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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Devert, Charles (-Simon-) Frédéric
Article mis en ligne le 23 mars 2014

par Sosnowski, Jean-Claude

Né le 17 avril 1815 à Lyon (Rhône). Professeur puis rentier. Propriétaire-gérant de La Tribune lyonnaise à partir de juillet 1848, et rédacteur en chef de décembre 1850 à février 1851. Membre du Club de l’Égalité en 1848. Homme de lettres, auteur de poésies dont plusieurs en l’honneur de Fourier. Secrétaire particulier de l’Athénée magnétique de Lyon en octobre 1847.

Charles (-Simon-) Frédéric Devert est le fils de Laurent Devert, capitaine pensionné et de Anne Guinand. Bachelier, il se présente en novembre 1850 comme « professeur de langues française, latine et grecque, d’arithmétique, géométrie et mathématiques spéciales, d’histoire, géographie et cosmographie et de littérature française » [1]. A cette date, il réside au 40 rue du Doyenné à Lyon. Lors de son mariage avec Antoinette Adèle Greuzard, le 18 septembre 1854, il est déclaré licencié en droit et homme de lettres, résidant au 11 rue de Bourbon à Lyon. Il vit de ses rentes d’après le recensement de 1856.

Un proche de Chastaing

Devert est proche de Chastaing. Comme lui, mais également comme Romano et Poulard, il est membre de l’Athénée magnétique de Lyon dont il est secrétaire particulier en octobre 1847 [2]. En mars 1848, il est secrétaire du Club de l’Égalité présidé par le phalanstérien Pezzani [3]. Il y prononce un discours sur « l’émancipation intellectuelle des travailleurs » [4] en mai 1848. En juillet 1848, il devient officiellement propriétaire gérant de La Tribune lyonnaise ; Chastaing en est le rédacteur en chef. La loi du 16 juillet 1850 impose un cautionnement de 18 000 francs aux journaux de la Seine et du Rhône traitant de questions politiques. Faute de pouvoir régler cette somme et afin de ne pas contrevenir à la loi, Chastaing et Devert conviennent de se limiter aux questions d’économie sociale. Dans le numéro de septembre est publiée une « Lettre d’économie sociale » adressée par Boyron). Bien que le propos soit modéré, la Préfecture juge qu’elle contrevient à la loi et fait donc poursuivre le journal. Propriétaire-gérant déclaré, Devert est condamné à un mois de prison et deux cents francs d’amende, peine qu’il accepte de purger sans interjeter appel, faute d’argent. Chastaing est quant à lui renvoyé de la poursuite, sa qualité de propriétaire n’ayant pas été établie. Le Ministère public interjette appel de cette sentence contre Chastaing [5] qui est finalement condamné comme copropriétaire. Cependant la condamnation est annulée en cassation, la déclaration de propriété et gérance ayant été acceptée en Préfecture. En décembre 1850, Chastaing abandonne cependant la rédaction en chef du journal. Depuis juillet 1846, Devert s’est contenté de signer ses poésies. Il semble cependant au moins rédiger la rubrique du Conseil des prud’hommes [6]. Il tente donc de poursuivre la publication en écartant tout article d’économie politique ou d’économie sociale. La Tribune lyonnaise cesse cependant de paraître en février 1851. Devert se consacre à l’écriture ; sa poésie devient très marquée par le christianisme [7]. Il écrit pour L’Étoile du matin, journal de littérature pieuse sous le patronage de Marie mais également, comme Pezzani et Poulard pour Le Bulletin magnétique, journal des sciences psycho-physiques qui paraît à partir de 1854 [8].

L’un des poètes des banquets du Groupe phalanstérien des travailleurs de Lyon

Devert s’illustre lors des banquets du Groupe phalanstérien des travailleurs de Lyon en adressant des poésies de sa composition. Il est l’auteur d’un poème « Attendons l’avenir » [9] composé pour l’occasion et lu par une femme lors du banquet du 18 octobre 1846 :

Un sage de nos jours, un immortel génie,
Pour code du bonheur proclama l’harmonie !
Aux cœurs intelligents et lassés de souffrir
Fourier vint annoncer un meilleur avenir.
Ramenons, a-t-il dit, le bonheur sur la terre,
Et, pour y parvenir, répandons la lumière ;
Des préjugés vieillis bravant l’autorité,
Délivrons l’univers de leur joug redouté.
Sous la loi du plus fort, pauvre esclave enchaînée,
La femme a trop longtemps maudit sa destinée ;
Permettons à l’amour méconnu parmi nous
De former ces liens que lui seul rend si doux !
Préservons du besoin la vieillesse et l’enfance !
Que partout le travail ramenant l’abondance,
Bannissant pour toujours le vol, la pauvreté,
Proscrive l’égoïsme et la cupidité.
Peuples, donnez au monde une face nouvelle ;
Tendez-vous l’un à l’autre une main fraternelle ;
Et l’harmonie, alors, noble fille des cieux,
Descendra sur la terre où l’appellent nos vœux !

Ainsi parla le sage, annonçant la doctrine
Qu’il puisait dans son cœur. Sa morale est divine,
Et déjà l’espérance, allumant son flambeau,
Faisait à ses regards briller un jour nouveau !

Mais ce siècle qui dort au penchant d’un abîme,
Entend-il les accents de cette voix sublime ?
D’un zèle généreux ce langage inspiré
Sera-t-il de la foule à jamais ignoré ?
Est-ce un rêve enchanteur ? Faut-il chercher encore
A l’horizon lointain, la séduisante Aurore
Du jour calme et serein à nos désirs rendu,
Gage d’un avenir si longtemps attendu ?
Verra-t-on, délivrés d’une odieuse chaîne,
Les peuples abjurer la discorde et la haine ?
Et sous l’empire heureux de la fraternité
Pourrons-nous voir bientôt fleurir la liberté !

