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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

Manoury, Auguste (Noé)
Article mis en ligne le 1er mai 2016

par Desmars, Bernard

Né le 16 janvier 1855, à Hérouville (aujourd’hui Hérouville-Saint-Clair) (Calvados). Décédé le 7 mai 1907 à Paris, 15e arrondissement (Seine). Enseignant, journaliste, bibliothécaire, avocat. Militant associatif, socialiste, coopérateur, un des dirigeants de la Chambre consultative des associations ouvrières de production au début du XXe siècle. Participe aux activités de l’École Sociétaire Expérimentale et de l’Union phalanstérienne entre 1901 et 1906.

Auguste Manoury naît dans une famille de cultivateurs, septième enfant sur neuf. Il effectue sa scolarité au lycée de Caen et obtient le baccalauréat es sciences en 1873. Tout en envisageant de faire des études de médecine, il commence une carrière dans l’enseignement.

Enseignant, journaliste, bibliothécaire et coopérateur

Répétiteur pendant deux ans au lycée du Mans, il exerce ensuite la même fonction dans plusieurs établissements : l’institution Massin – une prestigieuse institution privée parisienne –, le collège de Bar-sur-Seine (Aube), un établissement secondaire privé de Jonzac (Charente-Maritime). La nécrologie publiée en 1907 dans L’Association ouvrière signale aussi une collaboration au Franc-parleur rémois, un quotidien républicain publié de juin à septembre 1877 par Eugène Courmeaux et des ouvriers socialistes [1].

A la fin des années 1870, Manoury est professeur de sciences et de mathématiques à la pension Bazerque, une institution privée d’Agen. A côté de son activité professionnelle, il participe à la vie politique locale : il fonde un comité radical-socialiste qui, en 1881, parvient à faire élire certains de ses membres au conseil municipal. Il est ensuite nommé bibliothécaire de la ville ; en 1883, il obtient le certificat d’aptitude récemment créé par Jules Ferry pour devenir bibliothécaire en université. Cependant, il préfère prendre en main la direction de La Fraternité. Journal de la démocratie de l’Aude qui paraît depuis 1869 à Carcassonne sous le patronage de Théophile Marcou. Mais l’évolution de ce député républicain vers l’opportunisme conduit Manoury à quitter La Fraternité et à rejoindre Perpignan en 1884 pour devenir rédacteur en chef de L’Éclaireur, de tendance radicale-socialiste. Il fonde ensuite deux autres journaux, Le Radical socialiste et La République démocratique, et devient le correspondant du Petit Méridional [2]. Dans ces différents organes politiques, il s’intéresse particulièrement aux problèmes sociaux, à la situation des ouvriers et à la coopération comme moyen d’établir une société plus juste. La vigueur de son ton le conduit parfois devant les tribunaux, où il est condamné à des amendes et à des peines de prison ; elle lui attire aussi « les haines de pas mal d’arrivistes qui ne lui pardonnaient pas son franc-parler, son indépendance de plume » [3]. Il se retrouve alors « dans un état voisin de la détresse » ; mais « ne voulant point prostituer sa plume, il abandonna la carrière de journaliste » [4].

En 1890, il entre au secrétariat de la Société coopérative pour l’exploitation des forêts de chêne-liège, dans le Roussillon ; cette société, dont le siège est à Le Boulou (Pyrénées-Orientales), s’occupe aussi de la fabrique de bouchons et de la vente de vins du Roussillon. Cette fonction le met en relation avec la Chambre consultative des associations ouvrières de production. En 1895, il est envoyé par la coopérative à Paris pour fonder une succursale. Pendant son séjour parisien, il se marie avec Jeanne-Gabrielle Chapat. Mais en 1897, il doit abandonner ce travail en raison d’une maladie grave qui l’amène, sur le conseil de ses médecins, à retourner dans le Midi. Il accepte le poste de directeur du service de contentieux et de la correspondance que lui offre un ami entrepreneur de transports, pour son agence de Montpellier. Cet emploi, qui le confronte à des questions juridiques, le conduit à s’inscrire à la faculté de droit avec le projet de devenir avocat.

