Né le 28 décembre 1864, à Paris (Seine, VIe arrondissement) et décédé le 10 avril 1948, à Paris (XVe arrondissement). Mécanicien. Syndicaliste révolutionnaire, socialiste, dirigeant coopératif, membre de nombreux organismes sociaux. Maintient les relations entre la Chambre consultative des associations ouvrières de production et les derniers militants fouriéristes, des environs de 1910 aux années 1930.
Edmond [1] est le fils de Polycarpe Briat, commissionnaire (qui signe l’acte de naissance de façon très malhabile), et de Joséphine Boussineau. Il effectue un apprentissage de mécanicien de précision ; à sa sortie, il est préparateur au laboratoire du docteur Charcot, à la Salpêtrière, et à la « clinique électrique » du docteur Vigouroux, rue Blanche. Dans les années suivantes, il change d’entreprise plusieurs fois, travaillant un moment à l’administration des Postes et des Télégraphes, puis dans une grande compagnie de chemin de fer, dans une entreprise de fabrication d’accumulateurs électriques [2]...
Lors de son mariage, en décembre 1883, avec Antoinette Carles, fille d’un artiste peintre, il est « mécanicien en précision » (les deux époux sont jeunes, puisqu’ils ont 19 ans pour Edmond et un peu plus de 17 ans pour Antoinette) ; lors de la naissance de leur fils unique, André, en 1886, il est qualifié d’« employé », de même que sa femme. En 1892, il participe à la création de la Chambre syndicale des ouvriers en instruments de précision, dont il devient le secrétaire l’année suivante. En 1896, avec d’autres ouvriers, il porte le projet d’une coopérative de production. Il prend des renseignements auprès d’Alexandre Vila, secrétaire de la Chambre consultative des associations ouvrières de production. L’Association ouvrière des instruments de précision (A.O.I.P.) est ainsi fondée [3].
À partir des années 1890 et surtout après 1900, il se consacre principalement à ses activités militantes dans le syndicalisme et la coopération, ainsi qu’aux fonctions qu’il occupe dans des associations et des organismes para-étatiques concernant principalement les problèmes sociaux.
Syndicalisme révolutionnaire, grève générale et antimilitarisme
Mécanicien de formation, Briat contribue d’abord à l’organisation syndicale et coopérative des travailleurs spécialisés dans la mécanique de précision.
En 1892, un Syndicat des ouvriers en instruments de précision est fondé à Paris ; Briat, qui en devient le secrétaire général, présente ainsi les buts du syndicat dans un article publié en 1899 par Le Mouvement socialiste :
Le but que nous poursuivons est la suppression du salariat, et nous croyons que le moyen pour l’obtenir est la révolution sociale. C’est pourquoi dans tous les Congrès nous nous sommes prononcés en faveur de la grève générale, mais à l’heure actuelle il faut encore faire l’éducation de nos camarades et la meilleure méthode est l’école du Syndicat.
Le Syndicat cherche aussi à augmenter l’instruction de ses membres par des causeries, des brochures et des journaux. Quand la masse aura compris sa force, quand le mouvement économique aura groupé, dans les Syndicats, un grand nombre d’ouvriers qui auront fait leur éducation sociale, les travailleurs détruiront cette société bourgeoise et égoïste, qui nous opprime, pour créer une société nouvelle basée sur l’amour de l’humanité [4].
Lors d’une réunion du même syndicat, organisée le 1er mai 1896, Briat et un nommé Lelorrain indiquent que « cette journée a été décrétée par le Congrès international [de la Seconde Internationale] de Paris en 1889 comme devant être le prélude de l’émancipation ouvrière par la grève générale » ; ils « invitent les camarades à se grouper dans les syndicats en dehors de toute école politique », la séance étant levée aux cris de « Vive la révolution sociale » [5].
