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Cellier-Dufayel (ou Cellier) (Sellier dit), Narcisse-Honoré
Article mis en ligne le 19 avril 2013
dernière modification le 14 mars 2016

par Sosnowski, Jean-Claude

Né le le 9 messidor an XI (28 juin 1803) à Villeret (auj. commune d’Ecouis, Eure). Décédé à Paris (Seine) le 20 août 1857. Ancien notaire à Rouen (Seine-Maritime). Professeur de notariat puis d’improvisation oratoire à Paris. Rédacteur en chef de journaux et auteur d’ouvrages de droit et de littérature. Membre de sociétés savantes dont la Société libre d’émulation de Rouen et l’Athénée de Paris. Ami et disciple de Victor Considerant au début des années 1840. Promoteur du projet de Palais de familles de Victor Calland.

Le notaire devenu homme de lettres et journaliste

Narcisse-Honoré Cellier [1] est le fils d’un domestique, Joseph Grégoire Sellier, lui-même fils d’un journalier et de Marie Marguerite Angélique Vannier. Après avoir été clerc de notaire dans plusieurs études parisiennes, il s’établit comme notaire à Rouen, 30 rue Bourg-l’Abbé à partir du 29 novembre 1830. En juin 1831, admis membre de la Société libre d’émulation de Rouen, il prononce une discours de réception soulignant « combien pouvait être féconde l’action bien dirigée des associations littéraires sur le perfectionnement des hommes [...]. Il arrive à ces conséquences, que la liberté dans nos opinions, la tolérance pour celles d’autrui, et le libre examen, qui se développent si utilement par de fréquentes communications, sont les conditions les plus nécessaires du bonheur des masses et des individus » [2]. Il développe des positions sur « l’application de la physiologie à la législation » [3], sur l’art oratoire et l’improvisation. « Dirigé par des sentiments philanthropiques », il défend les principes énoncés par Jeremy Bentham dans Panoptique, ou Mémoire sur un nouveau principe pour construire des maisons d’inspection, et nommément des maisons de force [4], sur lequel il s’appuie également dans sa Philosophie du notariat [5]. Durant l’été 1833, il ouvre un cours public de notariat [6]. Après 1834, on lui doit « quelques mots à propos d’un projet d’association possible entre les notaires de Rouen pour la mise en commun de leurs bénéfices ; projet considéré comme moyen à employer dans l’intérêt du public, des notaires eux-mêmes et de la science notariale » [7]. En 1837, il appartient à une commission nommée au sein de la Société libre d’émulation de Rouen afin d’étudier à la demande du préfet, l’incidence du déboisement des sommets de la région sur l’atmosphère [8]. Il cède son étude le 16 octobre 1836 et quitte Rouen pour Paris où il réside au cours de l’année 1837, 26 rue Chaussée d’Antin [9], adresse qui devient le siège de toutes ses activités jusqu’à son décès. Il s’investit plus particulièrement dans la presse. Il est rédacteur en chef du journal La Justice en 1839. Il se présente comme ancien notaire et professeur de notariat [10]. En 1840, il enseigne à l’Athénée de Paris [11]. Il est également membre actif de l’Institut historique d’Eugène Garay de Montglave [12]. Il devient rédacteur en chef du journal Le Législateur. En 1845, il est directeur du Génie des femmes [13]. Ce dernier titre, selon ses confrères de la Société libre d’émulation de Rouen,

est un recueil destiné aux femmes, où, sous une forme que l’on s’efforce de rendre agréable, on cherche à leur donner de bons conseils, à leur montrer de salutaires exemples ; seulement, pour rendre son style digne de la chasteté des oreilles auxquelles il le destine, l’auteur supprime certains détails qui, selon lui, doivent toujours leur être inconnus. M. le président craint que cette précaution ne soit portée à l’excès ; il pense que la jeune fille destinée à devenir femme, aura un jour des devoirs tellement sacrés à remplir, qu’ils sont un véritable sacerdoce ; dés lors, il convient de lui donner une instruction réelle, spéciale et forte [14].