La coopération, l’engagement social et la fréquentation des fouriéristes

Il conserve ce travail jusqu’en 1900, quand la Chambre consultative des associations ouvrières de production lui propose de rejoindre le secrétariat de son conseil d’administration. Il assure en même temps les fonctions de directeur et de rédacteur en chef de L’Association ouvrière. Il est également secrétaire du conseil d’administration de l’Orphelinat de la coopération, une institution fondée à l’initiative de Raphaël Barré au profit des jeunes enfants de coopérateurs décédés. Parallèlement, il continue à Paris ses études de droit entamées à Montpellier ; après l’obtention de sa licence en 1902, il s’inscrit au barreau comme avocat stagiaire. Il met ses connaissances juridiques au service des syndicats et des coopératives.

Cet engagement coopératif est prolongé par un investissement dans diverses associations et institutions, concernant pour la plupart les ouvriers et les ouvrières. En 1902, il est élu au Conseil supérieur du travail par les coopératives de production. Il est l’initiateur et l’organisateur du Congrès de l’hygiène des travailleurs et des ateliers qui se tient en 1904 à Paris. Il tient le secrétariat de l’Association de l’hygiène et de la sécurité des travailleurs. La Société pour l’éducation sociale, formée à la suite du Congrès international d’éducation sociale tenu en 1900, et présidée par Léon Bourgeois, en fait son secrétaire général en 1906 [5]. Avec l’aide de cette association, Manoury fonde la Société des Midinettes, dont l’objectif est la création de restaurants coopératifs, afin de « préserver les ouvrières parisiennes des dangers que court actuellement leur santé par suite d’une alimentation insuffisante, peu réconfortante, prise sur les bancs des squares ou des promenades, en butte à toutes les intempéries » [6]. Il est aussi le fondateur de l’association parisienne des « Républicains normands » [7].

Franc-maçon, il fonde la loge L’Éducation coopérative, et soumet en 1906 au congrès du Grand Orient de France une résolution en faveur de la coopération :

Le Convent est d’avis que la formation de sociétés coopératives ouvrières est un des moyens d’arriver à supprimer le salariat, et il engage le gouvernement de la République à favoriser la création et le développement de semblables organisations ouvrières […] [8]

Au service de ces différents engagements, et en particulier de la coopération, Manoury voyage beaucoup en France et à l’étranger ; il fait partie en 1904, pour la section d’économie sociale, du jury de l’Exposition universelle de Saint-Louis ; il profite de cette manifestation pour passer quelques jours au Canada et y prononcer des conférences sur la coopération. L’année suivante, il est à l’Exposition universelle de Liège, et en 1906, à celle de Milan [9]. Surtout, il fait de nombreuses conférences en France, dans les universités populaires, les bourses du travail, les loges maçonniques et devant des publics de travailleurs qu’il encourage à constituer des sociétés ouvrières.

La mort, en 1906, d’Alexandre Vila, secrétaire général de la Chambre consultative depuis près de vingt ans et actif propagandiste de la cause coopérative, et son remplacement par Jean-Baptiste Dumay conduisent Manoury à intensifier ses déplacements. Le conseil d’administration décide en effet que

le nouveau secrétaire général de la Chambre consultative ne sera pas appelé à se rendre en province. C’est à Manoury que sera confié de préférence le soin d’aller faire des conférences partout où besoin sera [10].

Son poids au sein de la Chambre consultative, qui, à lire les comptes rendus des séances du conseil d’administration reproduits dans L’Association ouvrière, apparaît très tôt, se renforce encore après le départ de Dumay du secrétariat général, quelques mois seulement après sa nomination. Manoury devient le nouveau secrétaire général de la Chambre consultative, à laquelle il tente d’insuffler plus de dynamisme et une orientation plus nettement socialiste.

Syndicalisme, socialisme et coopération

Manoury veut développer les relations entre les associations coopératives et les syndicats. Plus précisément, il souhaite que les seconds rejoignent les premières :

pour que la coopération atteigne le but poursuivi, c’est-à-dire la suppression du salariat, il est absolument nécessaire qu’elle soit pratiquée par les syndicats. Le syndicalisme doit être intimement lié à la coopération pour l’affranchissement de la classe ouvrière [11].

