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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Bourdon, Emile (Jean-Baptiste)
Article mis en ligne le 8 février 2008
dernière modification le 22 avril 2024

par Bouchet, Thomas, Desmars, Bernard, Dubos, Jean-Claude

Né le 9 novembre 1807 à Paris (Seine), décédé le 31 octobre 1890 à Paris (16e arrondissement). Journaliste, employé puis rentier. Collaborateur des périodiques fouriéristes, un des administrateurs de l’École sociétaire et de sa librairie des années 1840 aux années 1870, un des gérants de la Société de colonisation européo-américaine au Texas, membre de la Ligue du progrès social en 1886.

Émile Bourdon est le fils d’un propriétaire. Il fait sans doute des études à la faculté de droit de Paris : son dossier de reconstitution de son état civil, en 1872, mentionne le dépôt d’une pièce de l’École de droit [1].

Un membre actif de l’École sociétaire à partir de 1836-1837

Son premier texte – relatant une visite faite quelques années plus tôt à Bicêtre – paraît dès le numéro 4 de La Phalange, en 1836 [2] ; mais il est alors présenté comme « un de nos amis » par Victor Considerant et non comme un membre de la rédaction. Sa collaboration au périodique fouriériste devient ensuite plus régulière, avec des articles sur l’émancipation des esclaves dans les colonies anglaises [3], « l’imminence de la féodalité industrielle » en France [4], la « crise commerciale aux États-Unis » [5] et l’analyse d’un ouvrage de Buonarroti [6].

Dans l’été 1837, l’École sociétaire est traversée par des divisions, Bourdon fait partie de ceux qui soutiennent Victor Considerant contre les dissidents de l’Institut sociétaire [7]. Peut-être, à la même époque, est-il aussi un souscripteur au « crédit de 10 000 francs » demandé pour étudier le projet d’un phalanstère d’enfants [8]. Il est en tout cas actionnaire de la Société du 15 juin 1840 « pour la propagation et pour la réalisation de la théorie de Fourier » ; au 15 mai 1843, il détient une action de cinq mille francs [9].

Dans les années 1840 et 1850, Bourdon consacre l’essentiel de son activité au développement du mouvement fouriériste ; il figure sur les listes des « rédacteurs habituels » de La Phalange et de La Démocratie pacifique  ; il fait également partie du conseil de rédaction du quotidien fouriériste dès sa fondation en 1843 ; il publie aussi plusieurs textes dans la revue théorique de l’École, La Phalange. Revue de la science sociale. Il écrit sur des thèmes très divers : la construction des chemins de fer, l’expansion coloniale britannique, etc.

Parallèlement, il est un des onze membres du conseil de direction de l’École [10]. Il effectue des tâches administratives au sein du mouvement fouriériste : il est chargé à partir de 1846 des manuscrits de Fourier dont il établit un inventaire [11] ; il répond aux lettres de ses condisciples. Disposant de ressources personnelles, il réalise ces activités sans recevoir de rémunération [12].

Bourdon n’est sans doute pas un orateur ; en tout cas, alors que Victor Considerant, Victor Hennequin et François Cantagrel parcourent la France et la Belgique pour exposer oralement la théorie sociétaire, on ne signale pas dans la presse fouriériste de telles interventions de sa part ; même lors des banquets organisés à Paris chaque 7 avril à partir de 1838 pour célébrer l’anniversaire de la naissance de Fourier et pendant lesquels plusieurs participants prennent brièvement la parole pour prononcer un toast avant le grand discours de Considerant, son nom ne figure pas sur la liste des orateurs.

Parmi les dirigeants de l’École sociétaire, à partir de 1849

Avec le départ de Victor Considerant et de François Cantagrel en Belgique, à la suite de la manifestation insurrectionnelle du 13 juin 1849, c’est Émile Bourdon qui s’occupe de l’administration de l’École sociétaire, qui répond aux lettres des deux exilés [13], qui leur envoie des informations sur la situation du mouvement fouriériste, en particulier sur les problèmes financiers que connaît l’École sociétaire [14]. Il est désormais le responsable de la librairie sociétaire. Quand Victor Considerant lance le projet d’installation au Texas, une « agence » est constituée à Paris, provisoirement composée de Charles Brunier, Émile Bourdon, Allyre Bureau et Amédée Guillon [15]. Pourtant, Bourdon semble avoir des doutes sur la réussite du projet et ne partage pas en août 1853 l’enthousiasme de Considerant à propos des États-Unis : selon lui, il sera très difficile aux fouriéristes de rassembler des fonds assez importants et d’acquérir un savoir suffisant pour mener à bien un projet au Texas ; il ne pense pas que Considerant a le caractère qu’il faut pour réaliser l’opération ; il se méfie des initiatives débridées et des plans vagues [16]. Mais, prévoit Charles Sauvestre, « Bourdon lui-même, le sceptique » devrait y aller ; « il est appelé à devenir au Texas l’Abraham d’une nombreuse lignée de petits Parisiens rageurs » [17]. Finalement, il prend des actions de la Société de colonisation européo-américaine au Texas, mais reste à Paris. Très tôt, il s’inquiète de la situation à Réunion auprès de Cantagrel : « Quel désordre tout cela fait présumer ! quel gaspillage ! quelle déperdition ! » [18]

Il assiste à plusieurs assemblées générales de la Société de colonisation au Texas ; lors de celle du 1er septembre 1858, en présence de Considerant, il exprime sa défiance et souligne qu’il ne reste plus en caisse que 292 000 francs, tout juste assez pour tenir trois ans si la situation n’évolue pas [19].