En avril 1847, pour le banquet de l’anniversaire de la naissance de Fourier, un convive lit une de ses compositions, « Le Banquet fraternel, hommage à Charles Fourier » [10] :

Disciples de Fourier ! enfants de l’harmonie !
Célébrons les vertus, rendons gloire au génie
Du mortel généreux [11] par le ciel inspiré,
Dont la voix fit entendre un langage éclairé ;
Et que cet heureux jour, témoin de sa naissance,
Paye un juste tribut à la reconnaissance.
Modestes travailleurs, vous ne recherchez pas
Le pompeux appareil des splendides repas
Que le faste orgueilleux de l’opulence apprête...
Et vous, dont la présence embellit cette fête,
Mesdames ! votre aspect, si doux à tous les yeux,
Prête un nouvel attrait au charme de ces lieux.
Ici, comme partout, le plaisir suit vos traces ;
Mais vous savez unir la raison et les grâces.
Le siècle vous reproche, avec sévérité,
Dans tous les entretiens, trop de frivolité ;
J’en appelle pour vous d’un arrêt téméraire :
Non, de sages discours ne peuvent vous déplaire,
Car vous avez compris ces grands enseignements
Qui, du monde futur, posent les fondements !
Venez donc vous asseoir au festin de famille,
A ce joyeux banquet où l’égalité brille ;
Gracieux souvenir de ces âges anciens
Si loin de nous, hélas ! où les premiers Chrétiens,
Instruits par Jésus même, à ses dogmes fidèles,
Partageaient leurs repas, agapes fraternelles.
Là, -. comme parmi nous. - tous avaient mêmes droits ;
Les préjugés du rang n’élevaient point la voix,
L’égalité régnait sur un peuple de frères ;
Et ces vaines grandeurs, méprisables chimères,
Ces titres usurpés, rêves d’un fol orgueil,
De ce temple sacré n’osaient franchir le seuil.
Du paganisme alors s’écroulait la puissance,
Et l’empire Romain [sic] voyait sa décadence.
Jésus, de l’Évangile apportant le flambeau,
Vint dans l’obscurité répandre un jour nouveau ;
Mais, après deux mille ans, sa divine morale
N’a pu fonder encor [sic] l’unité sociale.
Des préceptes du Christ, savamment médités,
Fourier révèle enfin les grandes vérités.

Des lois de l’univers réformer le système,
Rendre heureux les humains,... voilà le grand problème
Que, par de longs travaux, il voulut découvrir,
En creusant le sillon, espoir de l’avenir.

Nous la verrons fleurir cette moisson nouvelle
De paix, de liberté, d’union fraternelle !
C’est là le digne fruit de tes soins généreux,
Fourier ! sur tes enfants, veille du haut des Cieux !
Reçois, en ce saint jour, nos chants et notre hommage !
Nous marcherons toujours, pour finir ton ouvrage,
Jusqu’à l’heureux instant, par nos vœux appelé,
Où, relevant enfin le vieux monde ébranlé,
Et de l’humanité consolant la souffrance,
De soulager ses maux nous aurons la puissance !
Tous nos efforts tendront vers un but glorieux :
Protéger, secourir l’indigent vertueux,
Proscrire la misère et son hideux cortège,
Détrôner les abus, l’infâme privilège
Qui, de nos jours encore, ose braver des lois,
Trop faibles pour défendre et maintenir nos droits !

Alors, sur les débris d’un siècle d’athéisme
Où trône, en souverain, l’odieux égoïsme,
Nos yeux verront surgir l’ère de liberté
Et le règne attendu de la fraternité !
Au sein des maux présents cet espoir nous console ;
Tes disciples, Fourier ! ont foi dans ta parole.

Enfin, lors du banquet du 10 octobre 1847, un orateur lit « Fraternité, travail, justice et liberté » [12] :

Après quatre mille ans la parole divine
Vint, par la voix du CHRIST, vengeant l’humanité ;
Aux faibles, aux puissants, enseigner la doctrine
De la FRATERNITE !
En vain, pour étouffer ses accents prophétiques,
Par des juges pervers, l’HOMME-DIEU fut proscrit :
Les grandes vérités des lois évangéliques
Ont, malgré les tyrans, produit enfin leur fruit.

Esclaves de l’erreur, plongés dans l’ignorance,
Les peuples, opprimés sous un joug odieux,
Ont gémi trop longtemps... Le jour de délivrance
Arrivera pour eux !
La force est en leurs mains... Mais, pour servir leur cause,
Ils n’arment point leurs bras du glaive redouté ;
Ils invoquent leurs droits, et leur espoir repose
Sur la sainte équité.

Que veut le travailleur ? un modeste salaire.
Gardez, gardez votre or, favoris de Plutus !
Pour élever ses fils, pour nourrir son vieux père,
Il ne demande pas des trésors superflus.

Instruit par la raison et las de l’esclavage,
Où d’injustes efforts voudraient le retenir,
Le prolétaire attend et souffre avec courage ;
Il croit à l’avenir.

A toi qui nous souris, salut, noble Espérance !
Par ton divin flambeau le monde est éclairé.
Le temps vole toujours et le progrès s’avance ;
S’il marche lentement, son pas est assuré.

Le triomphe s’apprête et votre heure est venue,
Peuples ! FOURIER, lui seul, peut vous affranchir tous.
Voyez vos ennemis, consternés à sa vue,
Frémir d’un vain courroux !
Glorieux conquérant, il annonce à la terre
Ton règne qui s’approche, ô douce EGALITE !
Son bras victorieux grave sur sa bannière :
FRATERNITE ! TRAVAIL ! JUSTICE et LIBERTE !