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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Oudot, Jean-Claude (signe Oudot fils aîné)
Article mis en ligne le 16 décembre 2012
dernière modification le 28 juin 2021

par Sosnowski, Jean-Claude

Né le 19 septembre 1804 et décédé le 3 avril 1851 à Dijon (Côte-d’Or). Marchand de papiers à Dijon. Secrétaire correspondant dijonnais de l’Ecole sociétaire. Correspondant et membre de l’Union harmonienne pour 1840. Correspondant de l’Union phalanstérienne en 1841. Membre sociétaire et vice-président de la Société dijonnaise d’Assurance mutuelle pour les cas de maladies et d’accidents.

Une famille de petits négociants

Jean-Claude Oudot naît le 19 septembre 1804 à Dijon. Il est l’aîné d’une fratrie d’au moins cinq garçons. Son père, fils de cultivateur, Jean-Claude Oudot (1773-1850), originaire de Saint-Bresson (Haute-Saône), est marchand de chiffons. Sa mère, Anne Contour (1783-1842) est fille d’un papetier de Velars-sur-Ouche (Côte-d’Or). La famille Oudot semble faire le commerce du papier et procède à des alliances matrimoniales intéressées. Un oncle, papetier, prénommé également Jean-Claude Oudot (1754-1837) a épousé la mère d’Anne Contour, Anne-Marguerite Leroy-Contour, le 8 pluviôse an II. Lors du décès de cet oncle à Dijon en 1837, Jean-Claude Oudot qui effectue la déclaration est accompagné d’un jeune parent, Jean-Claude Oudot marchand de chiffons, âgé de 22 ans. Quant à Jean-Claude Oudot, marchand de papier, il épouse le 27 septembre 1830, Catherine-Adèle Caillot, fille d’un employé de la Préfecture, alors décédé. Aucun enfant ne se semble être né de cette union. Il réside place Saint-Michel, n° 1 à Dijon. Son activité lui permet d’être électeur censitaire dans le collège électoral du 1er arrondissement du département de la Côte-d’Or, canton de Dijon-est, pour une contribution totale de 218,82 francs (69,40 à titre foncier et 78,26 au titre de la patente, le reste réparti entre les contributions personnelle et mobilière et sur les portes et fenêtres) [1]. Cette contribution baisse sensiblement au cours des années suivantes (environ 206 francs pour 1842-1846, même si elle progresse pour la patente (environ 89 francs) [2].

Secrétaire correspondant de la réunion phalanstérienne dijonnaise

Les premiers contacts connus de Jean-Claude Oudot avec le mouvement fouriériste datent de 1832 et sont relatifs à son abonnement au Phalanstère [3]. Oudot occupe la fonction de secrétaire correspondant de l’Ecole sociétaire à Dijon tel que Julien Blanc a pu le définir dans la « nature des relations que les amis de nos idées doivent entretenir » [4]. Tout ami de la cause semble transiter chez lui. En 1836, il accueille le jeune Charles Boiteux, originaire de Châlon-sur-Saône et proche des milieux républicains de la région, récemment converti. Il visite avec lui, y compris en prison, les républicains qu’il tente de convertir au fouriérisme. En 1839 [5], il reçoit Alphonse Toussenel en visite chez un ami dijonnais, jeune républicain, Henriot, nouvellement converti à la cause. Oudot croit fermement au ralliement des républicains. Ainsi, en juin 1839, il reçoit « un chef du parti républicain de Dijon, homme riche et très influent, abonné à La Revue du Progrès » [6] de Louis Blanc qui promet de s’abonner à La Phalange.

S’il reçoit tout phalanstérien transitant par Dijon, - il prie d’ailleurs Victor Considerant « de ne jamais manquer de [lui] adresser ceux de nos amis qui passeront à Dijon » [7]-, Oudot n’hésite pas à recommander ses propres amis. En 1836, il s’insurge de la reproduction dans La Phalange d’un article de L’Impartial de Besançon contre La Revue de Bourgogne que vient de lancer son ami Jules Pautet [8]. Il est assez influent pour que dans le numéro suivant Considerant rectifie le jugement de La Phalange [9]. En 1839, il appuie son ami Louis Maignot, ancien saint-simonien passé au fouriérisme, qu’il a abonné personnellement à La Phalange [10] en 1836, afin que celui-ci bénéficie en priorité de la machine inventée par Franchot [11]. Fin 1841, il appuie Prudent Forest qui souhaite rejoindre le centre parisien de l’Ecole sociétaire et contribuer à La Phalange.