A certains socialistes réservés envers les coopératives, il répond que

l’esprit socialiste les anime de plus en plus […], avec plus de méthode aujourd’hui qu’à leurs débuts, les associations de production sont à même d’affranchir les salariés du patronat.

[…] le plus grand avenir leur serait assuré, le plus grand pas serait fait pour le triomphe de la justice sociale et la fin de l’exploitation de l’homme si les travailleurs comprenaient la nécessité pour eux d’adhérer à leur syndicat, de pénétrer dans les Coopératives de consommation, d’en créer de nouvelles au besoin, et dont les bénéfices considérables seraient affectées à la création de coopératives de production ou de domaines agricoles. Ce serait la conquête de l’industrie, du commerce, de l’agriculture par les travailleurs enfin organisés et conscients [12].

Quant à la Chambre coopérative, affirme-t-il,

son idéal est la transformation de l’état social actuel en un état plus équitable, et son but immédiat est l’amélioration du sort des travailleurs par la coopération [13].

Dans ses conférences et ses articles, Manoury dénonce le « joug capitaliste » [14] dont la coopération doit délivrer les travailleurs ; il faut « lutter contre le capital et partant contre le patronat » [15]. Aussi,

il est nécessaire que les Associations coopératives ouvrières de production et les Syndicats ouvriers et agricoles rouges entretiennent les rapports les plus cordiaux et se prêtent un appui mutuel, en attendant que toute la production industrielle et agricole soit placée coopérativement entre les mains des producteurs [16].

Ce thème de « la lutte contre le capital » est complété par celui de la « solidarité », que Manoury définit ainsi :

faire converger les efforts de l’individualité, et conséquemment créer une garantie de justice et de sécurité au profit de l’individualité ; en d’autres termes, la Chambre consultative adopte l’idée moderne : comprendre le bonheur des individus dans le bonheur général, et non plus dans le chacun pour soi de la doctrine égoïste qui a prévalu jusqu’alors [17].

Favorable à une collaboration active avec les syndicats, Auguste Manoury souhaite également que les coopérateurs s’engagent sur le terrain politique. Radical-socialiste dans les années 1880, Auguste Manoury est socialiste au début du XXe siècle. Il est membre du Parti socialiste français, qui regroupe à partir de 1902 les socialistes indépendants – dont Jaurès, Millerand et Viviani –, les broussistes et les allemanistes. Candidat socialiste à la députation en 1902 dans la première circonscription de l’arrondissement de Châteauroux, il est éliminé dès le premier tour [18]. En 1904, à l’approche des élections municipales à Paris, le comité socialiste du quartier Necker en fait son candidat, mais il se retire avant le vote pour protester contre l’exclusion du Parti socialiste français d’Alexandre Millerand, dont il est assez proche. Il représente l’Indre début avril 1905 au comité interfédéral du Parti socialiste français, mais il ne semble pas rejoindre la SFIO, constituée lors du congrès d’unification (23-25 avril 1905).

Il projette alors la création d’un « parti coopératiste », à la fois républicain et socialiste, et qui aurait pour caractéristique de faire valoir les intérêts de la coopération dans les différentes assemblées, municipales, départementales et nationales. Il parvient à entraîner une partie de la Chambre consultative derrière lui, certains coopérateurs étant cependant réticents à l’entrée de la coopération sur la scène politique. Pour L’Humanité, il s’agit tout bonnement d’un « parti de désorganisation ouvrière » ou encore d’un « parti de démagogie doumérienne », du nom de Paul Doumer, proche de la Chambre consultative [19].

À l’occasion d’un scrutin municipal complémentaire dans son quartier, il présente sa candidature « républicaine, socialiste, syndicaliste, coopératiste », avec, dit-il, le soutien de syndicats ouvriers et d’associations ouvrières de production. Des membres de la Chambre consultative soutiennent son initiative, afin que les associations ouvrières soient « représentées et défendues au Conseil municipal par un coopératiste qualifié » [20].

Lui-même s’affirme

nettement républicain-socialiste, indiquant que la caractéristique de sa candidature, c’est surtout la façon dont il estime que le problème social peut être solutionné, pacifiquement et progressivement, par l’organisation des travailleurs en Syndicats d’abord et en Associations ouvrières de production ensuite [21].