Après le départ d’Allyre Bureau aux États-Unis, et celui d’Amédée et de Ferdinand Guillon en Russie, « Mr Bourdon, toujours dévoué, est le seul qui s’occupe activement », écrit en 1857 Aimée Beuque [20] qui, plus de dix-huit mois plus tard, se « demande comment M. Bourdon pourra suffire à tant de travail malgré son dévouement » [21].

Quand Charles Sauvestre et quelques condisciples projettent la création de la Revue moderne, ils annoncent dans le prospectus parmi les futurs collaborateurs Émile Bourdon, qui cependant ne signe aucun texte dans les huit numéros du mensuel [22], mais s’occupe de la publication des manuscrits de Fourier. Le quatrième tome paraît en 1858, mais il est très vite saisi par la police ; l’un des textes suscite des poursuites pour atteinte à la morale publique [23]. Bourdon est convoqué chez un juge d’instruction en janvier 1859 [24]. Victor Considerant, qui séjourne alors en France, écrit à son ami Alexandre Bixio (ex-ministre de Louis-Napoléon Bonaparte en 1848) et lui demande de tirer Bourdon de ce mauvais pas. Avec une certaine mauvaise foi, Considerant affirme :

C’est à peu près comme si on saisissait un livre d’algèbre. C’est une publication de documents recherchés par un petit nombre d’anciens phalanstériens… Cela n’a pas de publicité, n’est pas destiné à en avoir et ne compte que comme documents d’archives pour un petit public qui s’y intéresse à ce titre [25].

L’affaire ne semble pas aller plus loin sur le plan judiciaire. Toutefois, les exemplaires saisis sont confisqués et la publication des manuscrits est interrompue.

À la fin des années 1850, Bourdon, en tant que responsale de l’École, est en conflit avec Just Muiron : celui-ci avait obtenu quelques années plus tôt le prêt d’une somme importante de la part d’une Bisontine au profit de l’une des sociétés fouriéristes ; les héritiers de la créancière demandent le remboursement du prêt à Muiron, qui se retourne vers le centre parisien pour lui demander l’argent. Bourdon refuse, mais fait ensuite l’objet de vives critiques et d’une action en justice de la part du doyen de l’École sociétaire, qui perd devant les tribunaux.

Émile Bourdon, qui a consacré une partie de son argent personnel à la survie de la librairie sociétaire, connaît lui-même des difficultés financières : en décembre 1858, Amédée Guillon écrit que son condisciple est « ruiné depuis un an par un désastre commercial survenu dans sa famille » [26].

En novembre 1861, la société fondée en 1840 pour gérer la librairie sociétaire est liquidée lors d’une assemblée générale des actionnaires. Les trois principaux créanciers sont Brunier – qui abandonne ses créances – Baudet-Dulary et Bourdon à qui la société doit respectivement 15 000 et 11 000 francs ; les actifs de la société – la librairie avec ses livres – étant estimés à 25 000 francs, les deux hommes entrent en leur possession, avant de les revendre à François Barrier et Donnedieu de Saint-André [27].

Bourdon s’éloigne alors de la gestion des affaires sociétaires dont s‘occupent désormais François Barrier et Jean-Baptiste Noirot jusqu’à la fin des années 1860. Mais il assiste à plusieurs banquets du 7 avril, sans y prononcer de discours [28].

De retour parmi les responsables de l’École sociétaire dans les années 1870

Il revient au centre du mouvement fouriériste au début des années 1870 : il fait partie du comité d’initiative qui organise un congrès phalanstérien en avril 1872 afin de reconstituer l’École [29] ; puis il est membre du comité d’exécution chargé de réaliser les décisions du congrès, parmi lesquelles la publication d’un nouvel organe ; quand une souscription est organisée pour préparer son lancement, c’est à lui que les intéressés doivent s’adresser [30] ; le Bulletin du mouvement social paraît à partir de décembre 1872 ; son premier gérant, Eugène Nus, est remplacé en février 1876 par Émile Bourdon, qui s’occupe de l’administration du périodique, de la gestion des abonnements et de la correspondance avec ses condisciples, Charles-Mathieu Limousin s’occupant de la partie rédactionnelle. Il participe aux banquets du 7 avril en 1873, 1874, 1875, 1876 et 1879, mais là encore sans y prendre la parole [31].

Le Bulletin du mouvement social cesse de paraître en 1880. Quant à la Librairie des sciences sociales, elle est en grande difficulté depuis le milieu des années 1870 et ne survit que grâce à des appels aux dons lancés en direction des derniers disciples. Mais Bourdon est sans illusion : « Mettez-vous bien dans l’esprit que les uns et les autres ne savent précisément ce qu’ils veulent et ce qu’il faut faire », écrit-il à Eugène Tallon, le gérant de la librairie [32].

La société exploitant la Librairie des sciences sociales est dissoute en 1884 ; mais en 1885, quelques disciples de Fourier créent la Ligue du progrès social, qui entend relancer le mouvement fouriériste, avec à sa tête Hippolyte Destrem. Bourdon est sur la seconde liste des membres de cette organisation, publiée en 1886 [33].