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Brac de la Perrière, (Antoine Marie) Adolphe
Article mis en ligne le 8 février 2008
dernière modification le 1er février 2015

par Sosnowski, Jean-Claude

Né à Sainte-Foy-les-Lyon (Rhône) le 4 décembre 1807. Décédé à Meyriat (Ain) le 28 septembre 1865. Propriétaire foncier. Secrétaire puis directeur de l’Union harmonienne. Responsable de la Correspondance harmonienne. Membre de l’Institut sociétaire. L’un des fondateurs du Groupe phalanstérien de Lyon. Maire de Meyriat sous le Second Empire.

Une famille de notables lyonnais

Issu d’une famille lyonnaise d’Ancien régime, - son grand-père, seigneur de la Pillonière et de Château-Vieux était fermier général avant la Révolution française et fut victime de la Terreur en 1793 -, Adolphe Brac de la Perrière est le frère de l’avocat lyonnais Laurent-Paul Brac de la Perrière, un des premiers fidèles de Frédéric Ozanam. Leur père, André François Anne Brac de la Perrière est avocat au Parlement avant 1790. Adolphe Brac de la Perrière a en charge la gestion des domaines familiaux. En 1864, son frère Paul achève de lui racheter le domaine de la Pillonière, propriété estimée à 90 000 francs dont le rapport est estimé à 4 000 francs les bonnes années. Adolphe Brac de la Perrière épouse Adona Richard de Soultrait en décembre 1842. Aucun enfant ne naît de cette union. Lors de son décès en 1865, il est maire et propriétaire à Meyriat (Ain). C’est son frère qui déclare son décès.

« L’enfant terrible de la famille » [1]

Son intérêt pour les écrits de Charles Fourier date, semble-t-il, de 1827-1828 [2]. Adolphe Brac de la Perrière est l’une des figures principales des phalanstériens de Lyon. En 1833, il fait partie de ceux qui se rendent à Condé-sur-Vesgre avec Victor Considerant et Transon pour tenter de trouver solution aux problèmes que la colonie traverse. En décembre 1834, il propose à Charles Fourier de publier à nouveau le « Triumvirat continental et paix perpétuelle sous trente ans », paru le 17 décembre 1803, écrit dans lequel Fourier analyse les rapports de puissance entre les Etats européens et décrit les perspectives de conflits. Pour Brac de La Perrière, il s’agit de montrer « quel point de jonction singulier se trouvait entre le génie de la Guerre [Napoléon] et celui de la Paix » [3]. Il n’a connaissance de cet écrit que par « bruit » qui a circulé plusieurs fois au sein de l’Ecole. Il présente ce texte comme un plan de campagne de la bataille d’Austerlitz paru quelques mois avant la bataille dans le Bulletin de Lyon et qui aurait conduit le Préfet du Rhône [il s’agissait en fait de l’imprimeur du Bulletin de Lyon, Ballanche] à prendre la défense de Fourier, « cerveau rêveur » et non pas « écrivain prévaricateur et traitre » comme le pensaient les autorités.

Vers la dissidence

Dans cette même lettre à Fourier, il apparaît qu’Adolphe Brac de la Perrière entretient des relations de sympathie avec Clarisse Vigoureux. Il demande à Fourier de la rassurer sur la situation d’Aimée Beuque à Lyon. Il considère Victor Considerant avec amitié dans les diverses correspondances qui subsistent. Une lettre de 1836, montre qu’il tente de le raisonner et de le pousser à se réconcilier avec Madaule, capitaine de génie, auteur d’une tentative de phalanstère [4], « homme de coeur qui s’est trompé comme tant d’autres à Condé » [5]. Il écrit également :

Adieu, Victor, vois en moi un frère dévoué, et non pas un faux frère, comme vous êtes souvent disposés à le croire dans vos jurons de cabaliste ridicule.