L’action de Briat déborde bientôt largement le syndicat des ouvriers en instruments de précision ; en 1896, il entre à la commission consultative de la Bourse centrale du travail à Paris dont il devient bientôt l’un des dirigeants [6]. Il participe à plusieurs congrès de la CGT : à Toulouse en 1897, où il représente des syndicats parisiens ; à Tours en 1899 ; à Paris en 1900 ; à Bourges, en 1904 ; à Amiens en 1906. Il fait aussi des conférences, dans la banlieue parisienne et en province, où il engage les auditeurs à se syndiquer ; ainsi, à Saint-Loup-sur-Mouze (Haute-Saône), le 1er mai 1904, il a « chaleureusement préconisé l’action syndicale » [7]. Il se fait le propagandiste de la grève générale, par exemple à Bourges, en février 1900, où il « a longuement développé l’idée de la grève générale et le but à atteindre par ce moyen révolutionnaire » [8]. En 1901, à l’occasion d’une grève des tailleurs pour dames, il exhorte les ouvriers et ouvrières à s’unir pour faire triompher leurs revendications : « Le jour où la grève générale sera déclarée, soyez persuadées que les patrons capituleront et vous pourrez alors améliorer votre situation » [9].
Enfin, Briat exprime « le regret qu’il ne soit pas fait en France, auprès des soldats, la propagande antimilitariste faite en Belgique », mais espère que « les témoignages de solidarité qu’apportera l’association aux camarades enrégimentés, maintiendra entre ceux-ci et leurs compagnons d’ateliers de la veille, les relations socialistes nécessaires à l’œuvre de l’émancipation » [10].
Tout en tenant un discours révolutionnaire, Briat s’efforce d’agir concrètement pour améliorer la condition des ouvriers et en particulier leur protection sociale ; en 1898, lors d’une réunion des syndicats parisiens, il propose la création d’une caisse d’assistance mutuelle pour tous les syndiqués, qui pourrait assurer des secours « 1° en cas de maladie ; 2° pendant les périodes d’instruction militaire […] ; 3° aux compagnes des sociétaires décédés ; 4° aux femmes en couches » et pourrait « consentir des prêts gratuits » ; les cotisations seraient un peu plus élevées que dans une société de secours mutuels classique, « mais en revanche les charges et les avantages seraient les mêmes pour tous, ainsi que l’exige la solidarité ou plutôt la justice » [11]. Cependant, il abandonne en 1907 ses fonctions de secrétaire du Syndicat des ouvriers en instruments de précision, de même qu’il s’éloigne progressivement du syndicalisme révolutionnaire.
Un acteur de la « nébuleuse réformatrice »
Aux environs de 1900, Briat se fait élire au conseil des prud’hommes où il siège de nombreuses années ; à la même époque il entre au Conseil supérieur du travail, un organisme fondé en 1891 et composé de patrons, d’ouvriers, de parlementaires, de juristes et de hauts fonctionnaires, qui joue un rôle consultatif auprès du gouvernement et émet des vœux ou des propositions en matière de législation sociale. Briat, membre de la commission permanente du Conseil [12], est lui-même rapporteur de plusieurs textes devant cette assemblée, où il s’intéresse en particulier aux problèmes de santé et de sécurité au travail, ainsi qu’à l’apprentissage et à la formation professionnelle. Il contribue également à la création et à l’activité de plusieurs associations concernant la condition ouvrière : l’Association pour la protection légale du travail, créée en 1900 (il fait partie de son comité directeur) [13] ; l’Association ouvrière de l’hygiène et de la sécurité des travailleurs. Il fait des conférences dans les universités populaires (à la Coopération des Idées, en juin 1904, sur « les lois ouvrières en France ») [14]. Il est l’auteur de nombreux textes (articles, rapports, comptes rendus, ouvrages, préface) sur les questions de l’emploi, de la justice prud’homale, de la sécurité et de la formation professionnelles [15], ou encore sur la condition ouvrière [16]. En 1899-1900, tout en publiant plusieurs articles dans Le Mouvement socialiste dirigé par Hubert Lagardelle, il collabore régulièrement au quotidien La Lanterne qui a à ce moment pour rédacteur en chef Alexandre Millerand, puis René Viviani [17] ; il rédige des articles concernant les questions sociales, par exemple sur l’application de la loi sur les accidents du travail votée en 1898 [18] ; il fait des comptes rendus de congrès ; il est même l’« envoyé spécial » de La Lanterne dans le pays de Montbéliard lors d’un conflit social aux usines Japy et rédige alors de longs articles, dans lesquels il dénonce « le servage féodal qui sévit dans la région » [19].
