Né le 5 novembre 1803 à Landerneau (Finistère), décédé le 16 janvier 1876 à Condé-sur Vesgre (Seine-et-Oise, aujourd’hui Yvelines). Agriculteur, saint-simonien puis fouriériste. Membre de la colonie sociétaire de Cîteaux et du Ménage sociétaire de Condé-sur-Vesgre.
Jean Foucault nait le 13 brumaire an XII (5 novembre 1803) dans la commune de Landerneau [1] où son père est maître de poste. Devenu agriculteur sur la commune de Guipavas, il y exploite une petite ferme au lieu-dit Penfrat [2]. Il y expérimente les techniques nouvelles d’assolement.
En septembre 1831, les saint-simoniens Édouard Charton et Hippolyte Rigaud, qui organisent une série de conférences dans l’Ouest de la France, séjournent à Brest. Ils doivent repérer des adeptes, créer des groupes et diffuser l’enseignement du mouvement [3]. Parmi les quelques personnes convaincues par le message saint-simonien se trouve Jean Foucault, ami de Charles Pellarin, alors chirurgien à Brest. Ce dernier, parti rejoindre la communauté de Ménilmontant, la quitte après six semaines et entretient aussitôt une correspondance avec Foucault, expliquant sa conversion au fouriérisme :
Le but après tout est si beau. Mais les ouvrages de Fourier qu’on ne se souciait guère de nous voir lire, me sont tombés entre les mains. (…) M. Fourier est d’une grande simplicité ; il parle avec bonhomie et juge avec beaucoup de finesse. Il citait hier quelques journaux qui s’étaient occupés de sa théorie, et il signalait d’un mot les erreurs où ils étaient tombés. Il est calme sans affectation, et je ne l’ai pas entendu déblatérer contre M. Enfantin et ses apôtres, comme j’aurais pu m’y attendre d’après ce qu’on m’avait dit de lui à Ménilmontant. Si je puis me créer à Paris des occupations qui subviennent à mon existence, j’y demeurerai. Quant à vous, cher Foucaut (sic), moissonnez vos blés, soignez vos trèfles ; c’est ce qu’il y a de plus positif et de moins trompeur en fait de moyens de concourir à l’amélioration du sort de nos semblables. Gardez cependant toutes vos espérances dans l’avenir heureux de l’humanité elles me paraissent plus fondées que jamais [4].
Alors que Pellarin a rejoint le cercle des rédacteurs du Phalanstère, Jean Foucault est nommé maire de la commune de Guipavas (1835-1838) [5]. Abonné à La Phalange, il participe à la propagande et à la diffusion des ouvrages de l’Ecole sociétaire (notamment des livres de Considerant) avec ses amis Joseph Pouliquen, de Landivisiau, et Nicolas-Alexandre Bourguignolle, architecte installé à Guipavas comme cultivateur. Joseph Pouliquen souligne que « MM. Contant et Foucault avec lesquels je suis intimement lié, agissent dans leur localité, comme moi dans la mienne. Plus heureux que nous deux, Contant se trouve placé dans une ville populeuse où on peut rencontrer à chaque instant l’occasion de faire connaître les idées sociétaires ; Foucault habite un petit bourg… » [6]
En juillet 1837, Bourguignolle et Foucault participent à la souscription qui a pour but de réunir l’argent nécessaire à l’élaboration des plans d’un futur phalanstère par une promesse d’un don commun de 1500 francs [7] : « nous adhérons complètement à l’emploi que vous jugerez convenable d’en faire en tant qu’il aura pour objet de hâter la réalisation des idées de M. Fourier. » Lors des tensions au sein de l’École sociétaire pendant l’été 1837, il est informé par les dirigeants de l’École des risques de dissidence. Il répond alors à Victor Considerant qu’il se range derrière lui [8] (N.B. : l’orthographe des noms de personnes citées dans la lettre n’a pas été rétablie).
