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Collenot, Jean-Jacques
Article mis en ligne le 3 mars 2013
dernière modification le 12 octobre 2022

par Sosnowski, Jean-Claude

Né à Moux-en-Morvan (Nièvre) le 21 janvier 1814. Décédé le 23 septembre 1892 à Semur-en-Auxois (Côte-d’Or). Notaire jusqu’en 1848 puis rentier. Sous-commissaire de la République pour l’arrondissement de Semur-en-Auxois en 1848. Membre de commissions municipales extraordinaires en 1848 et 1870. Correspondant de l’Ecole sociétaire pour le groupe phalanstérien semurois sous la monarchie de Juillet. Actionnaire de la Société civile et immobilière de la colonie de Condé en 1862. Actionnaire de la Société en commandite Noirot et Cie en 1867 puis de la Librairie des Sciences sociales en 1870. Adhérent de la Solidarité universelle en 1883. Membre de la Ligue du Progrès social en 1886. Vice-président du Cercle bourguignon de la Ligue de l’Enseignement à Semur-en-Auxois en 1872-1873. Fondateur en 1842 et membre dirigeant de la Société des Sciences naturelles et historiques de Semur-en-Auxois. Membre de la Société géologique de France. Officier de l’Instruction publique.

Une famille marquée par la Révolution française

Photographie de Jean-Jacques Collenot en 1864
Crédits : Photographic Dijon ; collection Musée de Semur-en-Auxois (Côte-d’Or).

Jean-Jacques Collenot est le fils, semble-t-il unique, de Joseph-Alexandre Collenot, notaire à Précy-sous-Thil (Côte-d’Or) et d’Elisabeth-Cécile Jacquin. Il naît au domicile de son grand-père, Jacques-Jean Collenot, également notaire résidant à Bize, hameau de Moux, témoin de sa naissance. En 1789, Jacques-Jean Collenot est le rédacteur du cahier de doléances de la paroisse. Il est élu conseiller général du district de Château-Chinon (Nièvre) et est membre titulaire du Directoire du département de la Nièvre en septembre 1791. Avec la Convention, en novembre 1792, il devient conseiller général du département et membre du Directoire comme ses beaux-frères Louis et Pierre-Claude-André Rasse. Le 6 décembre, il est élu Directeur. En juin 1793, les administrateurs du département dont Collenot s’opposent aux actions des représentants en mission, Collot d’Herbois et Laplanche, et s’adressent à la Convention. Forestier est député par la Convention à Nevers. Il réunit l’assemblée départementale et les corps constitués de la ville de Nevers. Parmi d’autres, Jacques-Jean Collenot est désavoué, destitué et emprisonné. Lui est reprochée une adresse de juillet 1791 s’opposant à tout coup de force pouvant mettre en danger l’autorité du Roi et des représentants du peuple. La Société populaire de la ville semble vouloir régler quelques comptes. En avril 1794, une assemblée est réunie au Temple de la Raison de Nevers et doit se prononcer sur le sort de cent cinquante-six détenus dont Collenot qui doit son salut au fait « qu’au commencement de la révolution, il s’étoit [sic] montré dans les bons principes » [1]. Il évite l’échafaud mais est maintenu en prison jusqu’à la réaction thermidorienne de juillet 1794. Il retrouve son siège au sein de l’administration départementale et est maire de Moux de 1795 à 1797. Jacques-Jean Collenot a épousé Antoinette Rasse, sœur de Pierre-Claude-André Rasse, curé de Voudenay (Côte-d’Or), démissionnaire en mars 1794, alors engagé comme gendarme à Arnay-le-Duc (Côte-d’Or) [2]. Ses nouvelles fonctions lui auraient permis, selon le témoignage qu’il laisse à Jean-François Baudiau [3], de sauver quelques familles victimes de la Terreur. Redevenu curé en l’an X (1802), il est affecté à la cure d’Alligny-en-Morvan (Nièvre) en 1805. En janvier 1814, puis lors des Cent-Jours, il n’hésite pas à reprendre les armes et est à la tête des maquisards qui s’activent face à l’occupant à la lisière de la Côte-d’Or, de la Nièvre et de la Saône-et-Loire. Mais l’abdication de Napoléon 1er le conduit devant le conseil de guerre. Il échappe à l’exécution grâce à l’intervention de l’évêque d’Autun. En 1817, il obtient la cure de Moux. Il est le parrain de Claude-Pierre Collenot, - l’un des frères de Jacques-Jean Collenot -, alors avocat résidant également à Bize, autre témoin de la naissance de Jean-Jacques Collenot.