Son action militante et ses relations débordent le cadre du travail et du monde ouvrier : il est l’un des orateurs d’une « conférence sur l’idée de paix dans l’enseignement’ », avec quelques personnalités du mouvement pacifiste comme Gaston Moch [20]. Il participe au Congrès international de l’éducation sociale, à Paris, en septembre 1900 et il est vice-président de la Société d’éducation sociale, fondée à la suite du congrès et présidée par Léon Bourgeois ; cette société a pour objectifs d’une part la diffusion des principes de solidarité dans la société, par l’enseignement (Ferdinand Buisson, ancien directeur de l’enseignement primaire au ministère de l’Instruction publique y participe), mais aussi par tout autre moyen ; et d’autre part, la mise en pratique de ce principe, à l’école, au travail et dans les différents domaines de la vie sociale [21]. Par ailleurs, lors des obsèques de Zola, en 1902, il est l’un de ceux qui, avec Octave Mirbeau et d’autres amis du défunt, tiennent le cordon du poêle, sans que l’on sache quelles relations il entretenait avec l’écrivain [22].
Ces fonctions et ces engagements l’amènent à fréquenter de nombreux congrès, nationaux et internationaux : il est membre, aux côtés d’Arthur Fontaine, de Charles Gide, de Léon de Seilhac, de la commission d’organisation du Congrès pour la protection légale des travailleurs qui se tient à Paris, en juillet 1900 [23] ; on l’a vu en septembre suivant au congrès d’éducation sociale [24]. Il est l’un des organisateurs (et le trésorier de la commission exécutive) du premier Congrès de l’hygiène des travailleurs à Paris en 1904 [25] ; il participe, comme délégué français (aux côtés d’Arthur Fontaine, Alexandre Millerand, Léon de Seilhac, etc.) au congrès de l’Association internationale pour la protection légale des travailleurs, à Bâle, en 1904 également [26], etc.
Lors de ces manifestations et dans les différents postes qu’il occupe, il est en relation avec des socialistes réformistes (Alexandre Millerand), avec les solidaristes (Léon Bourgeois), avec de hauts fonctionnaires (Arthur Fontaine), des universitaires (Charles Gide), des dirigeants du Musée social (Mabileau), des dirigeants de la coopération qu’il rejoint au sein de la Chambre consultative des associations ouvrières de production, et plus généralement les acteurs de la « nébuleuse réformatrice » [27]. Pendant ces premières années du XXe siècle, ses conceptions de l’action évoluent radicalement : le partisan du syndicalisme révolutionnaire, le promoteur de la grève générale apparaît désormais comme un syndicaliste réformiste, partisan du recours au droit (pour régler les litiges devant les prud’hommes), à la conciliation (il participe à des négociations entre employeurs et salariés lors de conflits sociaux) et à la loi (pour assurer aux travailleurs une plus grande protection, en particulier en matière de santé). Et surtout, il considère désormais que la meilleure voie pour l’émancipation des travailleurs consiste dans le développement des coopératives, comme en témoigne ce texte, publié en 1908, peu après les grèves violemment réprimées de Draveil et de Vigneux :
La Chambre consultative des associations ouvrières de production estime qu’il y a sur le terrain social d’autres moyens d’émancipation que la grève. Elle rappelle que les Coopératives ouvrières de production font de leurs associés des Hommes libres, détenteurs des mêmes droits, recevant un salaire syndical rémunérateur, qu’en un mot, elles suppriment le patronat et donnent aux adhérents le maximum de bien-être.