Il mêle littérature et philosophie morale à ses articles. En 1846, il dirige L’Improvisateur, journal des matinées littéraires, continuation du Génie des femmes [15]. En 1849, il réédite deux brochures sur « l’avantage [...] d’une connaissance du droit annexée aux études élémentaires » [16], déjà parue en 1839 et sur « la liberté illimitée de l’enseignement » [17] propos déjà tenu en 1844 [18]. En 1850, il se qualifie de professeur d’improvisation oratoire lorsque sa Morale conjugale est publiée. Il acquiert un brevet de libraire à Paris le 23 juillet 1851. Il édite quelques ouvrages d’Emile Badoche [19]. Durant le Second empire, rédacteur en chef du Causeur, il préside le Cercle des transactions commerciales, industrielles et artistiques qu’il fait fusionner avec l’Athénée impérial de Paris en 1853 [20] ; il a permis la reconstitution de ce dernier en 1852 [21] et en est le secrétaire perpétuel et directeur. Il y donne un cours aux

ambitions plus modestes. Il traite de la condition sociale de la femme chez tous les peuples de la terre. Avec son esprit méthodique, M. Cellier ramasse, en passant, les anecdotes malignes et les commentaires saupoudrés de sel. Le professeur s’occupe en ce moment des dames chinoises, des courtisanes du Fleuve-Jaune et des filles de marbre de Péking, et il en parle en homme qui les connaît, sans avoir jamais quitté la rue de la Chaussée-d’Antin [22].

L’ami de Victor Considerant

En décembre 1841, alors qu’il est rédacteur en chef du journal Le Législateur, il correspond avec Victor Considerant, son « cher maître » [23]. Il lui propose de fournir de « petits comptes rendus des séances littéraires de l’Athénée » afin de les insérer dans La Phalange. En échange, Cellier invite Considerant à se « servir des séances pour montrer les points de contact de la doctrine de Fourier avec les questions qui occupent tous les penseurs et même ceux qui ne pensent point. Cela sera de la propagande sûre et de bien bon aloi ». Le projet ne semble pas aboutir. Cellier est également en contact avec Considerant au sujet de la Société phrénologique dont il compte aborder le sujet début 1842. « Le mot de phrénologie devrait remplacer, lui seul, les deux mots : physiologie et psychologie, exprimant la science du physique et du moral de l’homme, [...]. C’est donc dans cette acception complexe que nous l’emploierions ; et c’est ainsi que l’école phrénologique doit l’entendre aujourd’hui pour être comprise » écrit-il avec un certain scepticisme sur le sujet en 1843, dans l’Origine commune de la littérature et de la législation chez tous les peuples [24]. Son investissement au sein de l’Ecole sociétaire semble donc limité et s’atténuer avec le temps. Néanmoins, dans l’un des feuilletons du Causeur universel, il rédige, en 1857, un article sur « Les passions » où il fait référence à Fourier :

Mais voici venir, au milieu d’économistes, le fameux Charles Fourier, ce génie souvent incompris et tout gigantesque, qui a servi de drapeau à je ne sais combien de mirmidons [sic]. Oh ! il ne manque pas de renchérir sur le docteur Georget : « Nos vœux, dit-il, sont pour l’immensité de richesses, de plaisirs et de justice. Une science nouvelle nous ouvre toutes ces voies de bonheur ; elle nous apprend que notre seul tort était de souhaiter trop peu ; que nous devons nous livrer à toute l’étendue de nos désirs ; qu’ils seront satisfaits, puisque nos attractions sont proportionnelles aux destinées » [25].

Cependant, quelques mois auparavant, lorsqu’en mars 1854, il commente le Sauvons le genre humain de Victor Hennequin et la brochure d’Emile Bertrand qui critique cet ouvrage, il est beaucoup moins indulgent envers un ancien condisciple devenu adepte des tables tournantes [26].