Brac de la Perrière est en relation avec le groupe des phalanstériens genevois. C’est de Genève qu’il s’adresse encore à Victor Considerant le 10 septembre 1836, lui envoyant copie d’une lettre destinée aux membres de l’Union phalanstérienne qu’il a rédigée et signée avec F.-A. Hugon-Reydor et Alphonse Morellet [6]. Il est partisan, contrairement à Considerant, du projet défendu par Just Muiron d’Union phalanstérienne, dont les statuts sont parus en juin 1836 [7] :

Il est inutile, écrit-il à Considerant, d’affecter un certain mépris pour une opinion qui grandit dans notre sein depuis plusieurs années [...] et qui tend à se généraliser pour combler l’attente de la réalisation [8]

« Répondez donc sérieusement et pourquoi n’arriverions-nous pas à votre avis » poursuit-il, passant alors du tutoiement amical au vouvoiement. Les auteurs de la « lettre circulaire » somment Victor Considerant et le Groupe de Paris de se justifier sur leurs réticences vis-à-vis de ce projet et appellent néanmoins les membres de l’Union « à faire cesser aussitôt un état de lutte détestable et à [...] s’unir à [eux], encore une fois spontanément, tous sans exception, afin de suspendre pour un temps les effets de l’union ». Ils annoncent également leur démission de l’Union se rangeant au « désir de conciliation » de Muiron. « Pendant quelque temps remettons-nous donc franchement aux soins de V. Considerant et du groupe de Paris afin d’être par eux aidés, éclairés, unis ».

Considerant, dans une lettre amère à Muiron, datée de septembre 1836 [9] mais précédent sans doute celle que Brac de la Perrière lui adresse le 10 septembre, dénonce Brac de la Perrière dans des termes très dépréciatifs - « cette vieille commère, cette intrigante de sacristie ». Brac de La Perrière, qui ne se départit pas en effet de références au christianisme - charité et évangiles sont très présents dans ses propos -, joue un rôle effectivement ambiguë mais dont on ne peut mettre en doute la sincérité. Cette lettre commune a conduit à des dissensions au sein du groupe de l’Union, mais Brac de la Perrière affirme à Prévost :

Nous nous sommes unis pour mettre en demeure le groupe de Paris d’accomplir les promesses qu’il a faites à M. Just [Muiron] ; il faut loyalement lui laisser le temps de faire [10].

Ces promesses d’après la circulaire signée par F.-A. Hugon-Reydor, Alphonse Morellet et Adolphe Brac de la Perrière impliquent que le groupe de Paris :

s’engage formellement à communiquer par le journal La Phalange, et par une correspondance autographiée, non seulement au monde les vérités de la science, mais à nous même la vie unitaire que nous appelons de nos vœux.

Le groupe de Paris - [le propos n’est pas personnalisé et ne vise donc pas que Victor Considerant] - a pourtant traité, d’après cette même lettre circulaire, l’initiative d’Union phalanstérienne « d’intempestive, d’impolitique [sic], de ridicule et fausse en théorie », alors que celle-ci émanait du premier disciple de Charles Fourier.

Les positions que prend Adolphe Brac de la Perrière le mettent en porte à faux également au sein de l’Union et il doit s’en expliquer à Prévost :

Notre lettre circulaire est à chacun des trois par portion égale bien qu’on ait semblé affirmer le contraire. [...]. Les commentaires que chacun de nous a pu donner, en expédiant notre commune lettre le regardent personnellement et c’est pour cela que je n’ai traité aujourd’hui que mes opinions à moi et de leur légitimité [11].

Il conclut ainsi son courrier à Prévost :

Phalanstériens, adieu : je vous déteste et vous envie, tant et tant que je grille d’avoir une raison légitime de vous servir, malgré vos infamies de toutes sortes. Il faut les rejeter sur la Civilisation en même tems [sic] que les miennes. Comme par le passé, je vous aiderai de toute mon ame [sic], si vous voulez... Aimons-nous les uns les autres ; voilà la base réelle de l’harmonie ; mais aimons les natures rectifiées et vraies : repoussons les autres. Point de baisers de Juda : point d’embrassons-nous pour que ça finisse.

