 1848. Il refuse cette désignation, engageant les électeurs « à porter leurs voix sur un candidat qui ait plus de chances de succès » [10]. En 1862, François Barrier président de l’Académie impériale des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, dans son analyse critique de l’ouvrage de Bouillier, De l’unité de l’âme pensante et du principe vital, ne voit que le travail d’’un « savant confrère » [11]. En 1866, Bouillier est maire de la commune de Simandres.