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Jean-Claude Sosnowski  |  mise en ligne : décembre 2012

Grapin (ou Grappin), Jacques


Né à Messigny (auj. Messigny-et-Vantoux, Côte-d’Or) le 5 août 1790. Décédé le 13 avril 1878 à Dijon (Côte-d’Or). Géomètre arpenteur forestier, employé du cadastre. Républicain. Démoc-soc. Adjoint au maire de Dijon en 1848. Conseiller général de la Côte-d’Or d’août 1848 à août 1852. Signataire de l’appel du 11 mars 1846 des phalanstériens de Dijon en faveur d’Arthur Young et de Cîteaux (Côte-d’Or). Membre de la Société dijonnaise d’assurance mutuelle pour les cas de maladies et d’accidents. Membre de la commission de la Boulangerie sociétaire de Dijon.


Fils de Louis Grapin, couvreur à Messigny, devenu garde-forestier au décès de son épouse Reine Bonnet en juin 1812 [1], Jacques Grapin devient géomètre arpenteur et est employé au cadastre. Il épouse Marie Franoy à Norges-le-Ville (Côte-d’Or), le 24 octobre 1825. Elle est la fille d’un propriétaire de la localité. De cette union, naît au moins un fils, le 4 octobre 1826, Louis-Jacques-Marie-François Grapin qui est secrétaire général de la ville de Dijon lors du décès de son père en 1878. Grapin connaît alors une relative ascension sociale devenant au cours des années 1840, électeur censitaire au sein du collège électoral du premier arrondissement, canton de Dijon-nord. Sa contribution est estimée à 215,96 francs dont 123,97 à titre foncier pour des possessions à Bretigny et Fontaine-lès-Dijon, 61,59 francs au titre de la contribution personnelle et mobilière, 24,26 francs pour celle des portes et fenêtres sur les communes de Dijon et Bretigny et 26,34 au titre de la patente sur sa commune de Dijon.

Capitaine de la garde nationale après la Révolution de juillet 1830, Jacques Grapin est un « vétéran de la démocratie [...] vice-président du cercle républicain de Dijon, en 1834 » [2]. Il décline les fonctions de directeur de la poste aux lettres sous la monarchie de Juillet, refusant de tenir cet emploi d’un gouvernement royaliste. Il est également en 1834, l’un des fondateurs de la société homéopathique de la Côte-d’Or qu’initie l’homéopathe Antoine Emmanuel de Laville de Laplaigne. En 1839, Jean-Claude Oudot le cite parmi la trentaine de Dijonnais qui « se disent hautement phalanstériens » [3]. Il est l’un des signataires de l’appel lancé le 11 mars 1846 par les phalanstériens de Dijon aux phalanstériens de France en vue de sauver la colonie de Cîteaux, eu égard aux « sacrifices » et au « dévouement » d’Arthur Young en faveur de l’Ecole sociétaire. « Les intérêts de M. Young se lient aux intérêts moraux et matériels de l’Ecole sociétaire » [4]. Sans avoir participé à cette expérience, Grapin a néanmoins contribué aux choix de Young. Selon Jean-Claude Oudot, il est chargé en juillet 1841 « de faire l’expertise de la terre de Cîteaux » [5]. Il effectue une nouvelle évaluation avec Adolphe Bonnet en mars 1846, lors de l’appel du groupe phalanstérien dijonnais. Grapin signe d’ailleurs cet appel au nom de Bonnet absent.

En 1849, c’est lui qui présente à la Société dijonnaise d’assurances mutuelles, le rapport annuel concernant l’exploitation de la Boulangerie sociétaire [6] pour l’année 1848. Les excédents de 7 719,75 francs, pour une vente de 257 325 kilos de pain, soit en moyenne 705 kilos par jour à 3 centimes en dessous de la taxe permettent le remboursement de 4 000 francs d’actions. La boulangerie a touché 1 410 consommateurs. Cette réussite aurait conduit à la séparation de la Boulangerie sociétaire de la Société dijonnaise d’assurances mutuelles [7].

