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Jounin, (Jean-Baptiste) Auguste
Article mis en ligne le 4 août 2015
dernière modification le 11 décembre 2023

par Sosnowski, Jean-Claude

Né à Paris (Seine) le 8 février 1814. Décédé à Paris le 22 octobre 1873. Médecin homéopathe et adepte du magnétisme. Fondateur et secrétaire du groupe des Harmonistes en 1843 ; rédacteur de La Correspondance phalanstérienne en 1843 puis du Nouveau Monde, journal de l’essai sociétaire sur les enfants en 1844.

Médecin homéopathe et adepte du magnétisme

Jean-Baptiste Auguste Jounin est le fils de Charles Jounin et de Geneviève Fontaine. Il est reçu officier de santé « suivant les nouvelles formes » [1] à Paris le 5 novembre 1842. Il est alors domicilié 2 rue Grenéta ; c’est l’adresse de son père, fabricant de cartes à jouer [2], dont le nom disparaît des annuaires après 1844 [3].
Jounin est connu des sympathisants phalanstériens pour ses compétences médicales et son désintéressement. « Les ouvriers de notre école peuvent s’adresser en cas de maladie, pour les consultations gratuites, chez M. Jounin, médecin, rue Saint-Antoine, 97 » déclare Le Nouveau Monde à partir d’avril 1843. Toujours selon Le Nouveau Monde, son cabinet ne désemplit pas :

Nous avons visité le cabinet des consultations de M. Jounin, nous avons été frappé de la grande affluence des malades pauvres qui attendaient le médecin comme leur providence. M. Jounin, disciple de notre école, a compris la haute mission d’un médecin. Il ne refuse pas ses soins aux pauvres, souvent il leur offre, sans aucune rétribution, les médicaments [4].

Il est praticien homéopathe. Le Nouveau Monde ne manque pas de signaler les soins heureux qu’il prodigue. En juin, il souligne que « la vue de M. Galletti a été menacée. M. Jounin lui a rendu la santé en se servant de la médecine homéopathique » [5]. En juillet, c’est Mme Amelin, rue Saint-André-des-Arts qui demande à la rédaction du journal

de faire connaître qu’après de longs et inutiles efforts des médecins, elle doit sa radicale guérison aux soins de M. Jounin, qui l’a traitée homéopathiquement [6].

C’est en tout logique qu’il est chargé de la nécrologie d’Hahnemann dans Le Nouveau Monde :

Hahneman [sic] est mort ; dans ce siècle de médiocrité, encore un homme de génie de moins. […] La presse française n’a pas même remarqué qu’une étoile qui ornait notre globe, venait de s’éteindre. Nous laissons à un de ses admirateurs et disciples, le soin d’exprimer le deuil que partageront tous nos lecteurs. Hahnemann n’est plus ! La mort est venue nous l’enlever […] et a rendu à la terre la matière qu’elle avait prêtée au corps dans lequel habitait le génie qui vient de nous abandonner, et qui vit maintenant dans le monde éthéré et aromal, en compagnie d’autres génies dont aussi nous avons déplorer la perte, mais dont heureusement nous ne pouvons cesser de recevoir les salutaires influences [...] [7].

Jounin est également adepte du magnétisme et du somnambulisme :

L’humanité toute malade, toute gangrenée qu’elle est, peut jeter vers un avenir qu’elle aperçoit déjà ses yeux pleins d’espérance, les médecins ne lui manqueront pas. Dieu, par une de ses propriétés, l’universalité de providence, lui en a envoyé trois à la fois, Fourier, Hahnemann, Messmer, et à chacun une tâche à remplir. Au premier celle d’annihiler les causes morbifiques qui affligent notre planète, et dont la funeste influence se répand sur tous les règnes et toute la création. Au second celle de guérir et extirper à jamais le miasme de l’étère [sic] qui ronge et qui rongera l’homme durant la quarantaine qu’il devra subir avant d’arriver à l’harmonie. Au troisième, enfin, celle qui dans l’état sociétaire où nous devons passer devra rétablir l’équilibre qui pourra un moment se trouver ébranlé. […]. Le magnétisme est la vraie médecine, […] c’est celle qui découle le plus naturellement des propriétés de Dieu (économie de ressorts, produire le plus d’effets possibles avec le moins de dépenses possibles) [8].