Au sein de cette famille, le père de Jean-Jacques Collenot est en 1816, selon Hervé de Tocqueville, préfet de la Côte-d’Or, une des personnes exerçant une mauvaise influence sur la commune de Précy-sous-Thil, néanmoins cette influence ne lui semble pas dangereuse et ne peut conduire au soulèvement du peuple [4]. La famille s’installe à Semur-en-Auxois en 1824. Jean-Jacques Collenot reprend l’étude de son père en 1840. Le 5 octobre 1842 à Flavigny-sur-Ozerain (Côte-d’Or), il épouse Claudine Julie Labouré, née en 1823 à Auxonne (Côte-d’Or). Celle-ci, mineure, est la fille d’un chef d’escadron à la retraite. Sa mère est décédée depuis 1824. De cette union naît Elisabeth-Cécile le 11 août 1843 à Semur-en-Auxois. En 1846, il est électeur censitaire départemental pour un cens de 319,36 francs dont plus de 200 francs au titre de la contribution foncière. Sa contribution municipale s’élève à 93,74 francs. Jean-Jacques Collenot appartient à cette « bonne bourgeoisie toujours bien pourvue en terres,[...] par là même fortement intégrée au milieu local » [5]. L’épouse de Jean-Jacques Collenot décède brutalement le 27 décembre 1847. Jean-Jacques Collenot vend son étude en juillet 1848 et vit alors de ses rentes. Collenot est pleinement investi dans la vie sociale et culturelle locale. Il participe à la fondation de la Société des sciences en février 1842 et en occupe diverses fonctions dont la vice-présidence en 1852, puis la présidence en particulier en 1884. Il s’illustre en 1873 en publiant une Description géologique de l’Auxois, qui confirme ses compétences de géologue. Avec son gendre Jean-Baptiste Emile Bochard et son ami Eugène Bréon, il fait don à la ville d’une collection géologique de renommée internationale conservée au Musée municipal.

Correspondant de l’Ecole sociétaire pour le groupe phalanstérien semurois

Collenot est abonné à La Phalange au moins depuis le 5 février 1841 [6]. Il est un des contacts de l’Ecole sociétaire en 1844. François Cantagrel lors d’une tournée en province fait halte à Semur-en-Auxois en novembre 1844 afin de présenter la politique éditoriale de La Démocratie pacifique et l’orientation de l’Ecole sociétaire. Il est accueilli à la diligence par « Collenot, fils » [7] écrit-il, ce qui laisse penser que Joseph-Alexandre est probablement également un partisan. Cantagrel est invité à dîner chez Collenot et y retrouve Hector Gamet et son épouse, Simon-Charles Rasse. Au passage, il note que l’épouse de Collenot est une « jeune femme charmante ». Les convives assurent leur fidélité au centre parisien. Ils « approuvent la pétition, notre marche, sont tout à nous, et prêts à souscrire pour aider l’acquisition d’un feuilleton. Mais ils conseillent de conserver le Bulletin, disant que lorsqu’au moyen du feuilleton, nous aurons eu beaucoup d’abonnés, le Bulletin en retiendra en partie ». Le groupe paraît se structurer, « c’est Collenot qu’il faut inscrire comme correspondant de Semur, il est plus sédentaire que Gamet » souligne Cantagrel. Au printemps 1846, le nom de Collenot est cité parmi les relais de la campagne de souscription en faveur de la Pologne insurgée, lancée par La Démocratie pacifique dès le 8 mars. Une souscription, ouverte « dans les études des quatre notaires de Semur » [8], doit conduire à une campagne publique d’affichage refusée par le maire de Semur-en-Auxois [9]. Des affiches sont néanmoins apposées « dans les cafés, restaurants, hôtels et autres lieux publics » mais c’est Gamet qui orchestre la campagne [10].