Guipavas, le 2 septembre 1837, Mon cher Monsieur Considérant, Il n’y a que peu de jours que j’ai eu connaissance par notre ami Contant, de la cotisation formée pour mr. F. [Fourier]. Je m’empresse d’y souscrire. Puissent ces témoignages de sympathie adoucir les peines de ce nouveau messie. Je profite d’une occasion pour vous adresser 50 F. dont 25 F. pour mr F. 12 F. pour mr Morize en remboursement de 4 exemplaires de la brochure sur six adressés à Le Pontois librairie Brest. Pelarin a dans le temps disposé des 2 autres. Le surplus est pour mon abonnement à la Phalange, avec la quelle je ne sais pas où j’en suis. Sur la présentation de cette lettre qui vous parviendra par la petite Poste, vous voudrez bien toucher la somme ci-dessus chez Mme Lyon, épouse d’un officier en garnison à Paris et demeurant chez Mr Turquet, rue Desnoyers, 29 [9]. Mr et Mme Bourguignolle se trouvant en voyage, je n’ai pas pu leur parler de la cotisation. J’ai reçu hier votre lettre confidentielle que j’avais lue la veille chez Contant. La dissidence dont il est question n’était point encore connue de nous, mais quoiqu’il en soit, vous pouvez nous compter du nombre qui fondent leur plus chère espérance sur votre beau talent et sur votre noble dévouement. Agréez, Monsieur, l’expression de ma haute estime et de ma vive affection. Foucault (Archives nationales, fonds Fourier et Considerant, 10 AS 38 (681 Mi 63).
Il cesse alors de participer au projet d’Union phalanstérienne, soutenu à Brest par E. de Pompéry et J.-R. Allanic et cotise à une souscription en faveur de Fourier le même mois.
En 1838, il se sépare de son exploitation agricole et s’installe à Brest, comme agent de change. Il abandonne alors sa charge de maire de Guipavas. La profession d’agent de change étant réglementée, notamment par le dépôt obligatoire d’une caution de 6000 francs pour pouvoir exercer, il est possible d’évaluer l’aisance de Foucault. Le 3 octobre, il est reçu apprenti à la loge maçonnique des Élus de Sully. Jean-René Allanic, autre fouriériste est reçu lors de la même cérémonie. Foucault dépasse le grade de Maître, ce qui montre une fréquentation régulière de la loge, jusqu’à son départ pour Cîteaux. Il cède son officine à un ami phalanstérien brestois, Louis-Émile Calbrie.
Il participe avec plusieurs amis finistériens, à l’expérience de la colonie de Cîteaux [10] à partir de l’automne 1841. Il rejoint Condé-sur-Vesgre, où à partir de 1850, la Société Baudet-Dulary, Lenoir, Boissy et Cie (parfois appelée « Société des cartonniers ») a été remplacée par le Ménage sociétaire, qui lui loue les locaux. Jean Foucault participe à la création du Ménage sociétaire, avec son ami Pouliquen. Il habite à Condé en compagnie de Pouliquen « propriétaire associé », d’Hyacinthe Madaule, capitaine du Génie, et sa famille, de Georgine Dangremont (veuve Moreau) et de sa fille, Stéphanie Moreau [11].
En 1860, le bail prend fin et la Société Baudet-Dulary, Lenoir, Boissy et Cie n’existant plus, quelques phalanstériens se portent acquéreurs du domaine le 22 juillet. Puis une société, La Colonie, est créée le 11 novembre de la même année. Foucault écrit les statuts de cette société civile immobilière et en est successivement syndic (d’avril 1861 à avril 1863, puis de 1864 à 1867) et administrateur (de 1867 à la fin 1875) [12]. Il suit l’évolution du mouvement phalanstérien, est abonné à La Science sociale par l’intermédiaire de Pouliquen (ce dernier l’avait déjà abonné à La Phalange en 1836).
En décembre 1875, ses problèmes de santé l’empêchent de remplir ses fonctions normalement, et un autre colon est nommé pour le suppléer [13]. Il vit à La Colonie jusqu’à sa mort, le 16 janvier 1876 [14]. Son ami Joseph Pouliquen signe l’acte de décès, comme témoin. Un dernier hommage lui est rendu par Charles Pellarin le 7 avril 1876 [15]. Ce dernier prononce son éloge funèbre, retraçant son parcours depuis 1831 et évoquant le découragement qui le gagnait, ne voyant pas l’œuvre phalanstérienne se réaliser. Des fondateurs de la Colonie, il ne reste plus que Baudet-Dulary et Pouliquen ; la Colonie n’est plus alors considérée « comme un « germe sociétaire », s’inscrivant dans la longue évolution menant vers la vie harmonienne. » [16]
[1] État-civil de Landerneau, archives départementales du Finistère, 1 MI EC 126/2 – Naissances (an XII -1819), vue 11/617.
[2] Le lieu n’existe plus, l’aéroport de Brest y a été construit. Sa sœur, Marie Julienne, habite le village avec son mari, boulanger. Jean Foucault dispose d’un ouvrier agricole qui vit sur l’exploitation avec sa famille.