Fidèle au centre parisien de l’Ecole sociétaire, il en relaie les initiatives. Il propage les publications fouriéristes et dépose divers exemplaires au Cabinet littéraire [12] de Potot, rue Vauban à Dijon, qu’il abonne également à La Phalange. Il consent des rabais sur ses propres deniers. La faillite de la banque dijonnaise Bouault en 1840 perturbe ses finances : « la suspension des jugements de la première maison de banque de Dijon a paralysé les affaires financières dans notre ville, je devais à cette maison une somme assez considérable qu’il a fallu rembourser à mon retour de Genève [...], les rentrées sur lesquelles je comptais pour m’acquitter envers vous ont été entièrement absorbées par ce remboursement [ ...] » écrit-il à Julien Blanc en juillet 1841 [13]. Il s’évertue alors à obtenir un autre crédit dans une autre maison de banque afin de pouvoir solder ses dettes en particulier envers l’Ecole sociétaire. Ainsi, en décembre 1841, il engage Julien Blanc à déposer à son nom, de février à mars 1842, pour 3 000 francs de traites.

En 1839, fort du nombre de recrues dijonnaises - il dresse une liste d’un trentaine de Dijonnais qui se disent « hautement phalanstériens » -, il interroge Victor Considerant sur l’opportunité et la manière d’organiser un banquet destiné à célébrer l’anniversaire de la naissance de Charles Fourier : « [...], il faudrait alors n[ou]s écrire et pour donner quelques attraits à cette réunion, n[ou]s informer avec détail de ce que v[ou]s faites, des progrès que fait la science sociale etc, etc. V[ou]s savez beaucoup mieux que moi ce qu’il faut en pareil cas [...], n[ou]s n[ou]s conformerons à vos prescriptions » [14]. Si on en croit le compte rendu du banquet donné en 1846, l’année passée, le banquet n’avait réuni que trois personnes ce qui expliquerait l’interrogation d’Oudot sur cette opportunité et la manière de procéder [15]. Enfin, il est probablement à l’initiative de la venue de Considerant à Dijon en février 1841 pour une série de conférences. Les billets d’entrées sont à retirer chez lui [16].

Un rôle de conciliateur

Ses courriers montrent qu’il entretient une relation amicale avec Victor Considerant, « [son] cher ami » [17]. Le 21 juin 1839, il s’adresse à « [son] cher Victor » dont écrit-il, les « projets sont beaux, ils sont grands, je m’y associe de cœur et d’âme, marchez toujours, v[ou]s avez une noble mission et v[ou]s êtes à la hauteur » [18]. François Cantagrel écrit en novembre 1844 : « ce brave Oudot est toujours le cœur le plus chaud qui existe ; il est adoré de tous les autres » [19]. Bien que très lié au centre parisien, Oudot est en relation avec tous les phalanstériens. Néanmoins, il rejette toute dissidence. En juin 1839, ayant reçu le premier numéro du Nouveau monde de Czynski, il s’interroge sur le fait de savoir si « cette publication servira [la] cause » [20]. Il déclare : « n[ou]s faisons enfin tout ce que nous pouvons, il n’y a pas scission, n[ou]s marchons avec vous et déplorons l’erreur des gens que l’amour propre égare [...] » [21]. Il espère effectivement une réalisation, mais selon les perspectives de Considerant, grâce aux dividendes que doit générer la fabrication de la machine de Franchot que prévoit de commercialiser Considerant [22] : « espérons qu’ils se réuniront à nous surtout, si par le résultat pécuniaire, de votre machine v[ou]s [puissiez ?] avant peu réaliser un essai quelconque, ce que je désire [...] » [23]. Il participe au congrès phalanstérien de Cluny du 28 août 1839 lors duquel il lit « une pièce de vers » « Le Phalanstère » [24], œuvre d’un de ses amis. Il est certes signalé comme membre et correspondant dijonnais de l’Union harmonienne pour l’année 1840 [25]. Mais pour le groupe dijonnais, cette Union harmonienne n’est pas une dissidence et il assure en 1839 sa fidélité à Victor Considerant et à La Phalange [26]. En 1841, Jean-Claude Oudot est correspondant dijonnais de l’Union phalanstérienne établie par Aucaigne, Boyron, Passot à la suite des récriminations de Brac de La Perrière [27]. Oudot est le contact dijonnais obligé de tous les militants de la cause phalanstérienne.

