Bandeau
charlesfourier.fr
Slogan du site

Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Parmentier, (Joseph Charles) Théodore
Article mis en ligne le 18 décembre 2012
dernière modification le 24 décembre 2012

par Desmars, Bernard

Né le 14 mars 1821 à Barr (Bas-Rhin), décédé le 28 avril 1910 à Paris (Seine). Officier du génie. Musicien et époux de la violoniste Teresa Milanollo. Auteur de poèmes, d’études linguistiques, géographiques, mathématiques et astronomiques. Traducteur. Membre de nombreuses sociétés savantes. Fouriériste dès sa jeunesse. Membre actif de l’École sociétaire, du milieu des années 1890 jusqu’à son décès.

Lors de la naissance de Théodore Parmentier, son père est employé des contributions indirectes à Barr. Il est ensuite nommé receveur à

Théodore Parmentier
(La Rénovation, mai-juin 1910)

Wasselonne, où Théodore passe la plus grande partie de son enfance, au sein d’une famille disposant de moyens financiers relativement modestes, mais très cultivée.

Culture musicale, littéraire et scientifique

Théodore Parmentier fréquente l’école primaire, mais bénéficie surtout de la présence de sa mère, Barbe Gasser, fille d’un commissaire de police de Strasbourg [1], « femme distinguée et d’une éducation peu commune » [2] qui lui enseigne le français, l’histoire, la géographie, la mythologie, l’italien, le solfège et le piano. Il reçoit aussi des leçons de latin, de dessin, d’arithmétique et de géométrie de la part d’un ami de la famille.

La maison des Parmentier est « le centre musical » de Wasselonne, où l’on vient chanter des chœurs et jouer des quatuors. Les dispositions que montre Théodore lui font envisager une carrière de musicien et il souhaite entrer au Conservatoire. Son père s’y oppose, considérant que la carrière d’artiste est « ingrate » pour ceux qui commencent sans fortune.

La famille le destine plutôt à l’École polytechnique. Pour cela, il doit d’abord passer le baccalauréat, qu’il prépare en étudiant seul la rhétorique, la philosophie, l’histoire universelle et le grec. Reçu bachelier es lettres à Strasbourg, en 1838, il rejoint son frère aîné Léonce, élève de l’école d’application du génie et de l’artillerie à Metz, afin d’étudier avec lui les mathématiques élémentaires pendant une année ; pendant une autre année, il suit les cours de mathématiques spéciales au lycée (alors appelé collège royal) de Metz. Il est admis à l’École polytechnique en 1840 ; sa fiche matricule le décrit ainsi : « cheveux et sourcils blonds, front ordinaire, nez moyen, yeux bleus, bouche grande, menton rond, le visage ovale » ; il mesure 1,68 mètre [3].

Une carrière militaire brillante

A sa sortie de l’École polytechnique, en 1842, il rejoint l’École d’application de Metz, dans l’arme du génie. Il y fréquente notamment Gandil et Marchand, deux autres polytechniciens acquis aux idées fouriéristes [4]. Lieutenant en 1844, il est promu capitaine et affecté en 1847 à la garnison de Strasbourg où il reste jusqu’en 1852. Il est ensuite envoyé à Rouen, puis à Paris (en 1853), au comité de fortification. Il rédige un Cours élémentaire de fortification et traduit plusieurs ouvrages militaires allemands, concernant en particulier le génie.

En 1854, il devient l’aide de camp du général et futur maréchal Niel. Il participe à la prise de Bomarsund lors de l’expédition de la Baltique (1854), puis au siège de Sébastopol et à la prise de Malakoff en Crimée (1855). Il reçoit alors plusieurs décorations pour ses faits d’arme (légion d’honneur, médaille anglaise de la Baltique, décorations turque et sarde).