Il considère que tout ce qui est

créé dans la nature est plus ou moins chargé de fluide électrique ou magnétique, lequel fluide à la propriété d’attirer ou de repousser les corps sympathiques ou antépathiques [sic] qui sont dans la sphère d’action qu’occupe chaque corps créé. [L’homme] au premier degré de l’échelle doit posséder au degré le plus élevé la quantité de fluide nécessaire à attirer ou repousser une certaine quantité de fluide analogue, sympathique ou antipathique au sien [afin] de rétablir l’équilibre qui aura pu être ébranlé […]. Ces seules forces magnétiques de l’homme devront suffire aux besoins du genre humain […] [9].

Le magnétisme étant la médecine de la période d’Harmonie, le somnambulisme lui est indispensable en civilisation pour indiquer le chemin :

Dieu ne nous ayant pas créés en vue de la société actuelle, mais bien pour une société, où les tempéraments, les besoins, et les attractions seront connus, calculés, harmonisés, il sera alors facile de connaître l’être capable de soulager son semblable ; […] Dieu […] a doué certains êtres de sens beaucoup plus élevés que les nôtres ; […] il permit à l’homme de se donner la satisfaction de provoquer par le magnétisme cet état d’élévation qui constitue le somnambulisme, afin qu’il pût recevoir les lumières qui, dans l’état de veille, et lui arrivant directement, l’éblouiraient ou le rendraient fou […]. La maladie […] est un moyen de nous inviter à l’attraction […]. [Dieu] nous donna les facultés de nous soulager, sinon de nous guérir, et il voulut que l’homme cherchât les lois de l’hygiène et de la thérapeutique ; mais sachant très bien qu’il faudrait […] des efforts inouïs pour trouver ces lois, il privilégia quelques individus afin qu’ils dussent faire voir la lumière à ceux qui phosophobes [sic pro photophobes], ou trop orgueilleux, se refuseraient à la regarder » [10].

Enfin, Jounin défend le principe « extatique, état dans lequel l’âme communique directement avec l’esprit, avec Dieu » [11]. Pour justifier sa pensée, il tente de s’appuyer sur Fourier et le principe de la série, de l’unité et des liaisons entre macrocosme et microcosme. Mais Jounin ne peut qu’émettre des réserves sur la diffusion de ces pratiques en période de Civilisation :

La société actuelle est donc dans l’impuissance de se ressentir des bienfaits du magnétisme comme de toute autre médication, puisqu’il n’y a jamais que quelques uns de ses membres qui peuvent en réclamer les services, la majorité étant obligée de se laisser mourir et de vivre seule comme lui recommande Rousseau jusqu’à sa dernière heure. […] la société s’oppose elle même à ce qu’on soulage promptement et sûrement ; il faut que tout le monde vive, et à plus forte raison il faut que chacun vive de son état, eh bien, tant que la médecine sera dans le monde un métier rétribué comme il l’est aujourd’hui ; en raison directe de la maladie, et inverse de la santé, les médecins ne feront point d’effort pour arriver à guérir promptement […] [12].

Le groupe des harmonistes

En avril 1843, il est l’un de ceux qui interviennent lors de l’anniversaire de la naissance de Fourier organisé après plus d’une année d’absence de propagande populaire par le Groupe du Nouveau Monde. Les nombreuses femmes présentes le conduisent à prononcer un discours où il expose « le rôle que Dieu [leur] a réservé […] dans la société future [...] » [13] :

Dieu vous a en quelque chose donné le pas sur nous, et [...] nous ne pouvons que vous suivre sur l’échelle de deux passions sensitives, le tact et la vue, de deux passions affectives, l’amour et le familisme. En effet, qui a plus de délicatesse et de raffinement dans le toucher ? Qui a plus de goût et d’exigence dans la vue ? Qui a plus de générosité et d’épanchement dans l’amour ? Qui a plus de caresses et d’amitié dans le familisme ? O vous, femmes amantes, qui avez aimé d’amour, rappelez-vous toutes les jouissances que vous avez éprouvées, toutes les délices que vous avez ressenties ; et vous femmes mères, rappelez-vous les convulsions du bonheur, les délires extatiques dont vous joui au premier sourire de votre enfant, rappelez-vous tout cela femmes encore si malheureuses, et dites-moi si nous avons jamais ressenti ces plaisirs-là ; oh non ! Notre cœur, plus froid que le vôtre, a besoin d’être touché autrement, et ces jouissances internes ne sont pas pour nous. Aussi gloire à vous, car vous êtes le complément nécessaire et indispensable à l’homme, et l’être ne serait pas parfait si vous manquiez, si vous ne le complétiez pas.