L’adhésion de Collenot aux principes phalanstériens est connue publiquement en avril 1846. Avec Hector Gamet, il accueille Jean Journet et un condisciple local Jean-Baptiste Chauvelot dit Barnabé pour trois réunions publiques d’exposition de la doctrine phalanstérienne du 27 au 30 avril 1846 [11]. Ces réunions se tiennent dans une des salles de l’ancien tribunal désaffecté mis à la disposition de la Société des sciences depuis 1844 par la municipalité [12]. Ces conférences rencontrent un succès relatif. Si près de quatre-vingt auditeurs participent à la première soirée selon les rapports des autorités, ce sont près de deux cent personnes qui assistent à la dernière conférence selon Victor Hennequin [13]. Mais l’événement a un retentissement pour d’autres raisons que celles espérées. Jean Journet insulte le représentant local des radicaux, Hippolyte Marlet, venu apporter la contradiction lors de la troisième séance. Marlet édite dans les jours qui suivent une brochure présentant la doctrine phalanstérienne comme « fausse [...], immorale et athée [...], subversive à l’ordre social » [14]. La polémique se développe alors que la colonie sociétaire de Cîteaux est en cours de liquidation et est présentée comme une invalidation des théories sociétaires [15]. L’Ecole sociétaire doit se désolidariser publiquement de « l’apôtre » Journet [16]. Jean-Jacques Collenot [17] puis Hector Gamet [18] publient une réponse aux critiques de Marlet. Collenot s’évertue à énoncer des fondements métaphysiques à la pensée de Fourier afin de répondre aux accusations de Marlet [19]. Il reprend scrupuleusement la théorie des passions, s’appuyant sur Hippolyte Renaud [20], et reprend textuellement Victor Considerant lors de ses conférences dijonnaises de 1841 pour développer le principe de l’Association, réponse sociale fouriériste aux maux de la civilisation. « Le scandale causé ici par Journet l’a vivement affecté » écrit Hennequin le 17 juin 1846 lors de sa halte semuroise prévue initialement pour donner des leçons publiques. « Il pousse la prudence un peu loin [...]. Le sous-préfet a déclaré qu’il n’autoriserait plus aucune exposition phalanstérienne. M. Collenot n’a osé faire aucun effort pour modifier cette décision ». Hennequin doit à regret se contenter de trois cours dans le salon de Collenot, affirmant que même si depuis le passage de Journet, les Semurois s’interrogent sur la doctrine, il aurait eu un public assuré sans ce scandale : « beaucoup d’habitants de Semur ont refusé de venir hier chez M. Collenot prétendant qu’ils en savaient assez long sur le compte des fouriéristes » [21]. Si le nombre d’auditeurs croît au fil des séances, il ne dépasse pas la quarantaine. Marlet, convié par Collenot, « a très pacifiquement assisté à [la] dernière leçon » [22].

Hennequin prend connaissance des réponses que Collenot et Gamet souhaitent publier. Ce dernier, à son goût, a montré « plus de zèle que de talent et de mesure, M. Collenot imprime sur le sujet une brochure excellente, je l’ai vue en manuscrit ». Il note une rivalité entre les deux propagateurs phalanstériens semurois. « Il existe entre M. Collenot et M. Gamet, ces deux colonnes [sic] de la propagande à Semur comme les appelait Barnabé, une cabaliste [23] tournée toute entière au bien de l’école ; c’est à qui des deux fera le plus et le mieux. Ces deux messieurs sont amis ». Ce séjour est l’occasion pour Hennequin de livrer les portraits de Fourier par Calamatta d’après Gigoux qui ravissent Collenot, « fort satisfait de l’expression de la tête » [24].

Conformément au propos énoncé dans sa réponse, « nous n’aimons pas poser devant le public » [25], Collenot reste en retrait lors de la campagne législative de juillet 1846 à la différence de Gamet. En février 1847, Hennequin note que « Collenot déplore toujours le passage de Journet et sa malheureuse apostrophe à M. Marlet » [26]. Collenot apparaît avant tout comme un homme de lecture à l’image de la conclusion qu’il donne dans sa réponse aux attaques de Marlet :

nous conjurons donc les personnes qui s’intéressent au sort de l’humanité et qui sont effrayées des immenses problèmes que notre siècle est appelé à résoudre, d’étudier sans prévention les ouvrages de Fourier et de son école, et de [se] prononcer en conscience après avoir lu [27].