Promoteur du Palais de familles de Victor Calland

En revanche, il ouvre largement les colonnes de son journal à la publicité pour l’« Association contre l’élévation du prix des loyers et des vivres, compagnie générale de fondation des palais de familles » [27] de Victor Calland et fait du bureau du Causeur universel, un bureau de renseignements sur la souscription.

« Association contre l’élévation du prix des loyers et des vivres. Compagnie générale de fondation des palais de familles »
Le Causeur universel, 16-30 novembre 1856. (Source : Bnf-Gallica)


Précédemment, à partir de septembre 1856, il rédige, sous une forme épistolaire, une série d’articles intitulée « Les Palais. Palais de familles » [28] vantant les mérites du projet de Calland. Il s’adresse aux femmes et plus particulièrement à sa « cousine ». Après avoir dressé la liste des palais, il poursuit avec emphase :

Attendez... je me trompe... il en fallait un pour compléter la liste, et j’oserai dire couronner l’œuvre : c’était le Palais de Familles. Or, bientôt il va surgir nombre d’établissements s’appelant ainsi, et je vous assure que le nom ne pouvait pas être mieux choisi ; car, je vous le demande, est-il rien de plus précieux à loger, nourrir et choyer que la famille ? N’oubliez pas que jadis les dieux la fréquentaient, comme vous le dit d’ailleurs le prétendu bon La Fontaine. Certains mal-intentionnés osent prétendre que les dieux ont déserté le poste, et que maintenant il est parfois occupé par le diable en personne... sous forme de crinoline, comme le Marouta des Hindous chargé de gonfler les plis de la robe des Bayadères tentatrices, messagères et complices d’Indra pour faire trébucher les sages.
Mais tranquillisez-vous ; s’il en est ainsi, c’est parce qu’il s’attaque aux individus isolés de votre sexe (sans épithète), tandis qu’une fois toutes bien groupées par la puissance de l’association morale, dans un Palais de familles, fortifié par la puissance de vos vertus réunies, le diable et ses cornes, et son pied fourchu, et son langage séduisant et séducteur auront tous tort, comme je vous l’expliquerai bientôt en vous disant ce que c’est que d’un Palais de familles, dans lequel je veux vivre à tout prix, car d’avance je vous y loge, en imagination et quoi qu’on die [29].
[...] j’aurai réponse à tout, grâce à l’aide de M. Victor Calland, qui depuis vingt ans a conçu le projet des Palais de familles, qui en a médité, approfondi l’exécution à tous les points de vue. Lors même que vous seriez une récalcitrante systématique, je vous convertirais à l’idée que je me fais un plaisir et presqu’un devoir d’élucider avec vous [30].

Cellier vante la circulation d’air adaptée, la luminosité et la chaleur de ces logements. Mais le

comble de la félicité terrestre c’est d’échapper aux odeurs nauséabondes et aux émanations méphitiques dont on est poursuivi dans certains logements que je ne voudrais occuper à aucun prix, dût-on me faire propriétaire de la maison et même de la rue tout entière où elle serait. [...] Comme vous le voyez, tout ne sera point fait seulement pour briller à l’extérieur ni pour la simple satisfaction de l’œil en dépit du comfortable [sic] et des exigences de l’hygiène physique et morale bien entendue [31].

Enfin Cellier souligne les délices de La Ferté-sous-Jouarre, « cet Eden moderne » [32], et de la demeure de Calland, Beausite où le projet doit voir le jour.

