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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Dain, Charles
Article mis en ligne le 14 mars 2011
dernière modification le 13 novembre 2015

par Bouchet, Thomas

Né le 29 août 1812 à la Guadeloupe, mort le 22 février 1871 à Bordeaux (Gironde). Avocat. Proche de Considerant, actif dans la presse fouriériste. Anti-esclavagiste. Représentant de la Guadeloupe à l’Assemblée constituante de 1848 puis de la Saône-et-Loire à l’Assemblée législative de 1849.

Fouriériste sous la monarchie de Juillet

Issu d’une famille de planteurs, Charles Dain fait des études de droit à Paris où il est reçu avocat. Il intervient le 15 novembre 1833 au Congrès européen de l’Institut historique qui se tient à l’Hôtel de Ville de Paris sous la présidence de Philippe Buchez, dont la réputation d’historien est grande. Considerant intervient lui aussi quelques jours plus tard. Quant à d’Izalguier, il ne prend pas la parole au congrès mais son texte est publié avec ceux des deux précédents en 1836.
Dain aborde au congrès une question d’ordre très général : « Quel est le but de l’histoire, ou solution du problème social par l’histoire ». Contre l’idée selon laquelle l’être humain est condamné à une vie de souffrance, il affirme que l’horizon ultime est le bonheur. Sa conférence lui donne l’occasion de mettre en lumière la pensée de Fourier : la science historique n’existe pas encore ; elle erre sans boussole, se réfugie dans la religion, les méandres de la philosophie ; or les lois de l’histoire sont à déterminer à partir des lois générales de l’unité universelle (Trois discours (...), p. 5). C’est la connaissance de la réalité passionnelle de l’homme, livrée par Fourier, qui donne l’intelligence de l’histoire et qui, à terme, permet de résoudre le problème social. Si le discours de Charles Dain n’entraîne pas de réaction particulière, celui que prononce ensuite Victor Considerant (une attaque contre l’histoire et l’ascétisme chrétiens) déclenche l’hostilité d’une partie de la presse catholique et de Buchez lui-même. Une polémique enfle : les fouriéristes considèrent Buchez comme le chef d’une « petite secte sauvage qui ne prêche rien tant que l’intolérance » (p. 181). Une distance se creuse ainsi entre le fouriérisme et le néo-catholicisme de Buchez et de Roux-Lavergne.
De la conférence de Dain on peut aussi retenir une évocation lyrique et visionnaire de l’avenir harmonien. « Voici qu’elle (l’humanité) approche du terme, voici de beaux arbres et de frais ombrages, voici de belles et fraîches eaux, voici l’oasis dans le désert ; voici enfin, pour nous tenir dans le cercle des réalités, voici briller à trois pas ce palais magnifique et puissant au fronton duquel Fourier a écrit : Phalanstère !... c’est à dire, unité, harmonie, régénération !... » (p. 4).
Dain forme au milieu des années 1830 avec Considerant et quelques autres (Laverdant, d’Izalguier, par exemple) un groupe d’amis proches. Une lettre envoyée le 10 septembre 1835 par Considerant à Clarisse Vigoureux évoque leurs conversations interminables sur des sujets touchant à la cosmogonie et à la religion. Ils auraient à en croire Considerant éprouvé ensemble l’« enthousiasme transcendant de la haute harmonie » [1].
Dain mène aussi un combat anti-esclavagiste déterminé. Il écrit en 1836 une brochure intitulée De l’abolition de l’esclavage, suivie par un court extrait de Fourier - puis son combat se poursuit dans les colonnes de La Démocratie pacifique. Il envisage à la même période d’écrire un « Système du droit harmonien » - les annonces de l’Ecole sociétaire en témoignent -, qui ne paraît jamais.
A la fin de la monarchie de Juillet il s’engage comme Considerant dans une politique d’opposition au régime de Louis-Philippe. Il défend en sa qualité d’avocat le révolutionnaire Auguste Blanqui au procès de Tours, au tournant des années 1846 et 1847. Blanqui est poursuivi pour participation à une association non autorisée dite « Les fils du Diable », et dont l’objectif serait la propagation du communisme [2]. En septembre 1847 il prononce une plaidoirie vibrante dans un procès intenté à Victor Considerant pour un article de La Démocratie pacifique du 22 août, intitulé « Une société qui tombe ». En s’appuyant sur l’histoire du fouriérisme, il insiste sur le fait que l’Ecole sociétaire a toujours défendu la cause « de la paix et de l’ordre public » et longtemps celle du gouvernement, mais que la politique gouvernementale et la corruption de l’heure imposent aux fouriéristes de protester. La Démocratie pacifique du 8 septembre relate ce procès qui se solde par un acquittement général après cinq minutes de délibération [3]. C’est là l’une des étapes du rapprochement de l’Ecole sociétaire avec l’opposition politique au régime de Louis-Philippe 1er.

Représentant républicain sous la Deuxième République

Portrait de Charles Dain sous la Deuxième République


Dain est élu le 21 août 1848 représentant de la Guadeloupe à la Constituante (en troisième position sur trois). Il fait partie du comité de l’Algérie et des colonies. Il œuvre sans succès aux côtés de Victor Schoelcher et de Pory-Papy (représentant de la Martinique) pour que Guadeloupe et Martinique soient assimilées à des départements français, et non pas placées sous le régime de la spécialité législative. Par ailleurs il se positionne très à gauche [4]. En novembre 1848, lorsque la Solidarité républicaine est créée à Paris et dans les départements pour soutenir la candidature de Ledru-Rollin à l’élection présidentielle de décembre, il y joue un rôle actif. Ce groupe rassemble notamment des députés montagnards, des directeurs de journaux républicains et des chefs d’organisations locales. Martin Bernard la préside ; au sein de la direction figure en particulier Charles Dain. On le retrouve avec Félix Cantagrel au Banquet fraternel des délégués du Luxembourg le 13 novembre 1848. Au début de l’année 1849 il se prononce à l’Assemblée avec l’extrême-gauche contre l’expédition de Rome, pour l’amnistie générale, pour la mise en accusation du prince-président et de ses ministres.
Le 25 février 1849, lors d’un banquet qui rassemble environ trois mille convives désireux de fêter l’anniversaire de la révolution de Février, partisans de Proudhon, de Ledru-Rollin et de Raspail se succèdent à la tribune ; Charles Dain, mais aussi Jean Journet et leur ami américain Arthur Brisbane prennent aussi la parole.

Dain n’est pas réélu à la Guadeloupe en 1849 ; en revanche, il arrive cinquième sur six en Saône-et-Loire aux élections complémentaires du 10 mai 1850. Les six représentants nouvellement élus sont invalidés ; Dain est de nouveau élu en cinquième position. Il siège parmi les montagnards. Il se déclare adversaire du coup d’Etat du 2 décembre 1851 ; son hostilité s’atténue considérablement avec l’Empire : il devient conseiller à la cour d’Appel de la Guadeloupe. Aux lendemains de la chute du Second Empire, il est présent à Bordeaux en février 1871 - l’Assemblée y siège après avoir quitté Paris sous la pression des troupes ennemies. Sans doute tâche-t-il de relancer une carrière politique que son attitude comme magistrat de Napoléon III a profondément compromise.