Il est de ceux qui achètent la concession perpétuelle destinée à la tombe de Fourier. En septembre 1843, il organise, en comité très restreint, sans concertation avec le centre parisien de l’École sociétaire mais dit-il en accord avec certains membres de la famille de Fourier [14], l’exhumation du corps de Fourier pour son transfert dans la nouvelle concession. Il est l’un des organisateurs d’un banquet populaire qui doit suivre le moment de recueillement sur la tombe de Fourier pour l’anniversaire de son décès en octobre 1843.

Il appartient au comité qui annonce publier une Correspondance phalanstérienne, publication gratuite du groupe des harmonistes (Jounin, Joffroy, Jouanne, Ac. Suin, Philardeau en sont les membres parisiens signataires) - dont le premier numéro paraît en septembre 1843. Cette feuille lithographiée dont il est secrétaire-gérant ne doit aucunement rappeler la « publication de triste souvenir qui n’enfanta que discorde, division et haine » [15] qu’était devenue La Correspondance harmonienne. Le projet a été initié plus d’un an avant, en mars 1842, avec la parution d’une circulaire puis d’un numéro quelques semaines après. Il s’agit de « rétablir [les liens entre] les Phalanstériens disséminés sur le sol de France » [16]. L’harmonie est la relation affectueuse qui lie les membres fondateurs du groupe (au nombre de 8 à l’origine ; l’initiateur du groupe est Pierlot [17] ; Guilbaud est peut-être le 8e membre [18]). Ils souhaitent rallier ceux « qui, moins confiants dans le présent, et d’ailleurs plus portés par leur position à ne compter que sur un essai minime, dirigent leurs pensées et leurs espérances vers l’expérimentation » [19] et non la réalisation du phalanstère. Il s’insurge contre Le Nouveau Monde qui attribue des velléités réalisatrices au groupe des Harmonistes [20]. . Néanmoins, quelques semaines après, il en reprend la direction et la rédaction. La Correspondance phalanstérienne ne semble pas perdurer au-delà du numéro de janvier 1844 et Jounin cède le secrétariat du groupe harmoniste à Joffroy. L’action de Jounin et du groupe des harmonistes apparaît pour les quelques correspondants qui donnent leur avis comme l’œuvre d’individus « disposés aux dissidences » [21]. Il signe au nom du comité de rédaction (avec Jouanne et Joffroy) le « programme de la nouvelle direction » du Nouveau Monde [22] qui devient journal de l’essai sociétaire sur les enfants dont seulement deux numéros paraissent en janvier et février 1844. Une sélection d’une population d’enfants doit rendre l’expérience probante :

Aujourd’hui encore, plusieurs circonstances nous portent à insister plus spécialement sur la démonstration par les orphelins [23], explique Jounin.

A partir d’avril 1844, Jounin réoriente son fouriérisme vers l’homéopathie et le magnétisme. Il contribue activement à L’Avenir médical, journal des intérêts de tous ayant pour but la démonstration pratique du nouvel art de guérir, l’homéopathie et le magnétisme dont l’objet est de concourir à la fondation d’un hôpital homéopathico-magnétique pour 150 à 200 enfants. L’adresse de la revue est à son domicile. Il en devient le directeur avec le docteur Piron.

Il exerce 1 rue Daval à Paris en 1854. Son nom réapparaît en 1861 avec d’autres proches de l’École sociétaire (César Daly, Rodolphe Nusbaumer, Lachambaudie, Barral) ; il est sociétaire de la nouvelle Bibliothèque des Amis de l’Instruction du 3e arrondissement de Paris fondée par l’ouvrier lithographe Jean-Baptiste Girard.
En 1871, Jounin est l’un des « membres honoraires » de la Maison rurale d’expérimentation sociétaire, fondée par Jouanne à Ry (Seine-Inférieure). Il fait également partie du Cercle des familles

Lors de son décès, il réside au 44 boulevard Voltaire à Paris. Il est marié à Marie Nodot. Son beau-frère, ancien avoué, Pierre Nodot demeurant à Saint-Amand (Cher) est l’un des témoins.