Son tempérament reconnu de modérateur le conduit à devenir un acteur de la Seconde République.

Une « influence conciliatrice » [28]

Dès le 29 février 1848, il est désigné, aux côtés de deux membres du conseil municipal semurois, Matry avocat et Rignault avoué, pour faire partie de la « Commission exécutive pour la Mairie » qui s’est constituée, lors d’une réunion de citoyens à l’hôtel de ville, « à l’occasion des évènemens [sic] du jour et de la révolution qui vient de proclamer la République à Paris » [29]. La première mesure proposée par la commission exécutive est alors de convoquer le conseil municipal et de demander l’adjonction de « deux citoyens ouvriers à l’effet de maintenir l’ordre dans la ville [...] et de prendre au besoin toutes les mesures nécessaires pour donner au gouvernement provisoire de Paris, la stabilité et la force dont peut avoir besoin un pouvoir succédant à un système désormais impossible en France ». Il est désigné par le Comité électoral républicain de Semur dont il est trésorier, avec huit autres « patriotes » [30] dont Hector Gamet et Hippolyte Marlet, pour être inscrit sur une première liste des candidats susceptibles de représenter l’arrondissement aux élections législatives d’avril 1848 [31]. Les divisions locales et les tractations départementales font qu’aucun des candidats n’est retenu. Collenot est également nommé délégué pour présider la commission destinée à mettre en place le conseil de la commune en mars 1848. Il est choisi par le sous-commissaire de la République, Antoine Maire, du fait de son « influence conciliatrice [qui] ramènera certainement le calme et la bonne intelligence dans la commune » où les démocrates « ne forment pas un corps bien homogène » [32]. Il continue à participer aux séances du nouveau conseil municipal [33]. Antoine Maire met en place une commission exécutive sous-préfectorale de cinq membres dont Collenot. « Attendu que ses affaires personnelles le rappellent à Dijon », il le désigne comme successeur [34]. Collenot est nommé sous-commissaire de la République pour l’arrondissement de Semur-en-Auxois par arrêté du 4 mai 1848 [35].

Partisan de la République démocratique et sociale

Quelques rapports établis lors de son exercice de sous-commissaire permettent d’éclairer sa position. Collenot préconise quelques mesures dont « la fondation d’une école où l’agriculture et les sciences accessoires seraient publiquement enseignées au chef-lieu d’arrondissement » [36], reprenant un élément du programme de l’Ecole sociétaire mais dépassant largement le cadre phalanstérien [37]. Il souhaite assurer la mise en place du régime, demande un droit de surveillance des « maisons d’éducation religieuse » et l’installation d’une brigade de gendarmerie à Flavigny, chef-lieu de canton marqué par son « esprit réactionnaire ». Il émet des réserves sur le mode de désignation des maires et sur les risques de l’élection qui se prépare. « L’administration deviendra fort difficile si le choix des maires n’appartient pas aux préfets dans l’avenir ; car l’esprit de coterie est poussé au dernier degré dans la campagne. Il serait même à désirer qu’en sus des membres du conseil municipal, les électeurs désignassent un nombre égal de citoyens, afin que l’administration put choisir le maire parmi ces deux catégories ». De cette manière, conclut-il, « il serait plus difficile aux cabales d’éliminer les hommes capables et honnêtes ». Bien qu’acquis à la Révolution de février 1848, Collenot n’est toujours pas persuadé des vertus immédiates du suffrage universel. Alors que les premiers résultats d’une élection complémentaire législative lui sont transmis, il s’inquiète des scores bonapartistes (283 voix sur 1270 votants à Semur-en-Auxois, 64 sur 1385 à Vitteaux). « Que le résultat soit l’effet d’un sentiment spontané ou d’intrigues secrètes, il n’en est pas moins vrai que pour beaucoup d’habitants des campagnes, la République est impossible, qu’il faudra nécessairement un maître et que ce maître s’appellera Napoléon ». Le bruit court, ajoute Collenot, que ce dernier « paierait la moitié de la dette publique ».