Travailleurs,
Nous vous demandons de réfléchir.
Calculez les sommes dépensées dans les grèves, les privations que vous vous imposez ; voyez si les résultats obtenus sont en rapport avec vos sacrifices.
Nous sommes certains que vous devrez convenir de bonne foi qu’il y a peu de réussites et que les concessions patronales arrachées tant bien que mal ne compensent pas ce que vous coûtent de tels efforts.
Dans ces conditions, nous vous engageons à venir grossir les rangs des coopérateurs.
Dans quantités d’industrie, notamment dans le bâtiment, les ouvriers ont de grandes facilités pour créer des Coopératives de production. Qu’ils viennent à nous, nombreux, et que les autres travailleurs suivent leur exemple.
[…]
Que les travailleurs conscients viennent à nous.
Que les républicains vraiment démocrates nous aident dans notre œuvre d’émancipation de la classe ouvrière !
[…]
Le Travail ne sera affranchi de la tutelle du Capital que lorsqu’il disposera de toutes les ressources matérielles et intellectuelles de fécondité et de prospérité, et lorsque l’instruction du travailleur sera assez complète pour grouper ensemble le Travail, le Capital, le Talent.
Pour la Chambre consultative
Le Secrétaire Général
E. Briat [28].
La coopération fouriériste
L’engagement coopératif de Briat est précoce ; il est d’abord membre de la coopérative de consommation de son quartier, « l’Avenir de Plaisance ». Surtout, en 1896, avec des membres de son syndicat, il fonde l’Association des Ouvriers en Instruments de Précision (AOIP). Cette société, après quelques années difficiles, connaît un important développement qui en fait l’une des plus grandes coopératives ouvrières de production au XXe siècle. D’abord installée dans le XIVe arrondissement de Paris, elle établit en 1907 des ateliers dans le XIIIe arrondissement, … rue Charles Fourier. L’entreprise fabrique des appareils dans le domaine de la téléphonie et de la télégraphie, de la photographie et du cinéma, des appareils de mesure…
Les responsabilités qu’il exerce à l’AOIP amènent Briat à fréquenter la Chambre consultative des associations ouvrières de production, puis à faire partie de ses dirigeants. En 1907, il en devient le secrétaire, puis le secrétaire général en 1923, fonction qu’il conserve jusqu’en 1940. Il contribue, à la suite de ses prédécesseurs, à élargir les activités de la Chambre et à en faire un interlocuteur respecté des pouvoirs publics et du monde des affaires [29]. Il est en même temps rédacteur en chef de L’Association ouvrière, l’organe de la Chambre ; il fait partie du bureau de société de secours mutuels Le Garantisme (le nom renvoie explicitement à l’une des périodes décrites par Fourier, entre la Civilisation et le Sociantisme, avant l’Harmonie), créée par la Chambre en 1908 à l’intention des coopérateurs [30]. Il préside l’Orphelinat de la coopération, dont son épouse est la directrice depuis la fondation de l’œuvre en 1899 (elle reçoit en octobre 1936 la Légion d’honneur pour ses activités sociales : sa direction de l’Orphelinat et celle de la Maison de vacances des orphelins de Chalo-Saint-Mars ; sa participation à l’Office départemental des pupilles de la nation, etc.)
