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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Fumet, Jenny ou Jeanne (-Marie Nicole), née Michelot
Article mis en ligne le 30 juillet 2011
dernière modification le 26 juin 2022

par Desmars, Bernard

Née le 20 juillet 1817 à Paris, décédée le 6 mars 1914, à Paris. Fille du fouriériste Michelot, elle est l’une des dirigeantes du mouvement fouriériste, entre 1888 et 1914.

Jenny Fumet est la fille de Michelot, acteur à la Comédie française, professeur au Conservatoire et fouriériste ; dans les années 1830, elle accompagne son père chez Fourier.

Elle se marie en 1839 avec un inspecteur d’une compagnie d’assurance, Eugène Fumet ; le couple a un fils, qui deviendra ingénieur et une fille. Devenue veuve et se trouvant dans une situation matérielle difficile, J. Fumet obtient en 1865 une place dans l’administration du Théâtre français ; c’est un « modeste emploi » où elle manifeste « des qualités qui dénotent une excellente éducation et une probité exemplaire » [1].

Parmi les fondateurs de la Ligue du progrès social et de La Rénovation

Malgré sa fréquentation précoce de Fourier et des milieux phalanstériens grâce à son père, ce n’est guère que vers 1880 que l’on retrouve son nom dans les archives sociétaires : alors que la librairie des sciences sociales est menacée de disparition, elle apporte sa contribution financière (50 francs en 1880 et en 1881, puis 25 francs en 1882) afin de permettre à l’entreprise de subsister encore quelques années. En 1883, elle figure parmi les « dames patronnesses » des Orphelinats agricoles d’Afrique, qui reprennent l’exploitation et les locaux de l’Union agricole de Saint-Denis-du-Sig, avant d’y accueillir des orphelins de la métropole et de la colonie [2].

Mais, c’est surtout à partir de 1885 qu’on la voit agir, aux côtés de Destrem et de Barat. Les éléments du mouvement fouriériste (librairie, revues, société de capitalisation) et les expériences sociétaires (Beauregard, Ry, Union agricole d’Afrique) qui avaient été reconstitués entre la fin des années 1860 et le début des années 1870 sont alors en train de disparaître, et le militantisme phalanstérien semble voué à la disparition. Mais en 1885, un nouveau groupe se forme, à l’initiative semble-t-il d’Étienne Barat, secondé par Jenny Fumet, sous le nom de Ligue du progrès social. Hippolyte Destrem en prend bientôt la tête. Dans cette nouvelle organisation, Jenny Fumet assure le secrétariat et gère la trésorerie. Elle s’occupe de la correspondance avec les condisciples qu’il s’agit de réunir autour de cette Ligue, bientôt complétée par plusieurs associations et surtout dotée d’un périodique (La Rénovation) ; elle participe régulièrement aux festivités du 7 avril, organisées pour commémorer la naissance de Fourier. Elle fait aussi partie des dirigeants des associations créées par Destrem autour de La Rénovation, comme la Société de la paix perpétuelle par la justice internationale.

En raison des liens qu’elle a établis dès sa jeunesse avec un certain nombre de fouriéristes, elle apparaît un peu comme la gardienne de la mémoire de l’École sociétaire ; elle établit les relations épistolaires avec les condisciples de province ; et en 1890, elle entreprend la collecte des portraits photographiques des membres, vivants ou décédés, de l’École [3].

Dirigeante de l’Union phalanstérienne et de l’École Sociétaire Expérimentale

En 1894, Hippolyte Destrem décède, léguant La Rénovation, qui constitue désormais la principale manifestation de l’existence de ce groupe, à Alhaiza. Plusieurs disciples, dont Fumet et Barat, font alors scission, en raison de divergences sur les objectifs : Alhaiza veut cantonner son activité à la propagande, par l’intermédiaire de La Rénovation, tandis que Barat, Fumet et ceux qui les suivent, poursuivent la réalisation d’un essai sociétaire.

Les dissidents forment donc en 1895-1896 un nouveau groupe, l’Union phalanstérienne (UP), dont Jenny Fumet est à nouveau la trésorière et la secrétaire. Elle s’occupe aussi de l’administration d’une éphémère revue, Les Annales sociétaires (1898-1899), publiée par l’Union phalanstérienne. Cependant, cette dernière ne parvenant pas à concrétiser ses projets, un nouveau groupe, l’École Sociétaire Expérimentale (ESE), est constitué ; mais très rapidement, l’UP et l’ESE, qui comprennent à peu près les mêmes membres, se confondent, et J. Fumet est aussi présentée vers 1900 comme l’un des dirigeants de l’ESE. En 1903, quand l’ESE passe enfin à la réalisation, sur le domaine du Vaumain (Oise), J. Fumet est qualifiée de « secrétaire perpétuel de l’ESE » et gérante du Bulletin périodique de l’Association intégrale agricole-industrielle fondé pour soutenir l’essai sociétaire [4]. A ce moment, l’affaire Dreyfus a achevé de rompre les liens entre le groupe de La Rénovation et celui de l’UP-ESE, qui refuse l’engagement antisémite et xénophobe d’Alhaiza.

Au début du XXe siècle, J. Fumet occupe une place spécifique au sein du mouvement fouriériste comme en témoignent les hommages qu’elle reçoit lors des manifestations sociétaires : son activité, son âge et le fait d’être sans doute la seule, dans les années 1900, à avoir « personnellement connu Fourier et aussi la plupart des phalanstériens » [5], confèrent un prestige particulier à « la vaillante au cœur haut placé [...] bien qu’avec la modestie qui sied à son mérite, notre chère doyenne affecte de vouloir s’effacer » [6]. Lors de l’inauguration de la statue de Fourier (juin 1899), lors du banquet organisé pour la sortie du roman de Zola, Travail (juin 1901) et surtout lors des anniversaires du 7 avril où l’accompagne assez souvent sa fille, elle est placée à la table d’honneur, qu’elle préside parfois. Elle s’abstient cependant de prendre la parole et l’on ne dispose pas de discours de J. Fumet. De même, alors qu’elle a joué un rôle essentiel dans le fonctionnement des organes fouriéristes (La Rénovation, Les Annales sociétaires), elle n’y écrit quasiment pas, sinon pour adresser aux lecteurs quelques informations administratives (abonnement, réunions, comptes rendus des activités de l’École) ou pour signaler le décès de quelques condisciples dont elle fait la nécrologie.

Elle-même décède à près de 98 ans ; ses amis fouriéristes et surtout des représentants du monde coopératif (les discours sont prononcés par Ladousse et Pètrement, président honoraire et président en exercice de la Chambre consultative des associations ouvrière de production) assistent à ses obsèques au Père-Lachaise, où elle est incinérée. Même Alhaiza et La Rénovation lui rendent hommage, tout en regrettant qu’elle ait été touchée par « le souffle délétère du mal dreyfusiste » [7].