Lors des journées populaires de juin 1848, il lance un appel « à tous les hommes de bonne volonté » afin de prendre les armes pour défendre « la République démocratique en péril » [38]. Il ne s’agit pas pour autant d’écraser la révolte mais de « réunir des forces imposantes afin d’empêcher l’effusion de sang de nos frères égarés [par la] démagogie et la réaction ». Deux cents gardes nationaux suivis par des ruraux partent le jour même pour Paris afin de défendre les élus issus du suffrage universel. Reprenant l’esprit de clémence de La Démocratie pacifique [39], le 27 juin, il fait afficher dans toutes les communes des environs, un appel réclamant la pitié pour les vaincus. « Le sang a trop coulé. Pitié pour les vaincus ! Ce sont nos frères, ne les réduisez pas au désespoir. Toute représaille [sic] serait une lâcheté et une trahison aux intérêts de la démocratie » [40]. Collenot demande aux conseils municipaux de « voter tous les fonds nécessaires pour subvenir aux besoins des malheureux [...]. Pour les hommes valides, point d’aumône dégradante, mais du travail ; pour les blessés et les faibles, secours et assistance ».

Mais, le gouvernement Cavaignac exclut tous les fonctionnaires suspects de complaisance envers les insurgés. A la mi-juillet, le préfet du département de la Côte-d’Or, Morel, ancien notaire radical de Haute-Saône, qui a alors le tort d’avoir été mis en place par le député, ancien commissaire du gouvernement provisoire, James Demontry, est démis de ses fonctions. Dans un rapport du 1er juillet 1848, le préfet Morel avait, quant à lui, recommandé Collenot. De ce fait, il se trouve à son tour remplacé par un combattant de juin, Hippolyte Lambert, directeur de société [41]. Néanmoins, à la suite de la proclamation des élections de juillet 1848, le premier acte du conseil municipal semurois, installé le 18 août 1848, est d’offrir des « remerciemens [sic] à M. Collenot sur la manière digne, probe et vraiment républicaine avec laquelle il a administré l’arrondissement. [Il] voit avec regret qu’il n’ait pas été continué dans sa fonction » [42].

Lors des élections de 1849, Collenot s’engage au sein du Comité électoral démocratique du département qui défend le programme de la Montagne [43]. Président [44] ou vice-président [45], selon les sources, du comité semurois, Collenot conduit la délégation de l’arrondissement de Semur-en-Auxois au Congrès électoral démocratique de la Côte-d’Or qui se tient à Dijon.

Fidèle à la doctrine phalanstérienne

Durant toute cette période, il reste en contact avec La Démocratie pacifique [46], s’inquiétant en mai 1848 de la durée de son abonnement, effectuant divers versements. En mars 1851, il est même attendu « avec grand plaisir » au siège de l’Ecole sociétaire. Néanmoins, il abandonne apparemment toute activité politique publique et se consacre à la géologie reprenant une activité au sein de la Société des Sciences. Cependant, son intérêt pour la cause phalanstérienne demeure. En 1854, il est destinataire d’Au Texas de Victor Considerant. Une note résumant une des ses correspondances est adressée à Victor Considerant. « A la lecture du livre, je me suis d’abord senti émerveillé » [47] écrit-il. Il indique clairement qu’il ne peut cependant « faire partie de l’immigration pour des raisons puissantes de famille ». S’il pense « faire en temps et lieu des provisions de graines et de noyaux » pour les semences des colons, souscrire « pour 1 000 f., payables par portions, à la société de colonisation si les statuts lui paraissent satisfaisants » et verse déjà vingt-cinq francs, auxquels il ajoute autant « pour les dettes de l’école », son enthousiasme initial tombe rapidement ; son nom n’apparaît pas parmi les actionnaires, « la réflexion arrivant, j’ai trouvé qu’il serait convenable avant tout de payer les dettes de l’Ecole. J’ai trouvé aussi qu’au temps où nous sommes, il y a une grande torpeur et un grand refroidissement dans les dévouements et aussi une grande gêne générale, par conséquent que vous couriez chance d’avorter faute de capitaux ». L’auteur de cette note ne manque pas de souligner les propos de Collenot et ajoute à son destinataire, « Canta te dira ce que Collenot a toujours été pour la cause. C’est un de ceux à qui tu feras bien d’écrire ». Malgré ses doutes, il n’abandonne pas ses condisciples ; « je n’ai pas cru devoir rester en arrière et j’ai voulu concourir pour ma part ».

