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Boissière, Adolphe-Clément Désiré
Article mis en ligne le 10 octobre 2009
dernière modification le 26 janvier 2015

par Sosnowski, Jean-Claude

Né à Sées (Orne) le 23 juin 1814. Décédé le 20 octobre 1897 à Creil (Oise). Pharmacien et chimiste puis maître verrier et manufacturier. Membre parisien de l’Ecole sociétaire en 1841.

Adolphe-Clément Boissière est fils d’un aubergiste, Pierre Boissière et de Madeleine Sophie Hommey. Interne en pharmacie des hôpitaux, préparateur de Théophile-Jules Pelouze à l’Ecole polytechnique, parfois présenté comme ancien élève et répétiteur de l’Ecole polytechnique [1], il est établi comme pharmacien à Paris et domicilié 42 rue de l’Arbre-sec. C’est à cette adresse que, au milieu de l’année 1840, il « vient d’ouvrir une belle pharmacie » ; il « a employé pour la décoration de son établissement des travaux phalanstériens » (on n’en sait malheureusement pas davantage sur ce point). Il fait savoir pour l’occasion à la rédaction du journal « que les ouvriers malades de notre école, qui ne seraient pas en état d’acheter des médicaments, les recevront gratis chez lui, dès lors qu’ils seront pourvus d’une recommandation des docteurs Kunzli ou de Bonnard. » [2] Proche des milieux dissidents, il est signalé en 1841 parmi les principaux travailleurs appartenant à l’Ecole sociétaire.

En 1842, il présente les résultats d’un procédé de panification de son invention. Avec le chimiste Louis-Antoine Possos, il dépose en décembre de la même année un brevet pour la « fabrication de cyanogène et de tous ses composés » destiné à l’origine, à la production de teintures et à l’impression pour la laine et le coton. En faisant agir l’azote de l’air sur du charbon chauffé et imprégné de potasse, Boissière et Possos obtiennent du prussiate jaune (ferrocyanure de potassium) en grande quantité, utilisable également dans la trempe de l’acier et dans la gravure, et profitable à l’agriculture ainsi qu’à l’hygiène publique du fait de l’absence d’emploi de matières animales. Après une essai industriel à Grenelle en 1843, fort coûteux étant donné la cherté du combustible à Paris, ils s’installent en 1844, à Newcastle en Angleterre, pour le compte d’une compagnie anglaise, Bramwell et Hugues. L’expérience dure jusqu’en 1847 et est finalement abandonnée en raison du coût dû à l’usure des machines.

Revenu en France, Boissière épouse le 8 février 1848, Aglaée Irma Chedeville, fille d’un maître-verrier et propriétaire de la verrerie de Gast à Tanville dans l’Orne. Boissière redresse la manufacture [3]. Son dynamisme conduit à multiplier par cinq le personnel employé. En 1870, la manufacture compte entre 240 et 260 ouvriers de tout âge. Boissière s’illustre par « une réforme sociale toute nouvelle en France : il s’occupe du bien être moral et matériel de ses ouvriers ; il fonde et entretient à ses frais une crèche et des écoles pour les enfants, des cours de lecture, d’écriture, des cours professionnels, une salle de lecture et une bibliothèque pour les parents ; il organise les soins médicaux et pharmaceutiques gratuits pour ses ouvriers, et de plus, une Société de secours mutuel avec caisse de retraite pour les cas de maladie ou de vieillesse » [4]. L’auteur ne voit cependant dans ses mesures que l’application d’ « idées chrétiennes, généreuses et pratiques [d’un] pharmacien philanthrope », caractéristiques du paternalisme social. Boissière est membre fondateur de la Société de protection des apprentis et des enfants employés dans les manufactures reconnue d’utilité publique par décret du 4 juillet 1868 [5]. En 1867, la Société note que « l’enseignement moral » est dispensé et le « culte observé » dans la manufacture. Boissière se voit alors décerner un portrait du Prince impérial comme récompense [6]. Le rapport fourni à la Société par Boissière apporte quelques précisions sur les mesures en vigueur dans la manufacture : « les filles reçoivent la même instruction [que les garçons] dans une classe séparée. Les enfants couchent dans un dortoir avec lits de fer. Un femme de ménage les soigne ». Les heures de travail sont réduites à 10 et le travail de nuit supprimé. Les salaires sont augmentés. Chaque ouvrier possède un logement gratuit et un jardin. Enfin, Boissière leur dispense chaque hiver des conférences. Depuis une dizaine d’année, il leur offre, « à mes frais » dit-il, des cours de musique qui leur ont permis de remporter plusieurs concours. « Le théâtre leur permet d’exercer leur mémoire en les amusant ». Une machine à vapeur réduit la pénibilité de certaines tâches de taille du verre. Enfin, ateliers et logements reconstruits, salubres ont quasiment fait disparaître les maladies. La manufacture ne connaît jamais le chômage. Boissière considère que « dans les grands établissements bien administrés, [les enfants] sont bien mieux traités que dans les petits ateliers, où le plus souvent ils sont employés [...] à toute autre chose qu’au travail qu’ils sont censés apprendre ».

Egalement, membre de l’Association normande pour les progrès de l’agriculture, de l’industrie, des sciences, il propose d’utiliser les résidus de verre soluble composé de silicate de soude pour amender les terres, la paille devenant plus résistante et évitant ainsi aux blés de verser. En 1869, il est nommé membre correspondant de la Société linnéenne de Normandie.

En 1888, Boissière transfère la verrerie à Creil (Oise). Les conditions de travail y semblent beaucoup moins favorables pour les ouvriers [7].