Ainsi lorsque Arthur Young décide d’expertiser le domaine de Cîteaux, Jean-Claude Oudot le reçoit à l’improviste, ainsi que Reverchon, dans la nuit du 8 au 9 mars 1841 avant leur départ pour Cîteaux. Dès lors il transmet à Victor Considerant et Julien Blanc toutes les informations en sa possession relatives à Cîteaux et aux différents protagonistes qui transitent chez lui. Victor Considerant redoute qu’Arthur Young se désengage financièrement de la Société pour la Propagation et la Réalisation de la Théorie de Charles Fourier, de La Phalange et de la colonie de Condé. Durant l’été 1841, Amédée Paget décède et laisse vacante la gérance de La Phalange. En raison de sa contribution financière, Arthur Young doit valider son remplacement par Cantagrel. Oudot s’implique dans le règlement du conflit. En septembre, Jean-Claude Oudot espère convaincre « [son] ami » Considerant de s’arrêter à Dijon au retour d’un séjour qu’il fait à Lyon avant de se rendre à un Congrès à Florence [28] : « Au nom de notre cause, passez, je vous en prie par Dijon en retournant à Paris, ne dussiez-vous y rester que quelques heures [...] » [29]. Dans cette même lettre, Oudot fait mention d’un courrier destinée à Arthur Young. Oudot annonce qu’il fera lui-même « l’express et dans 2 heures je remettrai à Mr Young la lettre que vous m’avez adressée ce matin ; il l’aura assez tôt pour vous répondre par le courrier de demain, qui sera à Lyon dimanche matin ». L’inquiétude quant à la pérennité de l’Ecole sociétaire conduisent Oudot, Mourgue, Bonnet et Nodot à désigner Bonnet pour parler à Young, « sauf toutefois l’agrément de La Phalange » [30]. Le jour même de ce courrier, Victor Considerant note le bon vouloir d’Arthur Young qui accepte la nomination de François Cantagrel comme gérant de la Société et confirme ses engagements financiers [31]. L’intervention des Dijonnais ne semble pas avoir été nécessaire.

Oudot reste fidèle à Victor Considerant. Ses courriers rappellent constamment son dévouement à l’Ecole sociétaire et Oudot ne peut être suspecté de dissidence. Fin 1843, alors que le groupe des Harmonistes du médecin Jounin recense les adhésions à La Correspondance phalanstérienne destinée à relier entre eux les groupes et phalanstériens isolés, on peut lire le commentaire suivant sur le groupe dijonnais :

[…] ce Groupe dont nous ne connaissons pas l’importance est essentiellement partisan de La Démocratie pacifique, et semble autant qu’il nous est possible d’en juger par quelques indications, repousser d’avance et quand même tout ce qui se fera en dehors du groupe de La Phalange [32].

Cette position du groupe est le fruit de l’action menée par Oudot. Il exerce un rôle de conciliateur. C’est pourquoi il est l’un des signataires de l’appel lancé le 11 mars 1846 par les phalanstériens de Dijon aux phalanstériens de France en vue de sauver la colonie de Cîteaux, eu égard aux « sacrifices » et au « dévouement » d’Arthur Young en faveur de l’Ecole sociétaire. « Les intérêts de M. Young se lient aux intérêts moraux et matériels de l’Ecole sociétaire ». N’ayant jamais participé à cette expérience, les phalanstériens dijonnais déclarent ne pas pouvoir être suspectés « de partialité » [33]. Néanmoins, il n’est pas présent lors de la rédaction de cet appel, Mourgue signant en lieu et place.

Oudot contribue à de nombreuses sociétés qui sans être d’inspiration phalanstérienne se préoccupent du principe d’association et de la question sociale. En 1834, il collabore à la fondation de la Caisse d’Epargne de Dijon qui reçoit l’appui de nombreux fouriéristes [34]. Il est membre sociétaire et administrateur de la Société dijonnaise d’assurance mutuelle pour les cas de maladies et d’accidents, créée le 26 février 1837 par une association de chefs d’ateliers et d’ouvriers. De nombreux fouriéristes souscrivent, en particulier Gaulin, l’un des principaux fondateurs. Réélu en janvier 1841 pour deux ans, Oudot assure la vice-présidence de la société en 1843. En 1840, il est également membre fondateur de la Société d’assurance mutuelle contre l’incendie pour les départements de Côte-d’Or, Yonne, Saône-et-Loire, Doubs, Haute-Saône, Haute-Marne.

D’une santé chancelante - en 1841, il signalait à Julien Blanc être malade et avoir besoin de soins [35] - Jean-Claude Oudot est interné à l’asile d’aliénés de Dijon le 13 avril 1847. Il y décède le 3 avril 1851.