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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Hering, (Jacques) Théophile
Article mis en ligne le 4 octobre 2013
dernière modification le 22 avril 2021

par Desmars, Bernard

Né le 20 mars 1821 à Barr (Bas-Rhin), décédé le 8 mars 1895 à Strasbourg (aujourd’hui Bas-Rhin, alors Basse-Alsace, dans l’Empire allemand). Préparateur en pharmacie. Souscripteur de la Maison rurale de Ry (Seine-Maritime) et abonné au Bulletin du mouvement social.

Fils du pharmacien Jean Daniel Hering et de Julie Carnari (probablement de la famille de Henri Guillaume Carnari, l’animateur du groupe fouriériste strasbourgeois dans les années 1830), Théophile est aussi le frère d’Edouard Hering, également fouriériste. Il est préparateur en pharmacie à Barr et célibataire.

On ne dispose d’informations concernant son engagement sociétaire que pour la période postérieure à 1871 et donc à l’annexion de l’Alsace et de la Moselle par l’Empire allemand. Il continue à lire les publications sociétaires françaises ; en mars 1873, il s’abonne au Bulletin du mouvement social, dont la parution a commencé au mois de décembre précédent. Il renouvelle constamment son abonnement pendant toute la décennie. Il commande aussi des livres à la librairie sociétaire : La Commune agricole d’Eugène Bonnemère en 1873 [1] ; l’année suivante, il demande l’Etude sur l’émancipation de la femme [2], Suppression des grèves et du prolétariat de F. DumonMeynard [3], La Collectivité, étude sociale de A. de Brevans, et Simples pensées d’un travailleur sur la question sociale. En 1879, il commande Le Vrai Voltaire de Pompery [4] et La Fille du prêtre, du libre-penseur, médecin et écrivain de Louisiane Alfred Mercier [5].

Théophile Hering, comme son frère Édouard, soutient la Maison rurale de Ry (Seine-Maritime), même s’il s’inquiète des difficultés qu’éprouve Adolphe Jouanne, son fondateur et directeur, à rassembler les fonds nécessaires au fonctionnement de son établissement et à recruter localement des élèves en nombre suffisant ; malgré ses doutes, il envoie 100 francs à Jouanne en 1873 [6] ; et il reproche au Bulletin du mouvement social de ne pas suffisamment parler de la Maison rurale :

Je ne dis pas que cette œuvre aura les résultats brillants, dont parle son fondateur ; mais cependant, c’est un essai sérieux et pratique d’éducation harmonique et naturelle et je trouve que tous les vrais socialistes doivent l’encourager et le soutenir selon leurs moyens, malgré quelques divergences d’opinion. Il est bien triste de voir que tout ce qu’on a entrepris jusqu’à aujourd’hui en fait de socialisme pratique ait si peu réussi, ce qui donne naturellement beau jeu à nos adversaires qui ne se soucient guère de rechercher les vraies causes de nos malheurs [7].

Cependant, il reste alors optimisme :

Le mot socialisme fait des progrès dans tous les pays. Ce sera bien par les tâtonnements du garantisme qu’il faudra passer au socialisme véritable et il faut se féliciter de ce que les ouvriers et tous les travailleurs sérieux viennent à comprendre que ce n’est pas par la force brutale ni par le partage des richesses existantes que le progrès matériel et moral de masses pourra s’effectuer.

Théophile Hering reste partisan d’une École sociétaire se tenant à distance des combats politiques, même s’il considère qu’un régime républicain est souhaitable, en particulier pour favoriser le développement de l’instruction du peuple :

Le mal est toujours cette idée que la politique est l’essentiel et la science sociale une question secondaire, voire une question oiseuse, tandis que le contraire est presque toujours le cas. Quand une fois la majorité des hommes sera convaincue de la vérité que chacun a le devoir de travailler à l’amélioration de l’ordre social et que tout effort si petit qu’il paraisse, portera ses fruits, alors on ne verra plus cette indifférence fatale qui est la principale cause de l’ignorance et de l’état misérable de la plupart des habitants des pays civilisés. Espérons que l’établissement de la République véritable se fera bientôt en France et que son gouvernement fera tous ses efforts pour élever l’état de l’instruction qui hélas est encore arriéré.

Cependant, Théophile Hering semble gagné par le pessimisme. En 1875, il renouvelle son abonnement au Bulletin du mouvement social  ; il le lit « toujours avec plaisir quoique ses succès ne soient pas très brillants » ; les temps sont peu favorables pour ceux qui s’intéressent à « l’étude et la construction » de l’avenir. Il regrette l’ignorance du peuple, soumis à l’influence du clergé qui le « conduit comme un troupeau de moutons » ; mais il est aussi critique à l’égard des mouvements révolutionnaires – et probablement de la Commune de Paris : « au moins, il paraît qu’il [le peuple] a perdu l’envie de faire des révolutions à main armée ; il a pu voir à satiété ce que lui rapportent ces coups de main » [8]. Enfin, alors que dans les années 1840, il existait un véritable réseau fouriériste en Alsace, et que des relations entre les militants avaient pu subsister sous le Second Empire, il ressent désormais un certain isolement : « « Comment vont les amis phalanstériens en Alsace, je n’en vois presque plus, il est vrai que les anciens s’en vont peu à peu et les nouveaux sont bien rares ». Toutefois, « continuons l’œuvre aussi bien que possible ; ne nous lassons pas de jeter la semence de l’association libre et volontaire ».

A la fin des années 1870, il continue à soutenir financièrement « la propagation des idées saines du socialisme bienfaisant et humanitaire, qui malheureusement a tant de peine à s’infiltrer dans les cerveaux des habitants de notre planète » [9] ; quand il commande des livres, il ajoute que « si on avait plus de temps, on prendrait plus de livres, mais encore cela ne vaut plus la peine quand on perd la mémoire, suite de l’âge qui vous prend les facultés peu à peu » [10]. Il est aussi abonné aux revues de Riche-Gardon, proche de l’Ecole sociétaire et qui publie des textes francs-maçons ; mais depuis quelque temps, il ne reçoit plus rien : peut-être Riche-Gardon n’a-t-il plus d’argent pour payer l’imprimeur, s’interroge-t-il. De toute façon, « non seulement sa prose est bien sèche, mais c’est toujours la même chose et aucune idée pratique, c’est un homme incompris qui se sera dévoué presqu’en pure perte ». Alors qu’en France, les républicains sont peu à peu en train de s’emparer des centres de pouvoir, il s’inquiète des velléités de revanche de certains d’entre eux : « Comment augurez-vous de l’ère nouvelle de la République française ? Pourvu qu’on reste sage et qu’on ne veuille plus jouer aux soldats ! ». Il est un lecteur de l’organe de la Ligue de la paix et de la liberté, Les Etats-Unis d’Europe [11].