L’Humanité réagit à cette candidature en qualifiant Manoury de « renégat », « aujourd’hui profond admirateur des traîtres Millerand et Doumer » [22].

Un fouriérisme tardif et hétérodoxe

Quand Manoury arrive à la Chambre consultative, celle-ci a déjà établi des liens avec le mouvement fouriériste, grâce à Henry Buisson, suivi notamment d’Alexandre Villa et de Raphaël Barré. Cette collaboration entre coopérateurs et disciples de Fourier a permis la réalisation de la statue de Fourier, inaugurée en 1899. Ces relations se traduisent aussi par la présence aux manifestations phalanstériennes des dirigeants de la Chambre qui reconnaissent alors en Fourier l’un des précurseurs de la coopération. Ainsi, Auguste Manoury participe en 1901 – semble-t-il pour la première fois – au banquet organisé le 7 avril pour commémorer la naissance de Fourier [23].

Cependant, le mouvement phalanstérien se divise aux alentours de 1900 en deux tendances, l’une représentée par La Rénovation et Adolphe Alhaiza, qui se caractérise par son antisémitisme et sa xénophobie, l’autre organisée dans l’Union phalanstérienne et l’École sociétaire expérimentale qui poursuit le projet de réalisation sociétaire. La Chambre consultative s’éloigne du premier courant, mais intensifie ses relations avec les membres de l’Union phalanstérienne et de l’École Sociétaire Expérimentale. Manoury, en tant que directeur de L’Association ouvrière, leur réserve une partie de l’espace rédactionnel de cet organe, afin qu’ils puissent tenir leur « Chronique sociétaire ». Lui-même souligne l’inscription de la coopération dans le cadre de la pensée de Fourier :

Dans les associations ouvrières, nous sommes les metteurs en œuvre de la doctrine fouriériste. Ce sont les associations ouvrières qui démontrent la vérité de la théorie du grand sociologue bisontin.

Nous le faisons d’une façon imparfaite sans doute, parce que nous ne sommes pas assez nombreux pour nous mouvoir et nous organiser d’après les principes d’équité absolue qui devraient régir le fonctionnement de toutes nos Associations ; parce qu‘aussi, pour assurer leur existence d’abord, nos Associations sont trop souvent obligées de composer avec les puissantes infamies de la société capitaliste qui les enserrent de toute part.

Mais cependant, les expériences que nous faisons ne sont pas si limitées que l’évidence de la possibilité de faire disparaître tout le mal par l’organisation du travail et la répartition des richesses qu’il produit au moyen des Associations ouvrières, basées sur l’harmonie fouriériste, n’apparaisse pas aux yeux des travailleurs informés et de tous les hommes qui ne restent pas buttés à des conceptions politiques dont ils n’attendaient la réalisation que de lois brutales entraînant souvent de nouvelles misères [24].

Manoury assiste à plusieurs réunions fouriéristes. En mai 1901, il figure parmi les auditeurs d’une séance publique organisée par l’École Sociétaire Expérimentale afin de présenter ses activités et ses intentions, dans le cadre du Foyer du peuple, une université populaire animée par leur condisciple Louis Guébin [25]. En juin suivant, il participe en compagnie notamment de Jenny Fumet, Jean-Baptiste Noirot, Henry Buisson, Alexandre Vila et Raphaël Barré, à l’hommage rendu à Zola pour la publication de Travail, un roman d’inspiration fouriériste [26] ; à l’automne de la même année, Manoury et Barré représentent la Chambre consultative lors de réunions qui se tiennent chez Jean-Baptiste Noirot ; il s’agit d’examiner un projet de « maison sociétaire », c’est-à-dire une association ayant pour but « de procurer à chacun de ses membres, pour lui et sa famille, aux meilleures conditions possibles, un logement confortable comprenant le nombre de pièces et les facilités qu’il jugera nécessaire pour l’exercice de sa profession ou pour ses convenances personnelles », des pièces communes réunissant les habitants en particulier pour les repas. Manoury est d’ailleurs chargé de rédiger « un projet de manifeste qui servira de base pour la propagande et empêchera qu’elle ne s’écarte trop des intentions et des initiateurs de la Maison sociétaire » [27]. On ne sait si ce manifeste est effectivement paru.