Il devient actionnaire de la société civile immobilière qui possède les terrains et bâtiments de Condé en 1862 [48]. En 1867 et malgré sa gêne financière, en plus de s’abonner à La Science sociale, il est détenteur de deux actions de cent francs de la Société en commandite Noirot et Cie établie le 31 mai 1866. En février 1870, il possède trois actions de la Librairie des Sciences sociales pour un montant de cent cinquante francs. Il donne pouvoir à Pellarin en juillet 1872 pour le représenter à l’assemblée générale du 9 juillet de la Société et lui demande de voter pour le maintien de la Librairie. Il contribue également à l’appel exceptionnel de fonds lancé cette même année. En 1872, il s’engage pour une action quand est projetée la Société des Etudes sociales. Il est également abonné au Bulletin du mouvement social, probablement dès 1872. En 1880, il est encore souscripteur à la Librairie ; il déclare alors :

je suis vieux et malade et ne puis prendre des engagements pour l’avenir. D’un autre côté mes ressources sont bien atténuées [...]. J’ai concouru autant que je l’ai pu aux efforts de l’école ; mes forces physiques et pécuniaires sont à bout. [49]

Mais malgré tout, il adresse encore cent francs. En 1883, il figure sur une liste d’adhérents de la Solidarité universelle, association créée au début des années 1880, par Jouanne, le fondateur de la Maison rurale de Ry. Cette société philanthropique souhaite créer des colonies pour enfants placés par l’Assistance publique. En 1886, Collenot est parmi les cent-six membres de la Ligue du Progrès social [50] qui veulent relancer le militantisme phalanstérien et appellent « à la réalisation d’un domaine sociétaire » [51], association agricole et domestique, prélude à la future association intégrale.

Localement, très brièvement en 1870, il participe à une commission que le conseil municipal de Semur-en-Auxois, alors démissionnaire et contraint de revenir sur sa décision, doit s’adjoindre « à titre provisoire et en raison des circonstances actuelles » [52]. Après 1870, il est membre du Cercle bourguignon de la Ligue de l’Enseignement à Semur-en-Auxois fondé durant l’hiver 1870-1871. Il en est l’un des vice-présidents en 1872 mais démissionne l’année suivante avec d’autres membres sans que le président puisse le faire revenir sur sa décision dont la motivation reste inconnue [53]. La ville de Semur-en-Auxois garde encore le souvenir de Jean-Jacques Collenot. Mais en donnant son nom à la rue de la Bibliothèque de son vivant même, le conseil municipal de Semur-en-Auxois tenu le 6 juin 1891 ne considère alors que sa « valeur scientifique [...] indiscutable », pour le porter au rang des « bienfaiteurs de la ville » [54]. Collenot est par ailleurs membre de la Société géologique de France, officier de l’Instruction publique. Son décès est déclaré par son gendre le docteur Bochard et son ami Eugène Bréon. Des obsèques religieuses ont lieu à l’église Notre-Dame de la ville le 25 septembre 1892. Aux côtés de sa fille et de son gendre, « M. et Mme Victor Locquin et leurs enfants » annoncent le décès de « leur oncle » [55]. Victor Locquin est l’un des fondateurs du socialisme nivernais. Venu du radicalisme au Parti socialiste français en 1902, il a tenté « d’appliquer les thèses de Fourier et Proudhon dont il était nourri » [56]. L’un de ses fils, l’ancien député socialiste Jean Locquin revendique encore sa parenté avec Collenot lors la campagne sénatoriale de 1932 dans la Nièvre [57], sans pour autant faire référence à son engagement phalanstérien.