C’est vis-à-vis de la grille d’entrée de Beausite que se trouve le joli parc fort connu de toute la contrée, en souvenir des fêtes splendides que l’on y donnait jadis et qui attiraient de dix lieues à la ronde une population nombreuse.
Ce parc renferme un immense bâtiment qui était disposé pour ces fêtes mémorables : il est accompagné de terrasse et de vastes salles de verdure pour les ébats de la danse champêtre. Or, d’après les plans qui viennent d’être arrêtés, le palais de familles de Beausite doit occuper la place de ce bâtiment. Et dans son ensemble le nouvel édifice s’étendra sur une superficie de 1 200 à 1 500 mètres : pour cette fois le mot est lâché.
Il doit se composer d’un pavillon central donnant accès à l’intérieur par le vestibule et être complété par un double corps de bâtiment ayant à chaque extrémité deux ailes terminées à leur milieu par deux tours formant les extrémités d’une grande galerie intérieure qu’il faut considérer comme étant le cœur du bâtiment et l’âme de la vie sociétaire dont j’aurai à vous entretenir comme physionomie de mœurs. Cette galerie communiquera avec les appartements généraux, tels que salons de conversation, salons de lecture, cafés, billards, restaurants, buffets, etc., dont chaque habitant du palais aura la disposition en commun pour venir s’y distraire et s’y restaurer lorsqu’il voudra sortir de son appartement particulier, que je vous détaillerai dans ma prochaine lettre [33].

Il reprend le descriptif du projet, soulignant la préservation de la vie de privée de chacun.

Notez maintenant que chaque appartement sera entouré de gros murs en pierre : on y sera enfermé comme dans une citadelle... précaution inutile, car les habitants des palais de familles auront intérêt à être tous des honnêtes gens.
Les appartements doivent être complètement indépendants les uns des autres, et dans l’intérieur de chaque appartement aucune pièce ne se trouvera commandée par une autre pièce.
Enfin aucun appartement n’aura vue sur les autres appartements : de cette manière, toutes les indiscrétions même involontaires deviennent impossibles, et les préceptes du prophète arabe seront d’une pratique toute facile, puisque l’on ne pourra plus enfreindre le Koran [sic] en péchant par l’oreille ni par les yeux [34].

La lettre suivante s’attarde sur le concept de « Solitude et société » [35] dressant un parallèle entre l’expérience de « la machine pneumatique opérant le vide » et « la solitude absolue, l’isolement complet [qui] ne serait autre chose qu’une machine pneumatique morale faisant le vide autour de l’âme » [36]. « [...] Pour répondre aux vues de la Providence nous devons vivre aussi en société... c’est-à-dire dans les palais de familles, car les relations sociétaires y seront si bien ménagées que le profit moral est indubitable [...] » [37]. Cellier s’appuie sur le christianisme [38] pour étayer sa pensée et se situe dans le droit fil du socialisme chrétien de Calland, catholique et phalanstérien.

Sans en citer une seule fois le nom, Cellier reprend la description idéale de la vie au Phalanstère selon Fourier et ses continuateurs. A la liberté de cette vie s’ajoute le loisir « de varier [les] plaisirs gastronomiques » [39]. Les tables du Palais doivent permettre d’en finir avec « la sophistication des aliments » [40] et d’alléger la dépense.

« Palais de familles. VIII »
Le Causeur universel, 16 au 31 décembre 1856, pp. 1-2. (Source : Bnf-Gallica)


Si Cellier s’adresse aux femmes et à sa « cousine », c’est parce que le Palais de familles doit les décharger de toutes les tâches domestiques et de tous les tracas de la gestion des domestiques. Le Palais de familles ne s’adresse pas aux ouvriers mais aux petits rentiers.

[...] sachez que dans les Palais de familles tout le service doit être fait par un personnel qui sera choisi, dirigé, surveillé et rétribué par l’administration générale. C’est seulement avec elle que vous aurez des rapports pour tout ce qui concernera les soins domestiques de toute sorte que vous pourrez demander qui vous soient rendus à des conditions satisfaisantes, par le personnel dont il s’agit. Et au moyen d’une combinaison des plus heureuses, les choses seront arrangées de telle façon que ce personnel aura un intérêt évident à être toujours d’une moralité parfaite et d’une probité toujours irréprochable [...] [41].

Aphorisme du jour :
Les sectes suffisent à elles seules à guider la politique humaine dans le labyrinthe des passions
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