Né le 14 juillet 1825 à Landerneau (Finistère), décédé le 15 janvier 1873 à Brest (Finistère). Officier de marine, membre du groupe phalanstérien de Brest.
Eugène-Mathurin est issu d’une famille de négociants de Landerneau [1] : son grand-père, Charles-Marie le Bris, sieur Durumain, est notaire et procureur de la principauté du Léon en Landerneau. C’est un notable aisé. En 1785, la famille a vendu au Roi les terrains qu’elle louait à Brest au jardin botanique royal [2] pour la somme de 35 000 livres. Son père, Mathurin, est devenu, grâce à son mariage, l’un des premiers négociants de la place de Landerneau et fait partie du groupe restreint des armateurs et des négociants-expéditeurs [3] (12 familles en 1836, parmi lesquelles les familles Bazin, Guiastrennec, Radiguet, toutes sympathisantes des idées sociales nouvelles).
Eugène-Mathurin est attiré par la profession militaire, il est admis à l’École navale de Brest en octobre 1841 [4]. Jules-Jean Feillet [5] est son professeur. Promu élève de seconde classe en 1843, il a rejoint le groupe phalanstérien du Finistère, présidé par Paul de Flotte [6].
Le groupe est confronté à la mobilité incessante des membres de la Marine, ce qui limite son action. Paul de Flotte, son président note que le groupe « placé dans une position spéciale, eu égard aux mouvements fréquents et inattendus auxquels sont soumis plusieurs de ses membres qui appartiennent à la Marine ; il y a vu un motif de plus pour se poser des principes fixes et se rallier autour d’un pivot, indispensable au milieu de cette incessante mobilité des personnes [7] ». Ce pivot est le groupe dirigeant de l’École sociétaire, qui doit donner unité et convergence.
Le Bris-Durumain embarque bientôt sur le navire Le Berceau, rattaché à la station française des côtes orientales d’Afrique. En 1845, le comptoir de Tamatave, à Madagascar, fait l’objet d’attaques de la part des autorités malgaches : massacres et expulsions de commerçants européens provoquent l’envoi d’une flottille anglo-française pour soutenir le comptoir. Le 15 juin 1845, lors du débarquement des troupes anglo-françaises sous la conduite du capitaine Romain-Desfossés [8], Eugène-Mathurin est blessé [9].
La Démocratie pacifique, qui suit l’affaire malgache pendant toute l’année 1846, prend position pour une expédition qui protégerait les intérêts européens et qui aboutirait à la colonisation de l’île. Le journal se dit bien informé (sans doute par ses militants brestois) sur le sujet et déclare être le seul parti à soutenir l’expédition militaire contre le royaume malgache [10].
« Il est convenu que la question de Madagascar est devenue presque sa propriété », ajoute le journal, qui quelque temps, soutient les intérêts français dans cette région du monde [11]. L’idée d’établir sur la côte orientale de l’Afrique des bases navales, relais nécessaire d’un empire maritime, est reprise par le journal. L’École sociétaire met la conquête de l’île au nombre de ses objectifs, dans son programme en juillet 1846 : « La colonisation sociétaire favorisée en Algérie, la colonisation des contrées sauvages et barbares : prise de possession effective et colonisation de Madagascar. Abolition de l’esclavage aux colonies par l’organisation du travail libre sociétaire. » [12]
Le Bris-Durumain est l’un de ces officiers que Victor Hennequin décrit dans La Démocratie pacifique en 1846, persuadés qu’une gloire nouvelle, conquise en Algérie et dans les mers du Sud, rendra à la France son statut de grande puissance maritime et de pays colonisateur. Victor Hennequin, lors de sa visite à Brest en 1846, soutient qu’« on réprime chez eux [les officiers de marine] l’amour de la colonisation, des conquêtes. » [13]
Pour ses faits d’armes, Le Bris Durumain est fait chevalier de la Légion d’honneur sur proposition du ministre de la Marine, en décembre 1845 [14]. Il devient enseigne de vaisseau en novembre 1847 [15].
Sous le Second Empire, il commande la corvette La Bayonnaise, pour les Établissements français d’Océanie. En 1858, il se trouve aux iles Fidji où il signe une convention de paix entre la France et le royaume de Bau [16]. Puis lors de l’expédition du Mexique, il participe à la première bataille de la baie d’Acapulco, en janvier 1863, aux côtés du contre-amiral Adolphe-Charles-Émile Bouët [17], qui aboutit à la prise de contrôle du port par les Français. Capitaine de frégate et officier de la Légion d’honneur [18], il est nommé chef d’état-major du gouverneur de Cochinchine [19]. Résidant à Landerneau, il décède à l’hôpital maritime de Brest le 15 janvier 1873.