On retrouve encore Manoury en décembre 1901 lors d’un dîner phalanstérien, qu’il préside [28]. Il est présent lors des obsèques des fouriéristes Marie-Louise Gagneur [29] et Jean-Baptiste Noirot [30]. Il assiste à plusieurs reprises aux banquets du 7 avril organisés par l’École sociétaire expérimentale et l’Union phalanstérienne. En 1906, il prend la parole et

fait remarquer que ç’a été peut-être pour avoir voulu englober d’un seul coup l’être humain tout entier que des insuccès se sont produits, tandis qu’avec la nouvelle tactique de l’esprit d’association concentré sur un genre d’activité déterminé, les succès se multiplient et l’idée du grand penseur se réalise ainsi par fragments [31].

Le rapprochement entre Adolphe Alhaiza et le syndicalisme « jaune » de Pierre Biétry, vers 1904-1905, irrite les dirigeants de la Chambre consultative qui craignent que l’on puisse assimiler le fouriérisme dont ils se réclament, à un mouvement « syndical » qu’ils dénoncent. C’est Auguste Manoury qui, sans doute en tant que directeur de L’Association ouvrière et au nom de la Chambre consultative, mène la charge contre le directeur de La Rénovation  :

La Chambre consultative des Associations ouvrières de production a toujours professé des opinions fouriéristes.

En maintes circonstances, elle a affirmé les principes de l’École sociétaire. […]

Beaucoup d’entre nous prennent aux manifestations fouriéristes une part effective quand ce n’est pas nous-mêmes qui les provoquons. […]

La Chambre consultative et les Associations ouvrières adhérentes sont donc des organismes sociétaires, et, du reste, Fourier est considéré, à juste titre comme un des fondateurs du système coopératif.

Or, il existe un journal mensuel qui s’appelle La Rénovation […] et qui est rédigé par M. Adolphe Alhaiza.
M. Adolphe Alhaiza est un antisémite forcené.
Il écume quand il parle des juifs, et il voit des juifs partout […]
Sa principale occupation a été, durant plusieurs mois, d’injurier Zola et il a piétiné avec une joie sauvage sur son cadavre […]
En bon antisémite d’ailleurs, M. Adolphe Alhaiza a une sainte horreur du « maçonnisme judaïque, ténébreux et dissolvant » et il déteste violemment les socialistes, Millerand et Jaurès, notamment, sont ses bêtes noires. […]
Le Conseil d’administration de la Chambre consultative qui, avec un grand nombre de phalanstériens qualifiés, désapprouvait depuis longtemps l’attitude de M. Alhaiza, a pensé qu’il fallait absolument renier toute solidarité prochaine ou lointaine dans le plus récent avatar du rédacteur de La Rénovation, qui prétend faire des « Jaunes » les véritables continuateurs et les sincères ouvriers du fouriérisme.
C’est parce que nous nous sommes toujours réclamés de la méthode sociologique du grand penseur bizontin [sic] que nous ne voulons pas laisser supposer que nous consentons à être entraînés dans les voies rétrogrades où MM. Alhaiza et Biétry s’engagent bras dessus bras dessous allègrement [32].

Pourtant, en dehors de ce texte, Manoury s’exprime peu sur la théorie sociétaire. Et son « fouriérisme » diffère largement de celui qui est propagé par les différentes organisations phalanstériennes. Considérant que « l’antagonisme entre le Capital et le Travail ne disparaîtra que lorsque les ouvriers seront en pleine possession de la Production » [33], il souhaite développer la lutte contre le patronat et les détenteurs du capital, en particulier grâce aux syndicats, quand les membres de l’Union phalanstérienne et de l’École Sociétaire Expérimentale, qui s’intéressent peu au syndicalisme, se prononcent pour la conciliation du capital, du travail et du talent. Par ailleurs, Manoury ne semble guère s’intéresser à l’établissement par Raymond-Duval d’une colonie sociétaire au Vaumain (Oise), dans laquelle s’implique Alexandre Vila.
Pendant les premiers mois de 1907, Manoury est « en lutte avec une série de maladies qui, les unes après les autres s’attachaient à détruire l’organisme pourtant puissant, de celui que nous avons connu si robuste » [34]. Après avoir longtemps résisté, il décède le 7 mai 1907.