A la suite d’Henry Buisson, qui, dans les années 1890 et au début du XXe siècle, avait insisté sur les origines fouriéristes de la coopération et qui avait établi des relations étroites entre la Chambre consultative et le mouvement fouriériste (d’abord le groupe de La Rénovation autour d’Adolphe Alhaiza, puis l’Union phalanstérienne et l’Ecole Sociétaire Expérimentale), Edmond Briat considère que la coopération est l’héritière de Fourier – même s’il mentionne aussi d’autres sources [31] – ; il reprend d’ailleurs volontiers la formule : « association du capital, du travail et du talent ». Lors d’une conférence à Strasbourg, en septembre 1919, il affirme que la grande majorité des associations coopératives s’inspirent des idées fouriéristes [32]. Et alors qu’il n’était jusqu’alors pas apparu dans la documentation de l’Ecole sociétaire, on le voit à la fin de la première décennie du XXe siècle participer aux activités d’un mouvement phalanstérien très affaibli, à peu près dépourvu de troupes et de moyens matériels, que seules les organisations coopératives peuvent lui procurer. En avril 1909, Briat est cité parmi les excusés du banquet phalanstérien commémorant la naissance de Fourier [33]. En 1913, il se rend sur la tombe de Fourier, puis assiste au banquet organisé par l’Union phalanstérienne et la Chambre consultative [34]. En 1914, c’est lui qui accueille à l’entrée du cimetière les personnes venant se recueillir devant la tombe du maître [35]. En 1916 et 1917, alors que la guerre a interrompu la tradition des banquets du 7 avril, il se rend au cimetière Montmartre pour rendre un hommage du monde coopératif à Charles Fourier [36]. Quand l’état de la tombe se dégrade, il prend personnellement à sa charge la réfection du monument, en 1926 [37]. Et en 1937, il fait partie d’un comité pour la commémoration du centenaire de Charles Fourier, aux côtés des coopérateurs Ernest Poisson et Daudé-Bancel, des universitaires Bernard Lavergne et Célestin Bouglé, d’hommes politiques (dont Henri Sellier et Maurice Thorez) et de syndicalistes (Léon Jouhaux) [38].
Briat favorise les tentatives de réorganisation, puis de reconstitution du mouvement fouriériste : d’abord en continuant à accueillir dans L’Association ouvrière les informations concernant l’Ecole Sociétaire Expérimentale et l’Union phalanstérienne, ainsi que les comptes rendus des banquets commémorant l’anniversaire de la naissance de Fourier, comme l’avaient fait ses prédécesseurs ; ensuite en apportant son aide à un projet de réalisation sociétaire : en 1909-1910, il est présent à plusieurs assemblées des « Pionniers de l’Océanie » qui, dirigés par René Vachon, veulent établir une communauté phalanstérienne à Tahiti et fournit quelques conseils pour la constitution de la société [39] ; enfin, en soutenant les initiatives de ceux qui s’efforcent de relancer la propagande fouriériste : en 1914, il assiste à la réunion où Maurice Lansac expose son projet d’Union sociétaire [40] ; en 1926, il répond favorablement à la création d’une Association des amis de Fourier, animée par le même Lansac [41]. Surtout, en 1929, il accepte de présider l’Ecole Sociétaire Expérimentale reconstituée autour de Soulier-Valbert [42].
Il n’est pas à l’origine de ces différentes initiatives, ni le principal animateur du projet de réalisation ; mais il assiste, encourage, conseille, accueille dans les locaux de la Chambre consultative, favorise la publicité dans L’Association ouvrière…
Il s’intéresse également au Familistère de Guise. Les bâtiments ayant été gravement endommagés pendant la guerre, il fait profiter les dirigeants de la maison Godin de ses relations dans les milieux politiques et dans la haute fonction publique, en leur obtenant des rencontres avec Arthur Fontaine, le directeur du Travail, et avec l’ancien ministre Paul Doumer [43]. Il se rend lui-même à Guise, en mai 1933, quand il accompagne, avec plusieurs membres du bureau de la Chambre consultative, les élèves des écoles de « surintendantes d’usine et d’infirmières sociales » [44]. Il y retourne en septembre 1937, avec des membres de l’Alliance coopérative internationale, réunie en congrès à Paris [45].