[1] Durumain apparait dans les actes familiaux sous l’Empire, la famille est nommée simplement Le Bris
[2] C.-Y. Roussel et A. Gallozzi, Jardins botaniques de la Marine en France – Mémoires du chef-jardinier de Brest Antoine Laurent (1744-1820), Coop Breizh, 2004, p. 134-135.
[3] Société d’émulation de Brest, Annuaire de Brest et du Finistère pour 1836, p. 269.
[4] Annales maritimes et coloniales, 1841, 1er volume, p. 1059-1160.
[5] Voir sa notice biographique in Dictionnaire biographique du fouriérisme
[6] Archives nationales, fonds Fourier et Considerant, 10 AS 30, 681 Mi 49, lettre du 7 décembre 1844.
[7] Archives nationales, fonds Fourier et Considerant, 10 AS 30, 681 Mi 49, lettre du 7 décembre 1844.
[8] Joseph-Romain Desfossés (dit Romain-Desfossés) commandait la station de Madagascar. A son retour, il est nommé contre-amiral. Devenu député bonapartiste, il est nommé par Louis-Napoléon Bonaparte ministre de la Marine et des Colonies, en 1849.
[9] Henri D’Escamps, Histoire et géographie de Madagascar depuis la découverte de l’île en 1506 jusqu’au récit des derniers événements de Tamatave, Bertrand, Paris, 1846, p. 192 et suivantes.
[10] La Démocratie pacifique, 9 juillet 1846, t. 7, p. 35
[11] En 1844, Désiré Laverdant a publié à la Société maritime, un ouvrage intitulé La colonisation de Madagascar, diffusé par la librairie sociétaire.
[12] La Démocratie pacifique, 19 juillet 1846, t. 7, p. 75.
[13] V. Hennequin, « Brest », La Démocratie pacifique, 15 novembre 1846, t. 7, p. 556.
[14] La Démocratie pacifique publie l’information, en même temps qu’elle relate à ses lecteurs les événements de juin. t. 5, p. 657.
[15] Annuaire de la marine et des colonies, 1854, p. 71.
[16] Recueil des traités et accords de la France, volume 7, Paris, Amyot, éditeur des archives diplomatiques, 1856 -1859, p. 441-442.
[17] Adolphe-Charles-Émile Bouët, est le frère de Jean-Marie-Alexandre Bouët, fondateur de journaux et revues (Le Finistère en 1830, Le Brestois en 1832, L’Armoricain en 1833) qui sont un temps favorables aux idées saint-simoniennes, puis fouriéristes.
[18] Almanach impérial pour 1870, Berger-Levrault, 1870, p. 365.
[19] Annuaire de la Cochinchine française pour 1870, imprimerie du gouvernement, Saigon, 1869, p. 225.
Sources
Archives nationales, fonds Fourier et Considerant, 10 AS 30, 681 Mi 49, lettre du 7 décembre 1844.
Archives départementales du Finistère, Landerneau, 1 Mi EC 126/3 (vue 243/630).
Archives municipales de Brest, 3 E 182.
La Démocratie pacifique, 9 juillet 1846, 15 novembre 1846.
L’Océan, journal des intérêts maritimes et nationaux.
Recueil des traités et accords de la France, volume 7, Paris, Amyot, éditeur des archives diplomatiques, 1856 -1859.
Annuaire de Brest et du Finistère pour 1836, Société d’émulation de Brest.
Annales maritimes et coloniales, 1841.
Annuaire de la marine et des colonies, 1854.
Almanach impérial pour 1870.
Annuaire de la Cochinchine française pour 1870, imprimerie du gouvernement Saigon, 1869.
Henri D’Escamps, Histoire et géographie de Madagascar depuis la découverte de l’île en 1506 jusqu’au récit des derniers événements de Tamatave, Bertrand, Paris, 1846.
Bibliographie
C.-Y. Roussel et A. Gallozzi, Jardins botaniques de la Marine en France – Mémoires du chef-jardinier de Brest Antoine Laurent (1744-1820), Coop Breizh, 2004.
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