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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Baudry, Émile
Article mis en ligne le 14 mai 2018

par Desmars, Bernard

Né le 28 novembre 1822 et décédé le 29 octobre 1910 à Blois (Loir-et-Cher). Comptable, puis rentier. Membre de la Ligue du progrès social, puis de l’École sociétaire de Destrem et d’Alhaiza. Apporte la plus forte contribution au financement de la statue de Fourier.

Émile Baudry est le fils de Pierre Baudry, négociant à Blois, et de Marie Anne Chauvin. D’après la nécrologie parue dans La Rénovation, il a été « dès son jeune âge initié à la doctrine sociétaire par deux de ses professeurs au collège de Blois » [1].

(La Rénovation, nov-déc 1910)

Mais dans une lettre adressée à Adolphe Alhaiza en 1904, il déclare être « acquis à [la] doctrine fouriériste » depuis 57 années, alors qu’il avait 25 ans, soit en 1847 [2]. À cette époque, il existe à Blois un groupe phalanstérien, qui célèbre l’anniversaire de la naissance de Fourier les 7 avril 1846 et 1847 [3].

Il se marie en 1848 avec Émilie Clémentine Benardeau, fille d’un médecin de Monnaie (Indre-et-Loire). Une fille naît en 1849, Élisabeth Alice, seul enfant du couple. Dans ces actes d’état civil, Émile Baudry se présente comme propriétaire. Mais dans les recensements des années suivantes, il est qualifié de « caissier du payeur » (1851, 1856 et 1861), de fondé de pouvoir (1866), puis de propriétaire ou de rentier (à partir de 1872) et d’« ancien comptable » (1906). Parallèlement à ses activités professionnelles, il s’adonne à la poésie. Il publie en 1885 un recueil de poésies, Douze sonnets astronomiques, où il traite des différentes planètes, des comètes, des « univers infinis ». Il l’envoie à L’Avenir des campagnes, un mensuel dirigé par le fouriériste Germain Délias qui rend « hommage au talent poétique de l’auteur » de cette « brochure luxueuse » [4].

Lecteur de La Rénovation et souscripteur de la statue de Fourier

Jusqu’aux années 1880, on ne le voit pas dans la documentation fouriériste, sinon comme souscripteur de la Maison rurale de Ry (Seine-Inférieure) fondée par Adolphe Jouanne [5]. Mais quand Étienne Barat, Hippolyte Destrem et Jenny Fumet créent en 1885-1886 une nouvelle organisation fouriériste, la Ligue du progrès social, il en est l’un des premiers adhérents [6] ; il est ensuite en 1888 l’un des premiers abonnés de La Rénovation, la publication fouriériste dirigée par Destrem.

Par ses dons, il contribue à la réalisation de la statue de Fourier d’abord avec de petites sommes (le plus souvent entre 2 et 5 francs) régulièrement versées ; mais quand, une fois la statue érigée, Alhaiza appelle ses condisciples à l’aide car la dépense n’a pas été couverte, il envoie la somme de 1756,55 francs ce qui comble la plus grande partie du déficit et fait de lui le plus gros contributeur financier à la réalisation du monument (avec les sommes antérieures, son apport total se monte à 1786,55 francs) [7].

La fidélité à Alhaiza et à l’École sociétaire

Quand, après la mort de Destrem, l’École sociétaire comprend deux tendances, l’une plus propagandiste (autour d’Alhaiza), l’autre plus favorable à la réalisation sociétaire (l’Union phalanstérienne – École Sociétaire Expérimentale autour de Barat et Fumet), Baudry d’abord apporte son soutien financier aux deux courants. Alors que ceux-ci, à partir de 1899, sont en très mauvais termes et étalent publiquement leurs divergences, Baudry continue à entretenir des relations avec les uns et les autres. En 1901, il figure sur une liste des membres de l’École Sociétaire Expérimentale et est affecté à l’une des « séries » de l’organisation, la « série de la science sociétaire » qui, constituée « d’anciens phalanstériens [et] d’hommes d’expérience et d’érudition […] aidera de ses conseils les organisateurs et s’assurera qu’ils ne commettent point d’hérésies dans l’application » [8].

Pourtant, tout en disant ressentir « un profond chagrin de voir notre chère école se désagréger et se retrancher en deux camps » [9], Baudry se range finalement du côté d’Alhaiza ; il l’appuie à la fois par sa correspondance et par ses modestes, mais réguliers apports financiers. Dans ses lettres – tout du moins d’après ce que l’on peut en savoir à travers les extraits retranscrits dans La Rénovation –, il soutient la position antidreyfusarde d’Alhaiza, insistant surtout sur les « discordes » et « la décomposition sociale » qui menacent la France (on ne lit pas de propos antisémites sous sa plume, à la différence d’Alhaiza) [10]. Il est favorable à la Ligue pour la nationalisation du sol, constituée par Alhaiza en alliance avec les socialistes colinsiens, et contestée par des fouriéristes au nom des principes phalanstériens et anti-collectivistes [11]. Il fait également partie des quelques membres de la société formée en 1903 par Alhaiza pour mettre l’École sociétaire en conformité avec la loi de 1901 sur les associations [12].

De 1900 à 1910, il envoie régulièrement des lettres à l’occasion de l’anniversaire de la naissance de Fourier célébré chaque 7 avril, déclarant être en « communion mentale » avec les participants au banquet phalanstérien organisé à Paris. Il incite alors ses amis à faire preuve d’optimisme, malgré le peu d’audience du fouriérisme et l’absence de résultats de leurs efforts. Il faut garder « courage et persévérance […] en semant pour les générations futures » écrit-il en 1901 [13] ; et en 1906 : « Encore une année phalanstérienne d’écoulée […] et un pas de plus vers la terre promise, ce pas devenant de plus en plus grand chaque année. Espoir donc et courage » [14].

Il apporte aussi son soutien financier, chaque fois avec des sommes modestes, de quelques francs ou quelques dizaines de francs au maximum, souscrivant pour la restauration de la tombe de Fourier, pour la publication du Dictionnaire de sociologie phalanstérienne de Édouard Silberling, et s’engageant à verser des compléments à son abonnement afin de sauver La Rénovation, un moment menacée vers 1906 [15].

Sa contribution rédactionnelle est très modeste avec semble-t-il un seul véritable article, sur la suppression des armées permanentes : il considère que cette mesure – qu’il souhaite – provoquerait des perturbations sur le marché de l’emploi avec l’afflux de travailleurs libérés des activités militaires ; il propose donc, se référant explicitement à Fourier, la transformation de ces armées permanentes en « armées industrielles » notamment affectées aux travaux publics [16]. Pour le reste, on trouve de lui dans La Rénovation des passages de sa correspondance et quelques poésies. Ses Douze sonnets astronomiques sont par ailleurs réédités « par les soins de La Rénovation » en 1907. A Blois, il est en relation avec une certaine Émilie Cotté, auteur également de quelques poésies et disciple de Fourier.

Vivant seul, après le décès de sa femme en 1900, dans une belle propriété située à proximité du centre de Blois, il éprouve de plus en plus de difficultés à se déplacer et meurt des suites d’une opération chirurgicale en 1910.