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Rigolage, Jules Emile (pseudonyme : Jules Rig)
Article mis en ligne le 18 décembre 2012
dernière modification le 28 mars 2024

par Desmars, Bernard

Né le 12 mars 1840 à Saint-Gobain (Aisne), décédé le 7 janvier 1927. Enseignant, puis principal de collège. Disciple d’Auguste Comte. Rallie le mouvement fouriériste au début du XXe siècle.

Fils d’un employé à la manufacture des glaces de Saint-Gobain, Jules-Emile Rigolage fait ses études au collège classique de Laon ; il obtient le baccalauréat es sciences en 1857 ; il entre ensuite à l’Ecole des arts et métiers de Châlons-sur-Marne, qu’il fréquente pendant quatre années, puis à l’Ecole centrale des arts et manufactures, dont il sort avec le diplôme d’ingénieur en 1864. Pendant quelques mois, il travaille pour des compagnies de chemins de fer, d’abord dans les Charentes, puis dans le Nord.

Enseignant, puis principal

En 1865, il entre dans l’enseignement, au collège de Castres (Tarn) où il est régent de mécanique et de travaux graphiques, dans la section « enseignement spécial », c’est-à-dire la filière qui prépare aux métiers de l’industrie et du commerce. L’année suivante, il obtient l’agrégation pour l’enseignement spécial, concours qui vient d’être créé ; il rejoint alors la toute nouvelle École normale d’enseignement secondaire spécial, ouverte en 1866 à Cluny pour former les enseignants de cette filière. Il reçoit en 1868 le titre d’officier d’académie et se marie deux ans plus tard avec Marthe Autellet, la fille d’un médecin de Civray (Vienne). A l’automne 1870, il abandonne la fonction enseignante pour celle de principal, et prend la direction du tout nouveau collège de Cognac (qui comprend une section « enseignement spécial ») ; il est muté à Morlaix en 1877 (« une disgrâce » ou un « exil », se plaint-il), peut-être en raison des « opinions politiques avancées et [des] tendances antireligieuses » que lui attribue le préfet [1], alors que l’on est au temps de l’Ordre moral ; enfin, il exerce les mêmes fonctions de principal au collège de Saumur (de 1881 à 1896).

A la tête de ces différents établissements, Rigolage connaît de nombreuses difficultés, à la fois avec les enseignants, les parents et les autorités locales ; certes, dans chaque poste occupé, les inspecteurs et recteurs louent dans un premier temps son activité et son zèle. Mais rapidement, ils lui reprochent d’être « un peu enclin aux innovations » [2], et surtout soulignent son caractère autoritaire et son esprit chimérique : « Vif, ardent, actif, pétulant, infatué de lui-même, d’un caractère despotique, intriguant, absolument dépourvu de tact et de mesure, il a soulevé contre lui la majorité de ses professeurs et l’opinion des autorités », écrit par exemple le recteur de Poitiers en 1875. Quand il est à Saumur, on dit que « ce n’est pas un administrateur, c’est un initiateur et un poète. Il a résumé la philosophie d’Auguste Comte dans un gros volume. Il est l’auteur d’un plan d’éducation qui supprime l’université, les différents ordres d’enseignement, les programmes et remplace les professeurs par des ingénieurs, par des artistes et des employés de chemin de fer » [3]. Quelques années plus tard, le recteur le décrit ainsi : « très intelligent, très remuant, doué de plus d’initiative et de volonté que de tact et de mesure ; parfois inconséquent dans ses paroles et excessif dans ses actes ; utopiste par certains côtés, pratique par d’autres ; toujours en quête d’améliorations et de transformations qui se dérobent au contrôle régulier de l’administration, mais qui n’en sont pas moins louables quelquefois ; ne craignant pas de payer de sa personne et de sa bourse ; travailleur, organisateur, novateur, fonctionnaire irrégulier de l’enseignement public, plus fait pour les tentations et la témérité de l’industrie privée que pour la réserve d’un poste officiel » [4].

Rigolage est régulièrement accusé de privilégier l’enseignement professionnel au détriment des sections « classiques », dont les effectifs déclinent à Cognac et à Saumur pendant son principalat. A Saumur, en 1884, il crée même à côté du collège communal dont il a la direction, une école privée à finalité professionnelle (« L’École industrielle ») ; la gestion et le fonctionnement des deux établissements sont largement enchevêtrés, l’école privée étant abritée dans des locaux publics, au détriment d’ailleurs du collège communal qui, pour sa petite classe, doit louer des salles dans une maison appartenant à Rigolage. Celui-ci emploie certains enseignants du collège pour son Ecole industrielle.