Parallèlement à ses activités professionnelles, il reprend ses études musicales, interrompues lors de ses séjours à l’École polytechnique et à l’École d’application. Il lit des traités d’harmonie, d’instrumentation, et de façon générale s’intéresse à « tout ce qui se rattache à la musique considérée comme art et comme science » [5]. Il prend des leçons d’orgue. Il collabore à différentes revues musicales, leur proposant des comptes rendus de concert, des « éphémérides littéraires », des biographies de musiciens, etc. Compositeur (principalement des œuvres pour piano, mais aussi pour orgue, ainsi que des Lieder et des chœurs), il est également l’auteur de poésies, largement inspirées des combats auxquels il a participé, en allemand et en français, qui paraissent dans différentes revues, germaniques ou françaises (la Revue de Paris, par exemple) [6]. Enfin, il publie des travaux de mathématiques [7] et d’astronomie.

En 1857, il épouse Teresa Milanollo (1827-1904), une « violoniste prodige » [8], née dans le Piémont, qui, après avoir joué dès l’âge de 10 ans dans les plus grandes salles européennes ainsi que dans les cours royales et princières, s’est établie avec sa famille à Malzéville (Meurthe), près de Nancy ; il l’avait entendue en concert en 1841 à Paris, alors qu’il était à l’École polytechnique, puis en 1851 à Strasbourg où il était en garnison, et était alors entré en relation avec elle et sa famille. A la suite de ce mariage, Teresa Milanollo interrompt sa carrière publique de musicienne, mais continue à composer des œuvres pour piano et à jouer dans un cadre privé.

Pendant la guerre d’Italie, il accompagne toujours Niel, notamment à Solférino. Il est alors promu officier de la légion d’honneur. Il est ensuite affecté à Toulouse (1861), puis à Constantine (1868) où il est nommé colonel (1869). Début 1870, il est désigné directeur des fortifications au Havre. Puis, il rejoint l’armée du Rhin et participe à la bataille de Reichshoffen (son comportement lui vaut le grade de commandeur de la légion d’honneur). Fait prisonnier lors de la capitulation de Sedan, il est interné à Bonn, puis revient en France en avril 1871. Retrouvant son poste au Havre, il est ensuite placé dans les mêmes fonctions, à Lyon. Devenu général de brigade (1875), il est nommé au comité de fortifications (1878) ; il est ensuite promu général de division inspecteur permanent du génie pour l’armement des côtes et membre de la commission de la défense des côtes (1881). Atteint par la limite d’âge, il passe dans la section de réserve en 1886 (la même année, il devient grand officier de la légion d’honneur) et est admis à la retraite en 1887.

« Intelligence haute et profonde, capacités exceptionnelles », « officier hors-ligne », « polyglotte, musicien, mathématicien, géologue, botaniste, naturaliste, etc. etc. » lit-on dans les appréciations de ses supérieurs [9]. « M. le général Parmentier se distingue par son instruction étendue et variée, par son intelligence vive et cultivée, et par une certaine pointe d’originalité. Il remplit avec conscience, activité et talent ses devoirs militaires, bien que ses prédilections soient peut-être pour des études étrangères au service ; c’est un artiste et aussi un savant, notamment en linguistique » ; parlant l’anglais, l’allemand, l’Italien et l’arabe, il est aussi qualifié de « philosophe distingué ».

Sociétés savantes, œuvres philanthropiques et activités mondaines

Alors qu’il est encore militaire, il participe aux activités de plusieurs sociétés savantes, auxquelles il présente les résultats de ses recherches. Il fréquente en particulier les congrès de l’Association pour l’avancement des sciences, où il expose ses travaux de linguistique, sur le vocabulaire de la géographie dans différentes langues.

Une fois en retraite, et définitivement installé à Paris, il consacre son temps à la Société de linguistique (il en est élu président en 1899), à la Société astronomique de France, à plusieurs sociétés de géographie (de Paris, de Lyon, de Toulouse), à la Société mathématique de France, etc. Il est surtout vice-président, puis président (à partir de 1893) de l’Alliance française pour la propagation de la langue française aux colonies et à l’étranger. A ce titre, il fréquente les membres de l’Institut ainsi que les plus hautes autorités de l’État.