En mars 1848, il devient adjoint au maire de Dijon, Hernoux, remplaçant Dumay démissionnaire. Il est porté à la candidature lors des élections législatives d’avril 1848. Lors des cantonales de septembre 1848, il l’emporte largement sur le légitimiste marquis de Saint-Seine dans le canton de Dijon-nord. Le 22 octobre, il intervient au banquet démocratique et social de Dijon comme adjoint au maire de la ville de Dijon et ce « en dépit et malgré la défense presque officielle du préfet Petetin ». Il porte un toast « à la République démocratique et sociale ! A la justice et à l’union de tous les démocrates français et étrangers ! [...] Ces principes posés, peu nous importe que les repus, ceux qui vivaient et qui vivent encore des abus de tous les régimes déchus [...] nous appellent fouriéristes, communistes, socialistes, et même républicains rouges, s’ils le veulent ! poursuivons hardiment notre tâche rénovatrice [...] » [8]. Depuis février, il est également président du Comité central démocratique de Dijon et se rallie à la candidature de Ledru-Rollin lors de la présidentielle. Candidat montagnard lors des législatives de mai 1849, il arrive derrière son ami James Demontry, élu. Lors de l’élection complémentaire d’août, à la suite de la proscription de Demontry en Belgique après les journées de juin, Grapin obtient la faveur des démocrates. « Tout en répudiant le communisme [...] qui est [...] une absurdité pour tout homme raisonnable » [9], il reprend à son compte le manifeste électoral du 7 avril publié par le Comité électoral démocratique central, mais échoue, bien qu’obtenant plus de 51 % des suffrages à Dijon même. Au lendemain du coup d’Etat du 2 décembre, le commissaire central de police de Dijon le qualifie de « socialiste actif, très intelligent et très insinuant, orateur des clubs et très agité en 1848 » [10]. Une note complémentaire signale qu’il est « nul p[ou]r l’initiative mais il serait un drapeau ». Face à la machine électorale mise en place dans le département par la Préfecture, il perd son siège de conseiller général aux élections de l’été 1852. Il ne siège également plus au conseil municipal, une liste unique patronnée par la Préfecture ayant remplacé le conseil sortant.


Jean-Claude Sosnowski

Dernière mise à jour de cette fiche : juillet 2021

Notes

[1Jacques Grapin a pour marraine Philiberte Bonnet, tante maternelle, épouse de Joseph Bonnet marchand à Dijon. Si une parenté existe avec Adolphe (Hias) Bonnet dont le père Joseph est marchand à Dijon, nous n’avons pu l’établir.

[2Le Peuple souverain, journal des intérêts démocratiques et du progrès social, 28 octobre 1848.

[3Archives nationales, Fonds Fourier et Considerant, Archives sociétaires, 10AS41 (681Mi71), lettre de Oudot, 25 mars 1839.

[4Bibliothèque municipale de Dijon, Fonds Mignard, manuscrit MS 2798, cahier A, pp. 215-224, copie de l’appel des phalanstériens de Dijon en faveur d’Arthur Young du 11 mars 1846.

[5Archives nationales, Fonds Fourier et Considerant, Archives sociétaires, 10AS41 (681Mi71), lettre de Oudot à Julien Blanc, 29 juillet 1841.

[6Voir les notices Mouillon, Charles et Belnet, Nicolas.

[7D’après Jean Gaumont, « Les idées sociales, les faits sociaux et le socialisme en Côte-d’Or » (BMD MS 2535), cité par Anne-Dominique Laurin, Le Socialisme utopique en Côte-d’Or sous la monarchie de Juillet, 1830-1848, Dijon, mémoire de maîtrise d’Histoire contemporaine, 1974, p. 128.

[8Le Peuple souverain, journal des intérêts démocratiques et du progrès social, 28 octobre 1848.

[9Le Citoyen, 10 et 15 août 1849, cité par Pierre Lévêque, Une société en crise, la Bourgogne au milieu du XIXe siècle (1846-1852), Paris, J. Touzot, EHESS, 1983, p. 319.

[10Archives départementales de la Côte-d’Or, 20M1203,« état des hommes les plus influents et les plus actifs du parti socialiste de la ville de Dijon, 18 décembre 1851 ».


Ressources

Œuvres

Considérations sur la confection du plan Géométrique de la Ville et des fauxbourgs [sic] de Dijon par J. Grapin, ancien géomètre de première classe du cadastre du Département de la Côte-d’Or, Dijon, chez Douillier, 1835, 20 p., 8°.