Plus généralement, « M. Rigolage a la prétention de révolutionner l’enseignement » ; il « est un homme à système ; il se croit appelé à renouveler l’enseignement en France » [5]. Dans les années 1880, il abreuve le ministère de lettres et de mémoires manuscrits exposant ses conceptions de l’enseignement et les réformes à apporter au système scolaire. Autour de 1890, il publie plusieurs brochures, parfois sous pseudonyme transparent de Jules Rig, ainsi qu’un éphémère journal (La Rénovation pédagogique et sociale, 1892) où il indique à nouveau ses conceptions pédagogiques ; favorable à un pouvoir renforcé du directeur d’établissement (largement libéré de la tutelle ministérielle et rectorale), il préconise la suppression des examens et des diplômes, ainsi qu’une individualisation du travail scolaire, qui reposerait largement sur des exercices pratiques, tandis que l’enseignement livresque serait en grande partie abandonné. Il multiplie les critiques envers le système scolaire en place, ce que n’apprécient ni le recteur, ni le ministre de l’Instruction publique, d’autant que ses critiques et ses propositions sont en partie reprises dans un long article publié dans un journal de grande diffusion, Le Petit journal (10 avril 1894). Le ministère lui adresse d’ailleurs plusieurs blâmes et avertissements, qui sont également dus à son irrespect des règles administratives (il s’affranchit largement des principes hiérarchiques) et surtout à son intervention à partir de 1894 dans le champ politique.

Alors qu’il avait été accueilli très favorablement par la municipalité saumuroise dans les années 1880 (le maire d’alors, James Combier, l’avait fait entrer dans la loge maçonnique locale, « La Persévérance »), ses rapports avec le conseil municipal et le nouveau maire, le Dr Peton, avec lequel il partage des convictions républicaines et entretient d’abord de bonnes relations, se dégradent à partir surtout de 1894. Le conflit concerne d’abord l’orientation et la gestion du collège et de l’École industrielle ; mais, à l’occasion des élections municipales de 1896, Rigolage prend publiquement parti contre le maire sortant ; il fait publier un journal et afficher des placards qui lui sont très hostiles, et suscite des candidatures rivales. Le Dr Peton étant réélu, la position de Rigolage devient intenable ; le ministère souhaite alors le muter à Falaise (Calvados), ce qu’il refuse ; il est placé en congé pendant quelques mois, puis mis à la retraite en janvier 1897. Il quitte Saumur pour Montreuil-sous-Bois, près de Paris.

Comtiste et fouriériste

Pendant sa retraite, Rigolage continue à s’intéresser aux questions pédagogiques ; il intervient pendant deux années au Collège libre des sciences sociales (en 1898-1899, sur « la pédagogie scientifique » ; en 1899-1900 sur « les écoles pratiques » ; il fait des conférences sur les mêmes thèmes à l’Institut scientifique de la Libre pensée [6], ainsi que dans des universités populaires. En 1900, il est admis au sein de la Société de sociologie de Paris [7]. Il collabore à la Revue positiviste occidentale.

Rigolage se présente comme un disciple de Comte et de Littré ; il publie en 1881 un ouvrage proposant un Résumé de la philosophie de Comte, et correspond avec le second. Par ailleurs, dans ses brochures sur l’enseignement, on ne voit nulle référence à Fourier. A Saumur, il est toutefois en relation avec Catherine Cavelier, une militante phalanstérienne qui, après avoir tenu une école privée, effectue ses dernières années d’enseignement au collège communal de la ville. Quand le couple Rigolage visite le familistère de Guise, en 1887, il mentionne sur le registre qu’il est là aussi pour représenter « une vieille adepte, Mme Cavelier, de Saumur » [8]. Mais les premiers contacts que l’on peut repérer entre Rigolage et l’École sociétaire datent de 1900, quand, de concert, ils tentent de faire obtenir la Légion d’honneur à C. Cavelier [9].

En tout cas, en 1900, Rigolage s’abonne à La Rénovation, le journal dirigé par Alhaiza ; seul ou avec son épouse, il assiste à quelques banquets du 7 avril célébrant l’anniversaire de la naissance de Fourier, ou envoie un mot pour excuser son ou leur absence [10]. Il publie en 1902, dans un organe destiné aux instituteurs, un article très favorable aux conceptions pédagogiques de Fourier, qui « a le premier établi que l’éducation doit être intégrale et consister dans le développement harmonique de toutes les facultés ». Aussi, ajoute-t-il : « Bâtissons un phalanstère pour les enfants avant d’en bâtir un pour les hommes. Ils y recevront l’éducation intégrale, dont le génie a établi le principe. Ils s’y développeront comme s’est développée l’humanité selon la belle formule de Comte. Ils apprendront à agir et à penser dans chacun des quatre domaines énumérés par Littré » [11].

Pour Alhaiza, Rigolage est « un peu de notre école, assez même des nôtres pour s’être montré à nos réunions fouriéristes, sans être tout à fait notre condisciple, car ses préférences en philosophie sociale vont à Auguste Comte [...] Il n’en est toutefois pas moins un sympathique ami de Fourier » [12].


Aphorisme du jour :
Les sectes suffisent à elles seules à guider la politique humaine dans le labyrinthe des passions
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