On retrouve son nom et celui de sa femme dans la presse, parmi les auditeurs des concerts donnés dans la capitale. Eux-mêmes ouvrent leur maison de la rue du Cirque aux artistes et en particulier aux musiciens comme Saint-Saëns.

Enfin, l’un et l’autre sont connus pour leurs activités philanthropiques et leurs dons à diverses œuvres charitables.

L’engagement phalanstérien

Selon la nécrologie parue dans La Rénovation, Parmentier se serait enthousiasmé pour la doctrine de Fourier à la suite notamment de la lecture de Destinées sociales, de Considerant en 1843. Il est alors à Metz, à l’École d’application, et fréquente les autres officiers fouriéristes que sont Marchand et Gandil. « Tous trois, nous étions enthousiastes, et déjà socialistes d’instinct. Nous avions accepté la partie réellement grande, belle et possible de la Théorie de Fourier » [10]. Il contribue à propager la doctrine sociétaire à laquelle il rallie le jeune Arthur d’Anglemont [11]. Et « jamais il ne cessa de s’intéresser et de participer aux péripéties diverses de la propagande phalanstérienne », continue La Rénovation en 1910 [12].

Pourtant, hormis ces témoignages rétrospectifs, l’on a peu d’éléments sur son engagement fouriériste ou ses sympathies phalanstériennes, que ne mentionnent ni son dossier militaire, ni la seconde édition de la Biographie universelle des musiciens publiée à la fin du Second Empire par Fétis, qui lui accorde pourtant une notice détaillée. Il apparaît dans un répertoire d’adresses de l’École sociétaire datant vraisemblablement des années 1860 [13], mais ne semble pas avoir beaucoup participé aux activités phalanstériennes avant les années 1890.

On le voit alors apporter une importante contribution financière à la réalisation de la statue de Fourier (150 francs) et il fait partie du comité chargé de suivre le projet et d’apprécier la statue, inaugurée en 1899 [14]. Alors qu’il est cité parmi les membres de l’Union phalanstérienne et de l’École Sociétaire Expérimentale, en 1896-1897, il s’en éloigne dès 1898 et rejoint le groupe de La Rénovation dirigé par Alhaiza qu’il soutient dans sa dénonciation du socialisme de Jaurès [15]. Il fait don en 1903 de livres de Fourier et de ses disciples Considerant, Hennequin, Pellarin, Lechevalier, Barrier, etc. afin d’aider à la constitution d’une « bibliothèque sociétaire » qui ne verra en fait jamais le jour [16]. Abonné à La Rénovation au moins à partir de 1897 et jusqu’à son décès, il se déclare prêt avec d’autres condisciples à accroître le montant de son abonnement annuel pour assurer la survie de l’organe sociétaire, quand son existence est menacée [17]. « Regrettant vivement qu’il n’y ait pas encore en France un grand journal à nombreux lecteurs, pour répandre dans le grand public les saines doctrines du socialisme phalanstérien », il appelle cependant ses condisciples à « lutter sans se décourager […] Ayons donc confiance dans la force des choses qui imposera au XXe siècle un progrès dont les désordres de l’agonie du XIXe siècle pourraient presque faire désespérer » [18]. Il participe à plusieurs anniversaires de la naissance de Fourier, parfois par un courrier, quand il ne peut y assister physiquement.

Son épouse décède en 1904 ; lui-même connaît des problèmes de santé et restreint ses activités associatives. Dans son testament, il prévoit plusieurs legs destinés à des sociétés scientifiques (l’Alliance française), à des œuvres et institutions philanthropiques (le bureau de bienfaisance de son arrondissement parisien, une société amicale de secours des anciens élèves de l’École polytechnique), ainsi qu’à La Rénovation [19].