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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Spiess (ou Spies), Laurent
Article mis en ligne le 7 juin 2018
dernière modification le 25 mai 2018

par Desmars, Bernard

Né le 31 octobre 1803 à Flaxlanden (Haut-Rhin), décédé le 30 octobre 1875 à Marseille (Bouches-du-Rhône). Maître de pension à Marseille. Membre du groupe phalanstérien de Marseille. Actionnaire de l’Union agricole d’Afrique.

Laurent Spiess est le fils d’un cordonnier d’une commune rurale du Haut-Rhin, Flaxlanden, située à quelques kilomètres de Mulhouse. Tout en restant pendant la plus grande partie de sa jeunesse au domicile de ses parents, il reçoit des enseignements de rhétorique, de philosophie, de mathématique et de physique [1].

Laurent Spiess (Archives nationales, fonds Fourier et Considerant)

Il rejoint le mouvement fouriériste en 1832 alors qu’il vit à Strasbourg [2]. Il prête le Traité de l’Association domestique-agricole de Fourier à Hippolyte Renaud, en garnison à Strasbourg [3] ; à la suite de cette lecture, Renaud se convertit alors au fouriérisme et publie en 1842 Solidarité, un ouvrage de vulgarisation de la théorie sociétaire qui a beaucoup de succès.

Laurent Spiess, dont le frère cadet Cyprien est également fouriériste, participe aux activités du groupe phalanstérien de Strasbourg. Sur une liste des fouriéristes de cette ville, il est qualifié de « mathématicien » [4]. Il s’abonne à La Phalange par l’entremise d’Henri Guillaume Carnari, le correspondant local de l’École sociétaire [5]. À la fin des années 1830, il quitte l’Alsace et s’établit à Marseille [6]. Il s’associe avec un partenaire « pour l’exploitation d’un pensionnat qui promettait quelque chance de succès » ; mais son associé, qui s’occupe de la gestion, « a fait des sottises […], des dettes, après quoi il a pris la fuite » ; et Laurent Spiess est condamné à payer la moitié des dettes de l’établissement. Grâce au soutien de « quelques-uns des parents les plus notables de la ville », il parvient à créer une nouvelle institution, rue du Paradis, où il est assisté de son frère Cyprien. Ce pensionnat connaît rapidement un grand succès. « Je n’ai affaire qu’aux meilleurs familles et j’ai le bonheur d’en avoir gagné l’estime et la considération », écrit-il à Victor Considerant [7]. Parmi ses élèves, figure Émile Ollivier (1825-1913), futur préfet, député et ministre. L’institution Spiess fait partie des établissements « les plus florissants » de Marseille au milieu du siècle [8].

Fouriériste à Marseille

À Marseille, Laurent Spiess s’efforce de diffuser la théorie sociétaire ; il veut « remplir les devoirs que le titre de prosélyte du phalanstère impose », même s’il est d’abord très occupé par ses activités professionnelles.

Ce qui ne veut pas dire qu’on ne trouve de temps en temps le moyen de faire connaître Fourier et ses représentants qui se vouent avec tant de talent et de dévouement à la propagation de la doctrine du Bonheur et de la Science [9].

À Marseille, Laurent Spiess reste abonné à La Phalange [10]. Il commande des ouvrages au Centre parisien, comme les Calculs agronomiques et considérations sociales de Nicolas Lemoyne, la Notice biographique sur Charles Fourier, de Charles Pellarin, ou encore Destinée sociale de Victor Considerant, ouvrage demandé en deux exemplaires, l’un pour lui, « l’autre pour être expédié à Odessa à un ardent phalanstérien » qu’il a « instruit ici », à Marseille [11].

Il est aussi l’un des actionnaires de l’Union agricole d’Afrique, une société créée par des fouriéristes lyonnais vers 1845-1846 afin d’exploiter un domaine en Algérie (à Saint-Denis-du-Sig, près d’Oran) et d’y pratiquer l’association du capital et du travail. Il figure sur la première liste d’actionnaires, publiée en 1847 ; il souscrit au capital pour 2 500 francs qu’il verse en totalité. Il est aussi le correspondant marseillais de l’Union agricole, chargé de faire connaître la société, de rechercher de nouveaux actionnaires et de les informer sur l’évolution du domaine de Saint-Denis-du-Sig [12].

Sous le Second Empire, sa pension reste toujours aussi réputée. Mais à partir du début des années 1860, il connaît de graves problèmes de santé ; il perd bientôt la vue, mais assure encore des répétitions pour ses élèves. « Il n’en continu[e] pas moins de prendre un vif intérêt à la cause phalanstérienne » et de s’entretenir régulièrement avec Jean-Baptiste Guizou, le principal animateur du groupe phalanstérien de Marseille [13]. Il apporte son soutien financier à la Maison rurale d’expérimentation sociétaire, un établissement éducatif fondé par Adolphe Jouanne à Ry, près de Rouen. Il envoie 12 francs au début de l’année 1871, puis la même somme au printemps 1872 [14].

En avril 1875, la maladie et ses infirmités l’empêchent de participer au banquet organisé à Marseille pour fêter l’anniversaire de la naissance de Fourier [15]. Ses condisciples marseillais, mais aussi beaucoup d’anciens élèves, assistent à ses obsèques ; Jean-Baptiste Guizou y prononce un discours faisant l’éloge de l’homme, mais très discret sur son engagement phalanstérien [16].