Sources

Archives nationales, Fonds Fourier et Considerant, Archives sociétaires, 10AS41 (681Mi71), lettre de Oudot, 25 mars 1839 ; lettre (seconde) de Oudot à Julien Blanc, 29 juillet 1841.
Bibliothèque municipale de Dijon, Fonds Mignard, manuscrit MS 2798, cahier A, pp. 215-224, copie de l’appel des phalanstériens de Dijon en faveur d’Arthur Young du 11 mars 1846.
Archives départementales de la Côte-d’Or, FRAD021_407, 5MI10R027, registre de l’état civil de la commune de Messigny, acte de baptême du 6 août 1790 (en ligne sur le site des Archives départementales de la Côte-d’Or, vue 612).
Archives départementales de la Côte-d’Or, FRAD021_461, 5MI10R034, registre de l’état civil de la commune de Norges-la-Ville, acte de mariage n° 12 du 24 octobre 1825 (en ligne sur le site des Archives départementales de la Côte-d’Or, vues 85-86].
Archives départementales de la Côte-d’Or, FRAD021_239, 2E239ART343, registre de l’état civil de la ville de Dijon, acte de décès n° 365 du 14 avril 1878 (en ligne sur le site des Archives départementales de la Côte-d’Or, vue 94].
Archives départementales de la Côte-d’Or, FRAD021_239, 5MI09R176, registre de l’état civil de la ville de Dijon, acte de naissance n° 589 du 6 octobre 1826 (en ligne sur le site des Archives départementales de la Côte-d’Or, vues 134-135].
Archives départementales de la Côte-d’Or, FRAD021_407_5MI10R029, registre de l’état civil de la commune de Messigny, acte de décès de Reine Bonnet, n° 19 du 12 juin 1812 (en ligne sur le site des Archives départementales de la Côte-d’Or, vue 468].
Archives départementales de la Côte-d’Or, 3M78/4, liste générale des électeurs et jury formant le Collège du département de la Côte-d’Or, 1er arrondissement, 1847-1848.
Archives départementales de la Côte-d’Or, 20M1203, « état des hommes les plus influents et les plus actifs du parti socialiste de la ville de Dijon, 18 décembre 1851 ».
Annuaire de la ville de Dijon, du département de la Côte-d’Or pour l’année 1839..., Dijon, Douillier, [1838 ?], p. 147.
« Sur la formation d’une société homéopathique dans la Côte-d’Or et demande du transfert de la Société gallicane à Dijon. Lu à la Société homéopathique gallicane, le 16 septembre 1834 », Bibliothèque homéopathique, n° 11, 4ème année, tome IV, Genève, Gruaz, [1835], p. 259 (en ligne sur Google livres).
Banquet démocratique et social, commémoratif de la proclamation de la République de 1792, donné à Dijon, le 22 octobre 1848, Dijon, impr. de Simonnot-Carion, [1848], pp. 9-11 (En ligne sur Gallica).
Le Peuple souverain, journal des intérêts démocratiques et du progrès social, 28 octobre 1848.

Bibliographie

Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, 1ère partie, 1789-1864, tome 2, Paris, Les Ed. Ouvrières, 1965.
Anne-Dominique Laurin, Le Socialisme utopique en Côte-d’Or sous la monarchie de Juillet, 1830-1848, Dijon, mémoire de maîtrise d’Histoire contemporaine, 1974.
Pierre Lévêque, Une société en crise, la Bourgogne au milieu du XIXe siècle (1846-1852), Paris, J. Touzot, EHESS, 1983.
Pierre Lévêque, « 1848 et la Deuxième République à Dijon », in La Bourgogne de Lamartine à nos jours, Dijon, Ed. Universitaires de Dijon, 2006, pp. 207-214.
Pierre Perrenet, « Un journal dijonnais d’opposition, sous Louis-Philippe », Dijon, Annales de Bourgogne, 1929, tome 1, pp. 57-77.


Index

Lieux : Cîteaux (commune de Saint-Nicolas-lès-Cîteaux, Côte-d’Or) - Dijon, Côte-d’Or

Notions : Boulangerie sociétaire - Election - Groupe local - Homéopathie - Médecine - Mutualisme - République

Pour citer cette notice

SOSNOWSKI Jean-Claude, « Grapin (ou Grappin), Jacques », Dictionnaire biographique du fouriérisme, notice mise en ligne en décembre 2012 : http://www.charlesfourier.fr/spip.php?article1052 (consultée le 10 février 2023).

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