[3] Édouard Charton évoque ce voyage en Bretagne, dans un opuscule publié après sa rupture avec le saint-simonisme, Mémoire d’un prédicateur saint-simonien, Paris, La revue Encyclopédique, janvier 1832 : « Assoupi et rêveur dans une diligence des messageries royales, sur la route d’Orléans à Paris, je revenais d’une mission dans la Bretagne, dans l’Aunis et la Saintonge. J’avais prêché dans des salles de bal, de spectacle, de jeu de paume, à Brest, à Lorient, à Nantes, à Rochefort. J’avais fait œuvre d’apôtre dans les voitures, dans les hôtels, dans les cafés, sur les vaisseaux ; j’avais discuté avec les journalistes et les savants de province, avec les maires et avec les commissaires. »
[4] Charles Pellarin, Souvenirs anecdotiques : médecine navale, saint-simonisme, chouannerie, Paris, Librairie des sciences sociales, 1868, p. 142-143.
[5] Guipavas est alors une commune rurale, très étendue, à la population nombreuse (5312 habitants en 1841).
[6] Joseph Pouliquen, Archives nationales, Fonds Fourier et Considerant, 10 AS 41 681 MI 71.
[7] Archives nationales, Fonds Fourier et Considerant, 10 AS 38, 681 Mi 63, lettre de Foucault, 18 juillet 1837.
[8] Archives nationales, Fonds Fourier et Considerant, 10 AS 38, 681 Mi, Foucault à V. Considerant, 2 septembre 1837.
[9] Théodore Turquet, était un condisciple de Charles Pellarin à l’école de santé navale de Brest. Ami intime de Pellarin et présent à Paris afin de préparer sa thèse de doctorat, il fait partie du petit groupe qui soutient Pellarin, lors de sa sortie de la communauté saint-simonienne de Ménilmontant. Le fait que Foucault le connaisse très bien souligne leur proximité idéologique : on peut penser que Turquet faisait partie du noyau saint-simonien brestois.
[10] Thomas Voët, La colonie phalanstérienne de Cîteaux, 1841 – 1846, les fouriéristes aux champs, Dijon, EUD, 2001, p. 58. On y trouve notamment Pérénès, Guiastrennec, Contant et Bourguignolle. Ces fouriéristes finistériens ont en commun d’avoir des connaissances agricoles étendues (quatre ont possédé une exploitation, un cinquième est membre d’une société d’agriculture).
[11] Archives départementales des Yvelines : recensement de 1851, Condé/Vesgre, 9 M 474, vue 14/17. Au total, sept personnes. En 1856, les familles Leclerq (veuf), Decque et Bourguignolle se sont adjointes aux fondateurs.
[12] Archives de Condé-sur-Vesgre, Rapport du syndicat résumant le mouvement de la société « La Colonie », depuis son origine jusqu’au 31 mars 1870, par M. Morellet, Président du Syndicat, 5 juin 1870, et registre des délibérations du syndicat de la société civile immobilière.
[13] Sur l’activité de Jean Foucault à La Colonie, informations communiquées par B. Desmars.
[14] Archives départementales des Yvelines, Condé-sur-Vesgre, 5 Mi 1783, acte de décès du 17 janvier 1876.
[15] 104e anniversaire natal de Fourier, Paris, Librairie des sciences sociales, 1876.
[16] Bernard Desmars, Militants de l’Utopie ? Les fouriéristes dans la seconde moitié du XIXe siècle, Dijon, les Presses du réel, 2010, p. 188.
Sources
Archives nationales, fonds Fourier et Considerant, 10 AS 38 (681 Mi 63), lettres de J. Foucault, 18 juillet 1837 et 2 septembre 1837 ; 10 AS 41 (681 Mi 71), lettre de Joseph Pouliquen, 8 décembre [1836 ?]
Archives départementales du Finistère, 6 M 315, recensements de 1836 et 1841.
Archives départementales du Finistère, état civil de Landerneau, 1 MI EC 126/2, naissances (an XII-1819), vue 11/617.
Archives départementales des Yvelines, 9 M 474, recensement de 1851 et 1856.
Archives départementales des Yvelines, état civil de Condé-sur-Vesgre, acte de décès du 17 janvier 1876.
Archives de Condé, Rapport du syndicat résumant le mouvement de la société « La Colonie », depuis son origine jusqu’au 31 mars 1870, par M. Morellet, président du Syndicat, 5 juin 1870, et registre des délibérations du syndicat de la société civile immobilière.
A compléter avec les références des publications de Charton, Pellarin, et de la brochure de l’anniversaire de 1876.
Bibliographie
Bernard Desmars, Militants de l’Utopie ? Les fouriéristes dans la seconde moitié du XIXe siècle, Dijon, les Presses du réel, 2010.
Thomas Voët, La colonie phalanstérienne de Cîteaux, 1841-1846, les fouriéristes aux champs, Dijon, EUD, 2001.
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