L’Entre-deux-guerres
Parallèlement à ses activités coopératives et à son soutien aux projets sociétaires, Edmond Briat s’engage brièvement dans la vie politique. Dès avant la Première Guerre mondiale, il est membre de la SFIO (en 1908, L’Humanité annonce la mort du fils unique de « notre camarade Edmond Briat secrétaire de la Chambre consultative des associations de production, membre de la Fédération des Bourses du travail et de la section du Parti socialiste du 16e [arrondissement] » [46]). En 1921, lors d’élections municipales partielles dans le XIVe arrondissement, il se présente au nom du Parti socialiste français, une organisation fondée en 1919 par des élus socialistes favorables à l’Union sacrée pendant la guerre et qui se rangent du côté du Bloc national lors des élections législatives de 1919 ; il est alors dénoncé par le quotidien communiste L’Humanité comme « social-patriote, défendu par tous les renégats, renégat lui-même » [47]. Arrivé en quatrième position au premier tour, il se désiste en faveur d’un candidat radical [48].
Toujours à la tête de la Chambre consultative des associations ouvrières de production, il représente le mouvement coopératif dans diverses instances. Il fait partie du Conseil supérieur de la coopération, institué en 1918 [49]. En 1925, le député Frédéric Brunet, qui participe régulièrement aux manifestations de la Chambre consultative, crée un « groupe de la coopération » ; une « Semaine parlementaire de la coopération » est organisée fin mars-début avril, avec des interventions de personnalités du monde coopératif, dont Edmond Briat. L’année suivante, ce sont « Deux journées parlementaires » auxquelles participe encore Briat [50].
Tout en continuant à jouer un rôle central dans les institutions coopératives, il reste présent dans différents conseils et commissions après 1918. Vice-président à la fin de la Première Guerre mondiale du Conseil supérieur de l’Office national des pupilles de la nation [51], il est toujours membre dans l’Entre-deux-guerres du Conseil supérieur du travail, où, en 1925, il prend position pour l’extension de la participation des salariés aux bénéfices [52] ; il fait partie du comité de patronage des « Amis des jardins », association créée pour « perpétuer le goût de la nature » [53] ; il entre au Conseil national économique créé en 1924-1925 [54] ; en 1930, il figure parmi les membres du tout nouveau Conseil consultatif des tabacs [55] ; en 1938, il fait partie d’une commission de la coopération instituée auprès de la présidence du Conseil et chargée « d’étudier la situation actuelle de la coopération », de « proposer au gouvernement toutes mesures utiles pour l’améliorer » et d’« établir une relation permanente entre les différentes formes de l’action coopérative » ; il est l’un des deux vice-présidents – avec le sénateur Boully – de cette commission composée de parlementaires, de hauts-fonctionnaires et de délégués du monde coopératif, et présidée par Camille Chautemps, vice-président du Conseil [56]. Quand, en octobre 1939, alors que la guerre a été déclarée, le gouvernement crée un « Comité d’études des questions sociales » (aussi appelé Comité social dans la presse) présidé par le ministre du Travail, on y retrouve Edmond Briat aux côtés de Léon Jouhaux (CGT), Gaston Tessier (CFTC), Alexandre Parodi (directeur du Travail) [57].
Il abandonne le secrétariat de la Chambre consultative en 1940 ; afin de lui rendre hommage, son buste lui est offert par ses amis coopérateurs ; il continue toutefois à exercer des responsabilités pendant la Seconde Guerre mondiale puisqu’il préside les conseils d’administration de la Banque coopérative et de l’Orphelinat de la Coopération [58] ; il participe le 9 novembre 1942 à une conférence nationale, organisée par la Chambre consultative, sur la situation de la coopération en France [59] et préface plusieurs ouvrages consacrés à la coopération de production [60].
A la Libération, il reprend brièvement la place de secrétaire de la Chambre (il a alors plus de 80 ans) pour remplacer Froideval, qui avait exercé cette fonction sous Vichy et qui est suspendu, puis révoqué fin 1944 [61].