Fondation du Groupe phalanstérien des travailleurs de Lyon et de l’Union harmonienne

Brac de la Perrière contribue activement au développement de l’Union devenue harmonienne, relancée par Prévost de Toulouse dans une lettre circulaire datée du 18 juin 1837. Il tente de convaincre Tamisier d’être signataire de l’appel [12]. Alphonse Tamisier, ami de Victor Considerant, reste apparemment silencieux depuis plusieurs mois. Il ne fait sans doute pas partie des « hommes bien décidés » auquel fait référence Brac de La Perrière qui insiste sur le fait que dans un premier temps, l’Union harmonienne ne s’adresse qu’à ceux-ci. L’objectif « est d’établir des relations vraies et franches » complète-t-il. Il compte également sur Dévoluet. L’Union harmonienne s’appuie sur la Correspondance, « sorte de conversation de famille », par laquelle les « Femmes qui sont constamment refoulées sur elle-mêmes par la crainte du ridicule [...] pourront dans ce cercle privé manifester en toute liberté leurs pensées ». Ces échanges doivent permettre de se connaître, former les divers groupes et ainsi « la constitution régulière de l’Ecole sociétaire pourra s’effectuer » [13].

En 1837, Brac de la Perrière est également l’un des fondateurs du Groupe phalanstérien des travailleurs de Lyon, aux côtés de Romano, ancien saint-simonien, Boyron et Poulard. Ce groupe réunit aux côtés de petits notables locaux, une frange avancée de la classe ouvrière lyonnaise.
Secrétaire de l’Union harmonienne dès 1837, directeur en 1839-1840, puis simple correspondant et membre en 1840, Brac de la Perrière « qui dirigeait la Correspondance dans ses moments les plus difficiles, a su gagner l’estime et la reconnaissance de tous ceux qui ont eu l’occasion d’être témoins et de son talent et de son dévouement » [14]. Lors du congrès d’août 1839, il se fait remarquer par « une improvisation brillante, qui a duré plus d’une heure, et par la manière claire, nette et précise dont il a résumé les débats et la question » de savoir « quel est le mode de propagation le plus convenable » [15]. Avec Léonard Nodot du groupe dijonnais et Prudent Forest, alors directeur de l’Institut sociétaire, il propose dans un esprit d’extrême conciliation entre les différentes positions qui divisent les partisans de la science sociale d’« agir sur toutes les capacités intelligentes, dans les masses aussi bien que dans la classe riche et éclairée de la société » [16]. Alors que le congrès décide de transférer le siège de l’Union harmonienne à Bordeaux, Le Nouveau monde loue « son esprit de conciliation » [17]. Au second congrès de Cluny, le 27 août 1840, l’initiative est prise de revitaliser l’Union. En resserrant les liens de la « famille », le « groupe-directeur », Stanislas Aucaigne, Boyron et Borivent, veut imprimer une véritable direction à l’Union. A la fin de l’année 1840, Brac de la Perrière qui est alors domicilié au 2 rue Saint-Dominique, à Lyon,- il est voisin d’Etienne Boyron - envoie au Nouveau Monde une lettre de protestation dirigée contre les membres de l’Union harmonienne. Il explique qu’il est l’un des fondateurs de la Correspondance harmonienne et qu’il proteste contre la forme et le fond de l’acte de constitution de l’Union. Selon lui le titre Union harmonienne est depuis trois ans la propriété collective d’une corporation dont il fait partie. L’Union harmonienne est donc rebaptisée Union phalanstérienne.

En 1841, il est cité parmi les membres et participants du congrès scientifique qui se tient à Lyon et au cours duquel Victor Considerant développe la théorie sociétaire. Adolphe Brac de la Perrière réside alors à Meyriat (Ain). Il est appelé à répondre à la question de savoir quelle influence morale et physique pourrait avoir la création d’un cercle littéraire ou Athénée sur la population lyonnaise. Lors de la séance du 8 septembre, alors que le président refuse d’accorder une heure supplémentaire et un local à Victor Considerant pour permettre « la continuation de la discussion sur la doctrine sociétaire de Fourier », alors que Victor Considerant et Jules Juif réclament contre cette décision, Adolphe Brac de la Perrière reste silencieux.